OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Vendredi c’est Graphism ! http://owni.fr/2012/05/25/vendredi-cest-graphism-signaletique-sonore/ http://owni.fr/2012/05/25/vendredi-cest-graphism-signaletique-sonore/#comments Fri, 25 May 2012 09:11:43 +0000 Geoffrey Dorne http://owni.fr/?p=111419

Hello :)

Aujourd’hui c’est un numéro de Vendredi c’est Graphism tout ensoleillé que je vous propose avec une balade sonore dans la ville, avec un vêtement qui va vous permettre de faire des gestes…précis ou encore avec une vidéo graphique et ludique, sur le Sénat ! Et oui tout arrive ;-) On continuera sur de la visualisation de données et de la musique 8-bit et en conclusion, un doux WTF en extérieur mélangeant de la signalétique ET des animaux.

Bref, c’est Vendredi et c’est… Graphism !

Hop, on commence notre rendez-vous de la semaine avec un concept assez intéressant qui permet d’explorer la ville d’une façon différente. Loin des plans, des magasins, des photos et autres informations classiques, là c’est grâce au son que vous allez découvrir la ville. Le concept repose donc sur une solution interactive explorée à l’aide d’un stéthoscope, qui est en fait un lecteur RFID, afin de détecter des lieux, des emplacements. En termes simples, la carte est synchronisée avec des micros placés autour de la ville. Lorsque le stéthoscope est déplacé sur la position d’un de ces micros, l’utilisateur peut entendre ce qui se passe à cet endroit à ce moment-là.

idee Ecouter et parcourir le murmure de nos villes...

En vidéo :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

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Je vous présente aujourd’hui : “Move”, un vêtement technologique conçu par Electricfoxy et qui tente d’améliorer la performance et la précision de vos mouvements. Des activités quotidiennes aux activités sportives ou encore à la danse, ce vêtement propose une approche plus douce, poétique, et plus personnelle. L’idée des designers qui ont travaillé sur ce projet étant également d’éviter la douleur chronique ou même à long terme un mauvais geste ou une mauvaise posture.

Le vêtement comprend quatre capteurs d’étirement et de pliage situés à l’avant, à l’arrière et sur les côtés. Ensemble, ils informent de la position de votre corps et du mouvement musculaire afin de déterminer si ils sont corrects. Le tout est relié à un téléphone mobile ou une tablette et vous permet d’évaluer, de gérer et de personnaliser votre expérience physique.

Bienvenue dans le futur ! :-)

Cliquer ici pour voir la vidéo.

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On enchaîne avec un sujet un peu lourd mais présenté sous forme d’émulsion de noisette, de chantilly, de crème fouettée 0%, bref, un sujet au final traité en toute légère grâce au graphisme, à l’animation, au design. Son titre ? « Commission d’enquête, mission d’information : comment ça marche? ». Son commanditaire ? Le Sénat. Grâce à cette vidéo, vous allez comprendre comment fonctionnent ces outils indispensables à la fonction de contrôle exercée par les sénateurs et vous approprier toutes les réponses grâce à cette vidéo pédagogique.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

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Je vous présente LE site qui a fait le tour du web la semaine dernière… il s’agit d’infogr.am, un site assez formidable ; application en ligne qui met à notre disposition plusieurs modèles (templates) d’infographies ou de diagrammes, dont on peut modifier les données à la volée. Le site comprend plusieurs styles différents et il vous suffira de générer l’infographie en déplaçant les éléments.

Comme les infographies sont de plus en plus nombreuses sur internet, je me doutais bien que ce genre d’outils allait exploser et, en effet, j’en vois de plus en plus. J’attends l’application mobile qui puisse me permettre de créer et de mettre en ligne mon infographie !

Infogr.am en images :

dataviz Créez de belles infographies & datavisualisations gratuitement et en ligne grâce à Infogr.am !

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Cette semaine nous avons eu droit à LA découverte 8-bits ! Plusieurs albums de Radiohead ont été mis à la moulinette de la musique 8-bits et voici celui-ci qui est mon préféré :)  L’artiste QuintonSung a pris à la fois le rythme et la mélodie et l’a et complètement transformée en sonorités 8-bits. De quoi nous rappeler notre jeunesse et nos jeux vidéo !

