Le point sur le BureauExport

Le 20 janvier 2011

Le BureauExport est une organisation incontournable dans le paysage musical Français. Sophie Mercier nous a reçu pour nous permettre de mieux cerner cet acteur qui compte.

BureauExport c’est quoi, qui, comment, pourquoi?

C’est à l’initiative des producteurs phonographiques que le BureauExport voit le jour en 1993. Alors que les organisaitons de l’industrie musicale se structuraient, aux débuts de la French Touch, ils s’intéressent de plus en plus au développement international de leurs artistes.

Ils avaient besoin d’une structure sur laquelle ils puissent s’appuyer en terme de contacts et de support financier.

Les pouvoirs publics ayant pour rôle de soutenir l’exportation de produits culturels français et d’accompagner le rayonnement de la diversité musicale, le projet a tout de suite été relayé par Jack Lang, à l’époque Ministre de la Culture, l’objectif du projet étant d’offrir un outil pour aider la filière musicale à se développer à l’international. Pendant sept ans, le Bureau a bénéficié du seul soutien du Ministère de la Culture, le Ministère des Affaires Étrangères a rejoint l’aventure en 2000.

Le BureauExport est une Association de loi 1901 qui s’appuie donc à la fois sur un financement public à hauteur de 55%, mais aussi sur l’aide de la filière musicale à hauteur de 45% avec les deux sociétés civiles, SCPP, SPPF, la SACEM et dans une moindre mesure FCM et CNV pour les producteurs de spectacle.

L’équipe est constituée de 21 salariés dont 9 à Paris, 13 à l’international répartis entre Berlin, Londres, New York, Tokyo, Barcelone et Sao Paulo. Sophie Mercier, a répondu à nos questions. Elle a travaillé comme attachée de presse et responsable marketing des catalogues internationaux en France chez Pias pendant huit ans avant d’être nommée directrice du BureauExport: “l’aspect intérêt général et le côté international m’attiraient.” Nous lui demandons de citer un équivalent du BureauExport pour illustrer la structure qu’elle dirige:

L’équivalent du BureauExport c’est Unifrance pour le cinéma.

La structure comptait 310 membres en 2010 dont les deux tiers sont localisés en Ile-de -France. Deux fois par an, il leur est demandé de lister les trois ou quatre artistes prioritaires. En 2010, 157 sociétés ont obtenus des aides par les 5 différentes commissions:

- commission promotion (jusqu’à 10 000€ par projet)
- aides aux projets numériques (jusqu’à 10 000€ par projet)
- commission tournée (jusqu’à 10 000€ par projet)
- commission export (réflexion en cours avec le CNV)
- comission classique (jusqu’à 7000€ par projet)

Les aides accordées par le BureauExport sont de deux types:

- financier (support tour, promotion, stratégies numériques)
- conseil (mise en relation avec les représentants locaux, veille, expertise des marchés).

La seule condition pour pouvoir effectuer une demande d’aide auprès du BureauExport est d’en devenir membre. Cette “barrière” a été mise en place pour des raisons évidentes de gestion. Elle permet d’identifier les projets qui sont “prêts” pour l’export et promettent d’être bénéfiques pour le marché français. En effet, il parait cohérent de demander à ce qu’un projet ait atteint un certain stade de maturité avant de s’y investir.

Les professionnels peuvent effectuer autant de demandes qu’ils le désirent. La seule contrepartie étant cette fameuse adhésion. Une fois cet obstacle passé, la sélection se fait ainsi: “nous leurs fournissons les contacts, ils font les démarchent. S’ils s’investissent, on décide qu’ils sont prêt à être aidés.”

Si le BureauExport propose un soutien, il n’est ni un distributeur, un producteur ou un label. Il ne passe jamais de contrat avec les artistes qu’il soutient et ne se substitue pas à l’entourage indispensable au développement d’un artiste. Par exemple: “BureauExport se fait l’echo du réseau des expatriés mais ne se substitue en aucun cas au travail de promotion nécessaire sur place.

Le BureauExport n’est pas à confondre non plus avec un label au sens producteur, identité artistique, image, enregistrement… “il nous est arrivé de coproduire des compilations mais nous ne sommes pas un label.(…) Nous sommes proactifs dans le sens ou on monte des opérations comme par exemple des tournées sur des campus anglais pour lesquels nous lançons des appels d’offre à nos membres”.

