Mort de Ben Laden : l’étrange communication de l’Élysée

Le 2 mai 2011

En affirmant que « justice est faite » suite à l'annonce de la mort de Ben Laden, l’Élysée a-t-il commis une nouvelle maladresse de communication ?

Pour les victimes du 11 septembre 2001, justice est faite.

Un dialogue tiré du dernier western des frères Cohen ? Une réplique d’un film de Charles Bronson ? Non : un message laissé sur le compte Twitter officiel de l’Élysée ce lundi 2 mai un peu avant 9 heures, à propos de la mort de Ben Laden.

Que s’est-il donc passé ? Le community manager de l’Élysée se serait-il lâché ? Au service communication de la présidence, se dirait-on que sur Twitter on peut oublier la réserve habituelle de la communication officielle dans laquelle, généralement, on ne prêche pas la loi du talion ?

Même pas puisque si l’on regarde de plus près le site de l’Élysée, on se rend compte que cette phrase se retrouve dans le communiqué officiel mis en ligne :

Une étonnante conception de la justice

Serais-je donc le seul choqué lorsque je lis que la présidence de la République estime que la mort de Ben Laden permet d’affirmer que « Justice est faite » ? La conception de la justice dans un pays qui s’apprête à célébrer le 30ème anniversaire de l’abolition de la peine de mort (le 9 octobre prochain) aurait-elle évolué à ce point ?

A moins, me souffle-t-on ici ou là, qu’il ne s’agisse que d’une maladresse commise en voulant traduire les propos d’Obama ? C’est effectivement ce qui semble s’être passé, Obama ayant effectivement bien prononcé ces paroles – qui m’ont de prime abord échappé – dans son discours d’hier soir. (Au temps pour moi, et merci à ceux qui m’ont corrigé)

Malgré tout, le fond de mon billet ne change pas, et je reste très surpris de retrouver ces mots dans la réaction officielle de l’Élysée. Surtout lorsque je lis, ailleurs dans le discours d’Obama ces autres mots :

Et finalement, la semaine dernière, j’ai déterminé que nous avions suffisamment de renseignements pour agir, et ai autorisé une opération destinée à capturer Oussama Ben Laden et à le présenter devant la justice

Finalement, c’est donc le président américain, pays ayant été la victime du 11 septembre et dont plusieurs États appliquent toujours la peine de mort, qui appelait à traduire Ben Laden en justice. Pendant ce temps, en France, l’Élysée se contentait donc pour sa part d’estimer que « Justice est faite ». Non en traduisant les mots du président américain, non pas en les commentant, mais en donnant en ces quelques simples et terribles mots, son avis.

C’est tout, et c’est déjà beaucoup.


Article initialement publié sur le blog de Erwann gaucher Cross Media Consulting

Photo flickr CC Jostwinz


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