Les morceaux de musique de Radiohead :

  • 0:00 – Everything in its Right Place
  • 4:15 – Kid A
  • 8:44 – The National Anthem
  • 14:20 – How to Disappear Completely
  • 20:06 – Treefingers
  • 23:27 – Optimistic
  • 28:06 – In Limbo
  • 31:10 – Idioteque
  • 36:25 – Morning Bell
  • 41:18 – Motion Picture Soundtrack

L’album complet en 8-bit :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

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On termine sur un WTF animalier ET signalétique avec cette série de photos publiée sur un blog qui recense les animaux qui enfreignent les panneaux et la signalétique des espaces publics ! Amis & collègues designers… et si vous conceviez de la signalétique pour animaux, à quoi cela ressemblerait-il ? Pas à ces panneaux en tous cas ;-)

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Pour le mot de la fin, c’est la fête aux liens, avec la dernière version de la musique du jeu “Sword and Sworcery”, avec les “Designer’s days“, avec une nouvelle façon d’attendre dans les hôpitaux, ou encore avec le Festival d’affiches de Chaumont !

Oh et…si vous passez au WIF de Limoges la semaine prochaine, n’hésitez pas à venir me saluer :)

Geoffrey

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[ITW] « Récupérer un espace qui appartient à tout le monde et à personne » http://owni.fr/2011/07/21/itw-%c2%ab-recuperer-un-espace-qui-appartient-a-tout-le-monde-et-a-personne-%c2%bb/ http://owni.fr/2011/07/21/itw-%c2%ab-recuperer-un-espace-qui-appartient-a-tout-le-monde-et-a-personne-%c2%bb/#comments Thu, 21 Jul 2011 16:39:57 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=74405

De quelles façons les technologies envahissent l’espace et la ville et quelles peuvent être les conséquences ?

Les nouvelles technologies permettent aux gens moins riches d’avoir les mêmes outils et les mêmes possibilités que ceux des quartiers plus aisés : les réseaux sociaux, les moyens pour échanger les objets, etc. Certains outils comme les hobo signs en QR Codes [en] du F.A.T. (un pochoir sur un mur qui signifie que dans telle maison le propriétaire fait à manger, donne un peu d’argent contre un peu de travail, ou à tel endroit, le Wi-Fi est gratuit, le café n’est pas bon, etc…) proposent de relier l’information et de la relayer de différentes manières. La ville est la poursuite de différents liens. Et la technologie aplanit les banlieues, la périphérie et le centre, le tout pensé par l’architecture de la ville.

En adaptant la technologie à la ville, on la hacke pour que les citoyens se la réapproprient ?

Oui c’est tout à fait ça. Hacker la ville, c’est récupérer un espace qui appartient à tout le monde et à personne. Il y aurait des centaines de projets qui concernent cette question. Par exemple en Allemagne, des designers et des artistes de Berlin investissent la ville et la détournent : ils ont installé des bancs, des chaises et des tables pliantes au sein d’un compteur électrique. Le compteur se ferme et quand ils viennent sur place, ensemble dans cette rue, ils déplient le compteur, une grande table apparait et ils boivent un coup, ils mangent ensemble. Le compteur fonctionne toujours, il a gardé son utilité première et en a gagné une deuxième. En fait, l’essentiel est là : hacker la ville les a liés ou reliés.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Autre exemple en Chine. À Beijing, un étudiant a décidé d’investir un grand trottoir en y installant sa maison, une grosse boule en mousse de la taille d’une voiture dans laquelle il a mis son lit, un ordinateur et de la lumière. Sur cette boule, il a accroché des petits sacs de terre sur lesquels poussait de la verdure. Personne ne s’est offusqué. Et pourtant il avait créé son espace sur le trottoir…

Quel est le sous-entendu de telles démarches ?

Qui dit se réapproprier la ville dit qu’elle ne nous appartient plus. Notamment à cause de considérations économiques ou d’architecture. Le lien social intervient ensuite : on peut modifier la ville mais tout seul c’est moins enrichissant. Créer comme les Allemands un espace pour être ensemble, boire un verre et partager un saucisson c’est instaurer des relations qui n’existaient pas avant. Et déjouer des normes aussi. Parking Day par exemple est un hacking de ville. Tout le monde est invité à louer une place de parking, en ville, et le temps de la location, faire ce qu’on en veut. Planter des fleurs, du gazon, installer un banc et tout un tas de choses qui font que pendant l’heure louée, la place est détournée de sa première utilité. Qui a dit qu’il fallait mettre une voiture sur une place de parking ?

C’est comme si le lien social avait plus ou moins disparu et qu’il était nécessaire de le retrouver. Mais pourquoi la ville ?

