L’Open Hardware veut s’ouvrir au grand public

Le 5 octobre 2012

L'Open Hardware Summit et la World Maker Faire, événements emblématiques, ont rassemblé la semaine dernière à New York les défenseurs passionnés du matériel libre, l'Open Hardware. État des lieux du mouvement et tour d'horizon des prochaines grandes étapes de son développement.

Quatre cent cinquante participants à guichet fermé pour la troisième édition de l’Open Hardware Summit la semaine dernière, 650 exposants pour les 55 000 visiteurs de la World Maker Faire le week-end dernier, un maire de New York qui qualifie officiellement la semaine de “Maker Week” : le mouvement maker était plus que jamais à l’honneur ces derniers jours.

Avec lui, trois grandes thématiques :

- communauté : la plupart des projets présentés à Maker Faire ou à l’Open Hardware Summit sont des œuvres collectives et qui continuent de bénéficier de la communauté.

Fête le vous-même !

Fête le vous-même !

Sur le modèle des Maker Faire, ces grands rassemblements dédiés au do it yourself, version moderne du bricolage de nos ...

- innovation : le maitre-mot de l’ensemble des participants. La créativité du mouvement maker est maintenant structuré par des opportunités commerciales. On passe d’un moment où l’invention était reine à un écosystème capable d’apporter des innovations. MakerBot, leader de l’impression 3D personnelle, en est un exemple phare ; passée d’un bricolage entre amis à un produit grand public.

- accès au savoir : le nombre d’ateliers Do-It-Yourself proposés à la World Maker Faire cette année était hors proportion. Accompagnée d’une pratique de plus en plus formalisée d’accès à la documentation des projets hardware, le partage du savoir à tous les curieux continue de motiver quasiment l’ensemble des initiatives.

Ces trois thèmes récurrents convergent tous vers un mouvement Open Hardware en pleine structuration. L’Open Hardware Summit a vu s’enchainer conférences et présentations du cœur de la communauté venue des quatre coins des États-Unis. Trois grands défis se profilent pour l’année à venir.

Se définir

L’Open Source Hardware en est encore à une phase de définition. Pas encore d’organisation porte-voix officielle, pas encore de licences spécifiques à l’hardware, pas encore de cadre législatif ni de formalisation des pratiques. Le terrain est en pleine construction. Et l’enthousiasme et les débats qui vont avec.

Côté porte-voix, l’Open Hardware Association (ou OSHWA) est en passe de devenir l’organe rassembleur, avec à son bo(a)rd quelques acteurs très actifs du domaine comme Alicia Gibb qui consacre entièrement son temps au projet depuis la fin de Bug Labs, Catarina Mota co-fondatrice d’Open Material, Nathan Seidle CEO de SparkFun ou encore Windell Oskay, co-fondateur d’Evil Mad Scientist Laboratories. L’association aura un statut de non-profit organisation (sans but lucratif), et les adhésions sont déjà ouvertes.

En plus de l’organisation du Summit 2012, OSHWA vient de produire cette vidéo, qui tente une première définition, plutôt vague, de ce qu’est l’Open Hardware :

David Carrier de Parallax, considère qu’un produit est Open Hardware dès lors qu’il :

- ne restreint pas l’usage
- comporte une licence de design ouverte et qui inclut les fichiers nécessaires à la reproduction de l’objet
- se soustrait perpétuellement des droits d’utilisation d’un brevet
- ne restreint pas le reverse engineering

Certains participants proposent de prendre aussi en compte dans la définition la facilité d’accès aux machines nécessaires à la reproduction de l’objet. Est-ce qu’on peut toujours parler d’Open Hardware lorsqu’un objet ne peut être reproduit qu’avec des machines industrielles couteuses et compliquées d’accès ?

Il est apparu clairement que l’Open Hardware devait répondre à ses règles propres, en se démarquant en partie du monde du logiciel libre.

Les différents niveaux d’ouverture pris en compte par le label Open Hardware devront prendre les questions suivantes :

- Comment limiter la copies conforme tout en restant ouvert ?
- L’ouverture s’arrête-t-elle à la documentation ou comprend-t-elle aussi la mise à disposition des outils de fabrication ou tout du moins la prise en compte de l’écosystème de fabrication ?
- Parlons-t-on encore d’Open Source hardware lorsque la documentation est partielle ou au contraire trop complexe ?

“Un business d’un milliard de dollars”

Chris Anderson, rédacteur en chef de Wired et co-fondateur de DIY drones, a débuté son intervention par une phrase qui donne le ton général des espoirs du mouvement :

Quelqu’un dans la salle va construire un business d’un milliard de dollars.

Les sites de financement collaboratif de type Kickstarter ont été mentionnés maintes et maintes fois, aussi bien au Summit qu’à Maker Faire. Ils sont présentés comme la solution révolutionnaire pour tester une idée de business et pré-lancer son produit tout en limitant les risques. Les projets Open Hardware emblématiques se sont multipliés ces derniers mois, des 830 827 dollars levés par Printrbot en décembre dernier au récent Form 1 par Formlabs qui a déjà récolté plus d’un 1,6 million de dollars 21 jours avant la fin de sa campagne.