Le #Burex accompagne la mutation

“Certains organismes publics au niveau de la filière ont une image un peu poussiéreuse, parce qu’ils restent sur des schémas qui sont datés. L’industrie a vécu une véritable révolution il y a 7 – 8 ans et il faut l’accompagner. Le point fort du BureauExport c’est d’être toujours à l’écoute et suffisamment souple. ”

Révolution numérique

On a très vite perçu les problématiques liées au numérique. Dès 2004 – 2005, on voyait ce qui se passait aux États-Unis, il fallait qu’on alerte les structures pour qu’elles s’organisent et que leurs catalogues soient accessibles à l’étranger. On s’est parfois retrouvés dans des réunions assez surréalistes, on avait clairement un train d’avance.

Certains ne s’étaient même pas posé la question au point de vue local. Encore une fois on a joué sur la mise en relation, on a fait venir des Américains, donné la parole aux premiers acteurs du numérique comme Believe en expliquant qu’ils pouvaient être de bons relais sans pour autant négliger de s’organiser en interne. Tout ça, c’était en 2004 – 2005.
Une fois les catalogues disponibles à l’étranger, le problème était de sortir du lot. La plupart des distributeurs en ligne ne proposaient pas de services promotionnels. En 2009, Bernard Kouchner, nommé au Ministère des Affaires Étrangères, a récupéré auprès du gouvernement une rallonge annuelle de 20 millions d’euros qu’il a décidé de consacrer au numérique. Nous avons effectué une demande et récupéré 520 000 d’euros pour aider la filière musicale française dans son développement numérique à l’international.

Le classique, une nouvelle priorité

Depuis 2004, on aide aussi les artistes de la musique classique à se développer. Une volonté du Ministère de la Culture, très vite relayé par la SACEM. Ça n’est pas le même réseau, pas la même manière de travailler l’artiste localement et ils bénéficient d’une commission spéciale pour les aides. En terme de musique contemporaines, c’est important pour la SACEM.
Le rapport Louis Bricart sur le disque classique a mis en avant le fait que la musique classique n’était pas du tout soutenue à l’international alors que par essence, c’est une musique essentiellement instrumentale donc plus internationale, car il n’y a pas la barrière de la langue.

De plus, ce secteur est loin d’être une niche. Il représente 20% du chiffres d’affaires des ventes des maisons de disques. Beaucoup plus élevé que le seul marché français, ou le classique ne représente que 7 à 8% des ventes.

Le nature des exportateurs change

Nous travaillons essentiellement sur de la production, nous ne nous investissons pas vraiment en termes de création. Pourtant, aujourd’hui, une grosse partie de nos aides va aux éditeurs. Pour ce qui est de travailler avec un compositeur soit avant même la diffusion, jusque là, nous n’avions jamais touché à ça. Le BureauExport s’est adapté aux changements de l’industrie puisqu’il y a dix ans, les producteurs et éditeurs ne travaillaient pas ensemble. La crise a fait que les intérêts ont convergé. L’initiative qui émanait des maisons de disques est désormais utilisée par d’autres. Aujourd’hui, certains éditeurs vont développer leurs artistes comme des producteurs. Nous essayons d’un autre côté de répondre aux demandes concernant la synchro.

Le #Burex, plus qu’un simple outil de mise en œuvre?

NB : être membre de l’un des organismes finançant du BureauExport est un atout important. (conditions d’adhésion au BureauExport)

Malgré l’intérêt évident d’une telle structure pour les activistes de la musique, l’ambiguïté de son statut et donc de ses intentions nous taraudent. Ce bureau, dont la mission est d’intérêt général mais financée en partie par l’industrie, comment parvient-il à rester neutre et pourquoi n’est il pas considéré par l’État comme un conseiller primordial.

La réussite du bureau, un peu un précurseur dans leur domaine, tient en grande partie à cette parité professionnels / public. Les équivalents du BureauExport à l’étranger sont souvent soit publics, soit pro. (…) Les pouvoirs publics ont eu l’intelligence de comprendre qu’ils pouvaient mettre jusqu’à 55% de budget mais laisser les professionnels dresser les grandes lignes de l’action.

Alors pourrait-on en conclure qu’en France les institutions publiques et les professionnels de l’industrie ont la même vision de l’intérêt général?
C’est au BureauExport de faire en sorte qu’ils aient la même vision.

Aussi, au vu de l’expérience et de leur expertise on se demande pourquoi, on ne retrouve pas cet observateur de premier rang plus souvent engagé dans les débats qui animent ses “investisseurs”?

Ce serait en effet intéressant, le cabinet de Nathalie Kosciusko-Morizet était intéressé par notre point de vue. Mais si on reprend la problématique du rapport Hoog ou d’HADOPI, ce sont des sujets qui sont avant tout traités par les partenaires qui nous financent directement. On est avant tout sponsorisés par les producteurs phonographiques, on est pas aussi neutres que ça au niveau de la scène musicale.

Le BureauExport sur internet : www.french-music.org

Crédits photos : FlickR CC yorkjason; jfpickard; only alice

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