Michel Mafesoli disait que « le lieu fait le lien ». L’agora et le centre de la ville créent la communication. À l’inverse, le lien peut faire le lieu et l’espace, qu’il soit physique ou pas devient un lieu. Twitter, les chatrooms sont juste des espace non physiques où se créent des conversations. Les deux sont aujourd’hui des lieux à part entière. Parce que c’est l’agora, la place publique dans laquelle les gens viennent se retrouver, un point de convergence, un point central. C’est le seul endroit, la ville et la rue, qui à la fois appartient à tout le monde et à personne en particulier. Du coup c’est le seul lieu qui reste. Et que les gens peuvent se réapproprier.

Pendant longtemps, les gouttières étaient considérées comme des éléments publics dont certains se servaient pour coller des autocollants ou dessiner. Elles n’appartenaient à personne et le vide juridique leur laissait la possibilité de décorer l’espace sans risquer quoi que ce soit. Il en va de même pour les graffitis, les graffeurs se servent des bâtiments publics parce que la rue leur appartient aussi. En théorie, les maisons des particuliers sont épargnées !

Mais qui sont les hackers de la ville ? Des passionnés, des citoyens qui revendiquent ou des designers ?

Ce sont des citoyens qui ont un métier et qui ont décidé de s’engager un peu. Ce sont des personnes qui font du graphisme, d’autres qui font du street art. D’un coup ils se réveillent en se disant qu’ils partagent une ville avec d’autres et leurs côtés citoyen et politique émergent. Ils ont déjà une certaine idée de la société. On peut créer, faire des choses pour les autres, mais après il faut trouver une cause, un but. La ville est faite pour ça, c’est un excellent terrain de jeu.

Comme les créateurs de Fabrique-Hacktion ?

Oui tout à fait. D’autres avaient commencé à faire ce genre de projet notamment à Strasbourg. La ville ludique avait été utilisée pour créer des parcours sportifs avec les objets du quotidien. La ville est devenue un stade.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

On peut comparer ça dans une moindre mesure à Jeudi Noir et leurs soirées dans des appartements parisiens de 20 m2 à 800 euros : ils dénoncent avec un côté festif. C’est une forme d’action.

Hacker la ville est donc une forme d’activisme ?

Oui, on peut le mettre dans la même « case » même si la revendication est différente, moins engagée, moins politisée et moins politique. Mais elle existe. Fabrique-Hacktion c’est une manière de signaler « Coucou il manque des choses, c’est mal pensé », en ajoutant simplement quelque chose qui permet à ceux qui s’en servent de se dire « Ah oui mais c’est vraiment beaucoup mieux ! ».Et ce qui est intéressant c’est qu’il n’y a pas besoin d’en dire plus : on a juste changé la ville, on l’a rendue plus agréable, plus pratique et plus facile.

Les petites choses qui sont faites et qui sont décalées ont ensuite un impact sur le comportement des gens et au moment où la petite amélioration disparait, ils se rendent compte que ça leur manque. Soit ils peuvent le réclamer d’eux-même, soit il peut exister une prise de conscience de la part de ceux qui créent le mobilier urbain, les trains, etc. Se dire que les hackers n’avaient pas tort c’est admettre qu’il y avait un vrai besoin derrière et que parfois quand on ne propose pas nous-mêmes un ajout à apporter, les fabricants n’en ont pas forcément l’idée. D’ici vingt ans on aura peut-être un porte-journaux dans le métro !

Ça ressemble à la définition d’une ville intelligente ?

Oui c’est inventer la ville pour la rendre plus pertinente. Un projet artistique avait construit des bancs contre les SDF : ils comportaient des pointes sur les sièges et pour pouvoir s’y asseoir, il fallait insérer une pièce qui faisait que les pointes rentraient dans l’ossature du banc pendant une heure ou trente minutes.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

C’est un projet mais en l’état, les villes « intelligentes », avec beaucoup de guillemets, existent déjà. Les bancs anti-SDF, ce sont les bancs dans le métro, qui ont des accoudoirs et qui ont été conçus pour que les SDF ne puissent pas s’allonger dessus. Prévus comme ça pour ça. De même avec les sièges creux. Le design peut être intelligent mais avec l’intelligence qu’on veut bien lui prêter. Pour obéir aux désidératas et aux volontés des politiques de la ville sous sa forme la plus concrète.