L’impression 3D vend son âme

L’impression 3D vend son âme

Le fabricant d'imprimante 3D grand public MakerBot incarnait la possibilité d'un business model basé sur l'open ...

Alors qu’il y a deux ans Dale Dougherty défendait encore l’idée qu’un maker crée simplement pour son plaisir, la World Maker Faire de cette année tend à affirmer le contraire. Le 3D Printing Village a attiré toute l’attention : avalanche de jeunes entreprises qui proposent des imprimantes 3D personnelles moins chères, plus compactes (Printrbot), plus rapides (Ultimaker, MakerBot Replicator 2) ou plus spécialisées. Le petit nouveau issu de Kickstarter, Formlabs, est le premier à proposer une imprimante à stéréolitographie à bas prix pour professionnels.

L’ambition est bien présente, mais la question du passage à l’échelle se pose rapidement. MakerBot qui faisait jusqu’ici figure exemplaire du mouvement rencontre des difficultés à maintenir un modèle entièrement ouvert. L’intervention du co-fondateur de MakerBot, Bre Pettis, était fortement attendue, pour comprendre si la start-up new-yorkaise avait “vendu son âme”.

Visiblement touché d’être la cible de critiques de ses pairs, Bre a rappelé l’ambition grand public de MakerBot : “notre but depuis le début : une imprimante 3D pour tout le monde, aussi facile à utiliser que possible. Tout ceux qui ont participé à l’aventure savent que c’est une victoire pour l’Open Hardware.” Il a mis en avant une des ambiguïtés principales du modèle économique de l’Open Hardware : oui, le produit s’améliore plus vite et en grande partie grâce au travail de la communauté, mais c’est bien sûr aussi la porte ouverte aux mauvaises copies vendues moitié prix.

Nous l’autorisons [la copie] mais ça ne veux pas dire que nous aimons ça.

a reconnu Bre Pettis qui présente les restrictions faites à la nouvelle machine comme des solutions pour permettre l’innovation par la communauté tout en limitant les copies conformes. L’interface graphique du logiciel MakerWare et la documentation du design de la Replicator 2 sont désormais propriétaires, mais le reste est ouvert (logiciel, firmware, extrudeur…).

La question se pose nettement moins pour les entreprises Open Hardware du secteur éducatif.

Flexibilité et simplicité

S’il fallait résumer la Maker’s Week à deux mots-clés, répétés interventions après interventions, stands après stands, ce sont bien flexibilité et simplicité.

World Maker Faire 2012 (cc)Jabella

Comme l’ont rappelé Paulo Blikstein de Fablab@School, David Carrier de Parallax, Ayah Bdeir de littleBits.cc ou le lobbyiste Michael Weinberg, l’atout majeur de l’Open Hardware est sa capacité à simplifier et à rendre accessible et compréhensible les technologies qui nous entourent.

Les outils du fab lab changent la façon dont on voit le monde.

Les petits bidouilleurs en open source

Les petits bidouilleurs en open source

Ce jeudi, deux enfants très partageurs ont donné une conférence à l'Open Hardware Summit à New York sur les ...

C’est ce que soulignait Paul Blikstein en montrant une étude réalisée à l’issue de la classe de physique menée dans un des Fablab@School. Les adolescents qui avaient suivi la classe avaient une confiance en leur propre créativité bien plus élevées que ceux qui n’y étaient pas. La tendance était encore plus forte pour les filles, qui rattrapaient quasiment les garçons dans leur confiance à comprendre et créer.

Les questionnements autour de la propriété intellectuelle n’ont pas été la priorité de cette année, la stratégie générale étant pour l’instant de faire et voir ce qui se passe. L’Open Hardware est dans une phase d’expérimentation.

Lors de son intervention à Maker Faire, Bre Pettis a été jusqu’à détailler les stratégies de contournement que MakerBot a employé jusqu’ici pour éviter les interdictions : il ne prononce par exemple jamais le terme FDM (Fused Deposition Modeling) pour parler de la technique d’impression utilisée par les MakerBot (marque déposée par Stratasys).

Le lien avec la communauté

Le grand challenge de l’Open Hardware est pour l’instant de montrer de quoi il est capable en terme de business. Les marques emblématiques du mouvement que sont Make Magazine, Arduino, Adafruit Industries ou encore SparkFun comportent dans leur essence même l’identité Open Source, comme l’a souligné dans son intervention longuement applaudie Marco Perry, de l’agence de design Pensa. Ces marques sont aimées parce qu’elles ont de réelles communautés.

Flexibilité, simplicité et… fun bien sûr. Réunir plusieurs milliers de makers à New York pendant une semaine ne va pas sans une bonne dose de fun et de hacks. Faites un coucou à la caméra moustache de Jason Kridner.

Camera moustache de John Kridner - (Matt Richardson, MAKE Magazine)


Photos de (cc-by) jabellavia flickr et (cc) Matt Richardson via Mathilde Berchon.

Mathilde Berchon vit à San Francisco d’où elle couvre le mouvement Open Hardware sur MakingSociety.com

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