Mais c’est un peu à double tranchant. Surtout c’est aux designers de savoir ou pas de ce qu’ils vont faire et pourquoi, de savoir où ils s’engagent, d’en être conscients. Les designers qui ont créé les bancs avec ces accoudoirs devaient très bien savoir à quoi ça allait servir. Ils ont dû tester : ils se sont allongés sur le dos et se sont dit « là j’ai mal au dos et là ça va. Donc je dois renforcer ça comme ça.»

L’urbanisme au service de la ville est donc déjà en action, reste à savoir de quelle manière les hackers peuvent servir les citoyens en transformant la ville.

Illustration F.A.T

Retrouvez le blog de Geoffrey Dorne et son projet Neen

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Hacker la ville : une bonne idée ? http://owni.fr/2011/07/21/hacker-la-ville-une-bonne-idee/ http://owni.fr/2011/07/21/hacker-la-ville-une-bonne-idee/#comments Thu, 21 Jul 2011 13:09:38 +0000 Arthur Devriendt http://owni.fr/?p=74162

Dès sa mise en ligne, le compte-rendu, écrit par Hubert Guillaud, de la communication réalisée par Saskia Sassen lors de la Lift 2011 qui s’est tenue à Marseille le 7 juillet dernier, a connu un grand succès, fortement relayé (retweeté en l’occurence) par les « geeks », « explorateurs du web » et autres technophiles en tous genres. Face à cet engouement, j’ai bien sûr eu envie de jouer les empêcheurs de tourner en rond…

L’objectif de ce petit article n’est évidemment pas d’émettre un jugement catégorique sur la réflexion que mène actuellement S. Sassen et à laquelle, pour l’instant, nous avons accès seulement par des voies détournées (un article de presse [en], une brève interview [en] et un compte-rendu de conférence), mais d’en relever les points critiques (ou, tout au moins, à éclaircir) à tous ceux qui seraient déjà tentés d’en retenir seulement quelques citations, comme autant de vérités définitives et d’occasions de briller en société, à la suite d’une lecture trop rapide.

Si l’interrogation centrale de la géographe, célèbre pour ses travaux sur les « villes globales », est très intéressante — à savoir comment maintenir le caractère ouvert et mouvant des villes à l’heure où se développent des systèmes techniques qui, sous couvert de les rendre plus « intelligentes » [en] semblent fermer ces dernières sur elles-mêmes à travers d’une part l’augmentation des procédures de contrôle et de surveillance, et d’autre part en accordant une place prépondérante aux « ingénieurs »  au détriment des autres habitants ? —, je suis peu convaincu des réponses qu’elle propose et telles qu’elles ont été relayées — lesquelles consistent à en appeler à l’émergence d’un « urbanisme open-source » et à « hacker » la ville.

Une nouvelle forme de ségrégation ?

Premièrement, Saskia Sassen semble en vouloir aux systèmes urbains technicisés contemporains d’accorder aux « ingénieurs » une place prépondérante dans la fabrique de la ville, occultant les autres usagers habitants. Or son discours, mobilisant lui-même un vocabulaire très spécifique (« open-source », « hacker » mais aussi « créatif » et « flexible »), ne se situe-t-il pas également du côté des technophiles, geeks, chercheurs et autres ingénieurs informaticiens (si d’aucuns osent encore se présenter sous cette étiquette… ) ?

Deuxièmement, il ne faut pas oublier que les compétences informatiques et numériques ne sont nullement partagées et réparties également au sein de la population. Des différences sensibles selon les parcours biographiques et les catégories sociales, bien que ce ne soit plus très à la mode de le dire, sont toujours à l’œuvre. Dès lors, quid des populations non « maîtres» de la technique, de ceux qui ne savent pas « faire avec », dans la ville « hackée » ? Seront-ils des citoyens de second rang (tout comme ils peuvent déjà l’être dans nos villes actuelles) ? La ville « hackée » est-elle le futur de la ville ségrégée, la ségrégation ne se manifestant tant plus à niveau spatial qu’à un niveau technique, les uns sachant détourner ou du moins utiliser dans leur intérêt les systèmes techniques, les autres subissant un système régi par des intérêts privés situés en-dehors de toute sphère démocratique ?

Une injonction aux “usages innovants”

Troisièmement, cet appel au « hacking » des villes fait écho à la thématique très en vogue depuis plusieurs années des « usages innovants » des outils numériques et des TIC. Toutefois, si celle-ci a pu être intéressante dans un premier temps en vue de réfuter des thèses simplistes telles que le couple binaire émetteur/récepteur de média (autour par exemple des travaux de Michel de Certeau), on observe aujourd’hui une véritable injonction en la matière, laquelle rejoint une injonction plus générale à la « liberté » (liberté de création, liberté de circulation de l’information, etc.), lesquelles ne sont en réalité, dans une perspective foucaldienne, que les nouveaux avatars « biopolitiques » de nos « sociétés disciplinaires » fondées sur le contrôle social (voir cet article d’Alexandre Macmillan), dont le marketing était pour Deleuze l’un des instruments principaux, à raison selon Bernard Floris et Marin LedunComme le note Raphaël Josset dans un article récent :

[...] toutes les pratiques extrêmement subtiles du ‘marketing viral’, de la ‘guérilla marketing’, du ‘marketing alternatif’, du ‘buzz marketing’ et autres métiers de la communication, des médias et des réseaux [sont] parfaitement capables d’assimiler chaque ‘usage innovant’ dans leur propre système. [...] c’est d’ailleurs cette capacité à métaboliser l’énergie créatrice des groupes dissidents qui les rend pratiquement ‘insubversibles’, et peut-être aussi parce que la simple idée d’un ‘devenir-média’ de la masse, c’est-à-dire l’injonction à la réappropriation ou au détournement socio-technique du code ne peut de toute façon aboutir qu’à une reproduction élargie du système sous couvert de nouvelles modalités.

Où comment la ville “hackée” risque de se retourner contre elle-même…

Un discours très vague sur l’open-source

Quatrièmement, S. Sassen et ses relais ont un discours très vague sur l’« open-source » et ses bénéfices. Or on peut s’interroger : l’« open-source » suffit-il par exemple, en lui-même, à dépasser les dimensions de contrôle et de surveillance quand, le souligne Matteo Pasquinelli, même les militaires s’y mettent ? Dans le même article, l’auteur en profite également pour égratigner quelque peu le « mythe politique » du « hacker » et de l’ « open-source », volontiers perçu comme anti-capitaliste [en] ou en-dehors des règles du marché (ce que met à mal le cas d’Open Street Map) :

Le risque au sein de la technologie est de continuer à parler le langage du pouvoir et du capital. L’histoire est pleine de ‘machines radicales’ qui se sont dénaturées pour prendre la forme de nouveaux instruments de contrôle et d’exploitation. Ne voyons-nous pas la créativité hacker se confondre progressivement avec l’exaltation du fonctionnalisme industriel ? L’antienne de la supériorité et de la fiabilité du logiciel libre est à présent si convaincante que les militaires, eux-mêmes, en sont venus à l’adopter. En dehors du mythe politique qu’il représente, le hacker est un pacte méphistophélique avec la technocratie (plus avec le pouvoir implicite dont dispose la technologie en elle-même qu’avec les technocrates). On annonce toujours la même définition officielle : « Free software is a matter of liberty, not price. To understand the concept, you should think of free as in free speech, not as in free beer ». Mais derrière ces subtiles nuances, on en vient à oublier cet « illustre collègue » de la liberté qu’est le libre marché. Et tout se passe comme si la technologie immatérielle du software disposait quasiment des mêmes droits qu’un logos divin aux manifestations infaillibles.

Une ville d’individus et d’intérêts privés ?

Enfin, il est toujours intéressant de souligner, à la suite par exemple de cet article de The Economist [en], que la plupart des logiciels « open-source » créés ne font qu’imiter les solutions propriétaires existantes. Or à quelle remise en cause du système procède-t-on lorsque l’on entérine ses finalités ? Ne s’en sort-il pas quelque part vainqueur car légitimé dans ses missions ? Par ailleurs, ce constat ne dévoile-t-il pas une logique de développement de l’« open-source » reposant essentiellement sur la satisfaction des intérêts privés des individus ? Or la ville peut-elle être pensée/planifiée par la somme de ses intérêts privés (des « auto-entrepreneurs » urbains en quelques sorte, portés par le slogan « just do it yourself !») au détriment de la dimension collective et du service public ?

Version légèrement remaniée d’un billet initialement publié le 16/07/2011 sur Technogéographie, sous le titre « À propos de S. Sassen et de “l’urbanisme open-source” », avec une réponse de Saskia Sassen.

Image CC Flickr PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification massdistraction

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http://owni.fr/2011/07/21/hacker-la-ville-une-bonne-idee/feed/ 15
Est-ce que la technologie désurbanise la ville ? http://owni.fr/2011/07/21/est-ce-que-la-technologie-desurbanise-la-ville/ http://owni.fr/2011/07/21/est-ce-que-la-technologie-desurbanise-la-ville/#comments Thu, 21 Jul 2011 06:33:21 +0000 Hubert Guillaud http://owni.fr/?p=74142 Pour la sociologue et économiste américaine Saskia Sassen (Wikipédia), qui introduisait la 3e édition de la conférence Lift France qui se tenait la semaine dernière à Marseille, la ville est devenue un espace stratégique pour tout type d’applications technologiques, mais dans quelles mesures ces capacités technologiques déployées dans l’espace urbain urbanisent-elles véritablement la ville ? “A l’heure où tout le monde se demande comment utiliser la ville, diffuser ses services dans l’espace urbain, la question de savoir si les technologies urbanisent ou pas la ville me semble d’importance.”

La ville doit pouvoir être hackée

La technologie donne des capacités technologiques qui vont au-delà de la technologie elle-même. Quand la haute finance utilise les technologies, elle ne le fait pas de la même manière que la société civile. Ses points de départ, ses objectifs sont différents, même si elle utilise les mêmes outils techniques que d’autres utilisateurs : la technologie fonctionne donc dans une écologie plus vaste qui ne la réduit pas.

La ville est un espace complexe, anarchique, rappelle la spécialiste du sujet. Mais l’usage de la technologie dans l’infrastructure permet le fonctionnement de l’infrastructure, pas nécessairement de la ville. “La question est donc de regarder comment nous urbanisons la technologie, comment nous adaptons ou essayons d’adapter la technologie à la ville ?”

Saskia Sassen sur la scène de Lift France 2011.

“Il faut d’abord voir que la ville n’est pas une somme de matérialités, mais qu’on y trouve aussi des personnes, des cultures, des sous-cultures. C’est d’ailleurs ce qui permet le plus souvent à la ville de s’adapter, de réagir et de continuer à exister comme l’ont fait Rome, Marseille ou Istanbul. Chacune réagit différemment.”

Il nous faut comprendre autrement “l’urbanitude”. Qu’est-ce qu’une plateforme pétrolière qu’on urbanise ? Qu’est-ce qu’une ville avec des espaces urbains morts ? Une ville est-elle seulement des gratte-ciels qu’on ajoute à l’espace urbain ? “Nos villes sont bizarres, elles sont des mélanges vivants. Elles vivent et continuent à vivre, car elles continuent de répondre aux actions que nous avons sur elles”, explique Saskia Sassen.

Peut-on entrer dans l’espace urbain avec une autre écologie d’éléments ? Peut-on faire de l’urbanisme open source ? Comment peut-on penser la ville en la hackant ? La ville peut-elle être un hacker ? Que se passe-t-il quand les villes ressentent les choses ? Quand elles deviennent trop intelligentes, trop sensibles ? Quand le banc peut éjecter la personne qui veut dormir dessus, quand la poubelle vous recrache le détritus que vous venez d’y mettre parce que vous ne l’avez pas mis dans la bonne poubelle, comme le proposaient les artistes JooYoun Paek et David Jimison [en], à l’exposition Toward the Sentient City [en] (Vers la ville sensible) qui avait lieu en 2009 à New York ? Comment la ville peut-elle répondre ?

Dans les années 80, le parc de Riverside à New York était réputé dangereux, raconte Saskia Sassen. Tant et si bien que les gens qui s’y promenaient ont commencé à venir avec des chiens. En promenant leurs chiens, peu à peu, ils se sont réapproprié ce territoire et le retour des chiens a participé au départ des délinquants. Le parc est aujourd’hui un magnifique endroit avec une population plutôt favorisée vivant autour. “Nos pratiques sont des espèces de logiciels qu’on peut connecter à d’autres pratiques et logiciels.”

“Quand on parle de villes intelligentes (Smart Cities), le problème est que bien souvent on évoque des systèmes techniques qui désurbanisent la ville”, explique la sociologue en évoquant plutôt le quartier d’affaire de Sondgo à proximité de Séoul ou la ville de Masdar à Abu Dhabi, comme elle l’expliquait il y a quelques mois dans un passionnant article pour McKinsey Digital [en].

Les technologies embarquées s’adaptent aux pratiques de chacun dans un bâtiment, mais cela désurbanise l’espace plus large de la ville. Et ce d’autant que, bien souvent, ces systèmes intelligents sont fermés pour être maitrisés alors qu’on les incorpore dans le système ouvert, incomplet, non terminé qu’est la ville. Ce sont des systèmes fabriqués avec la logique de l’ingénieur et l’ingénieur n’est qu’un des utilisateurs de la ville. Comment la logique d’autres utilisateurs interagit-elle avec cette logique ? Quelle place reste-t-il pour la contourner, la hacker ?

Les villes intelligentes mettent en œuvre dans un système fermé la logique de l’ingénieur, avec des possibilités et potentiels limités. Elles ne rendent pas visibles les technos qui les constituent. “Or, pour être interactives, pour s’intégrer dans des écologies multiples, elles devraient plutôt être visibles, accessibles à qui les regarde ou les utilise”. La ville intelligente repose sur une trop forte obsolescence technologique qui risque de la rendre rapidement incapable de s’adapter, de réagir… Et de transformer les systèmes techniques en systèmes critiques.

Pour Saskia Sassen, nous devons travailler “à urbaniser les technologies plutôt que d’utiliser des technologies qui désurbanisent la ville”. Les technologies déployées dans la ville doivent être adaptables… La ville doit pouvoir être hackée ! Sinon, nous risquons de tuer leurs capacités d’adaptation qui ont fait leur force à travers les siècles.

Les dérives des villes intelligentes

L’écrivain et designer Américain Adam Greenfield (Wikipédia [en] – sur InternetActu), auteur de Everyware et depuis 2010 à la tête de l’agence Urbanscale [en] s’est penché sur la question des responsabilités civiles dans la ville en réseau.

Lorsqu’on utilise ces termes de “villes en réseau” on imagine en général quelque chose d’assez futuriste, explique le designer. Dans les brochures IBM ou Cisco, on en parle comme d’une idée qui n’est pas encore complètement réalisée. Pourtant, la ville en réseau est déjà là (d’ailleurs, explique Greenfield, l’usage de l’expression est largement influencé par un sociologue marxiste français, Henri Lefebvre – Wikipédia -, mort avant l’avènement de l’internet) : elle est un lieu sujet à des changements rapides et importants, où les négociations sont constantes. C’est la ville dans laquelle la population est impliquée, notamment via ces ordinateurs très sophistiqués que nous avons de plus en plus dans nos poches…

Adam Greenfield sur la scène de Lift au théâtre du Pharo à Marseille.

Dans la ville d’aujourd’hui, nous sommes entourés d’objets et d’espaces qui ont leurs propres identités informationnelles. Les espaces urbains se caractérisent de plus en plus souvent par des objets capables d’agir, comme le Tower Bridge de Londres développé par Tom Armitage [en], capable d’avertir les gens via Twitter [en] quand il se soulève par exemple… Mais du coup, nous sommes en train de voir apparaître de nouveaux modes de surveillance, non plus seulement par des caméras et microphones, mais aussi de manière plus subtile. Aujourd’hui des dizaines de millions de personnes sont confrontées à ces technologies et nous devons apprendre à évaluer les risques.
Pour permettre de mieux comprendre les problèmes qui peuvent apparaître, Adam Greenfield a dressé une taxonomie des effets, du plus inoffensif au plus dangereux.

Le premier exemple est un capteur créé en Finlande [en]. Ce pays est plongé dans la nuit pendant une majeure partie de l’année, et les voitures présentent donc un grand danger pour les piétons, surtout les enfants ou les personnes âgées. Ce capteur placé sur la chaussée détecte les piétons et avertit le véhicule. C’est un système qui sauve des vies et rencontre l’assentiment de la population. Pourtant, il capte des données publiques à l’insu des citadins, même si celles-ci ne sont pas archivées.

publicité Corée NikonPlus gênant est ce panneau publicitaire coréen [en]. Il représente des photographes, et un tapis rouge est placé devant l’affiche. Lorsqu’un passant marche sur le tapis rouge, les “photographes” prennent une photo et illuminent le badaud d’une série de flashs. L’idée est de donner aux gens l’impression d’être des stars. Mais les personnes ne sont pas enchantées par le flash : elles sont plutôt surprises. Le dispositif n’est pas dangereux ni inquiétant, mais il est caractérisé par un certain manque de respect, un côté nuisible. On monte donc d’un degré dans la taxonomie des effets pernicieux.

Beaucoup plus problématique est cette machine japonaise [en] qui va tenter d’analyser votre visage pour déterminer votre âge et votre sexe et vous propose des boissons censées correspondre à vos goûts. “Une telle application, explique Adam Greenfield, a tendance à effectuer des discriminations, à placer des gens dans des cases, dans des catégories. Cela va dans le sens inverse de ce qu’on attend d’une ville, qui est d’augmenter la diversité.”

Plus élevé encore dans la taxonomie des effets dangereux, ce panneau d’affichage créé selon Greenfield par une société française, qui va repérer votre âge, votre sexe et votre groupe ethnique et essayer de vous attirer en affichant une image en fonction de votre profil. Une telle technologie, a dit Greenfield, est si nuisible qu’il souhaite demander au maire de New York de la réguler de manière urgente, afin de limiter son explosion sur les supports d’affichages, comme l’évoquait le New York Times il y a déjà quelques années [en].

Tous les exemples précédents, du moins dangereux au plus inquiétant, sont au moins faciles à analyser. Mais comment évaluer les problèmes posés non plus par un objet ou système, mais par l’interaction entre plusieurs dispositifs au sein de l’espace public ?

Par exemple, à Wellington, en Nouvelle-Zélande, on a installé un dispositif de vidéosurveillance pour contrôler les accidents de voiture. Consultée, la population a approuvé cette technologie globalement positive. Puis, bien plus tard, lors de la mise à jour du logiciel, les concepteurs ont introduit un système de reconnaissance faciale, qui a pu être utilisé par la police pour reconnaître les délinquants. Et bien sûr, la population n’a pas eu à se prononcer pour une simple mise à jour du logiciel.

Comment prévenir les dérives ? Pour Greenfield, l’ouverture globale des données de l’espace public est une nécessité démocratique. Ces flux d’informations doivent être disponibles pour tous, et non réservés à ceux qui peuvent payer. Malgré les risques possibles de l’ouverture, les bénéfices, selon lui, dépassent largement les inconvénients.

Rééquilibrer le rapport de force entre concepteurs et utilisateurs

“Les architectes et les urbanistes regardent assez peu les usages. Les villes qu’ils façonnent sont souvent désincarnées”, suggère l’un d’entre eux, Alain Renk, à la tête de l’agence Renk & Partner/UFO (pour urban fabric organisation). A Paris par exemple, tout le monde connaît le blocage physique et politique que représente le périphérique, alors que pour beaucoup de Parisiens, il n’est pas vraiment une frontière de vie. Le temps long de la construction des villes est-il une réalité, ou seulement une façon de faire patienter ceux qui vivent dans la ville ? Pourrait-on construire des villes autrement, avec des matériaux plus transformables que le béton, comme on commence à en trouver dans des immeubles mexicains ? Peut-on construire des outils pour permettre aux gens de construire des villes ? Pour qu’ils partagent les évaluations et les décisions ?

C’est un peu toutes ces questions qu’égraine Alain Renk. En prônant une certaine radicalité pour réagir à la standardisation des environnements urbains portés par les grands groupes de construction qui accueillent les grands groupes de consommation. La ville devenue planétaire, “peut-elle encore être un endroit où les gens peuvent développer des projets de vie qui ne soient pas formatés, “robotisés” ?”, s’interroge l’urbaniste.

Alain Renk.

Pour lui, il est regrettable qu’on continue à faire de l’architecture et de l’urbanisme comme avant l’internet, alors que le monde a inventé depuis une autre situation, qui a à la fois une part physique et une part numérique. “Les habitants des villes se retrouvent destinataires de villes qu’on construit pour eux.” Le rapport de force entre constructeurs de villes et utilisateurs se tend toujours un peu plus. Architectes et urbanistes deviennent distants et arrogants, et semblent bâtir des murs uniquement pour tenir les utilisateurs à distance. Or, les habitants connectés en savent plus sur la ville que ceux qui conçoivent les territoires, estime Alain Renk.

C’est cette réflexion qui l’a amené à développer un prototype pour la dernière édition de Futur en Seine, baptisé Villes sans limite (vidéo). Ce dispositif de réalité augmentée permet de modifier l’aspect d’un quartier. Implémentée sur trois sites parisiens, l’application permet de récolter des données sur la façon dont les utilisateurs ont modifié l’urbanisme. Chaque utilisateur peut d’ailleurs observer les options qui se dégagent de ces manipulations, “la radicalité doit utiliser les armes du monde dans lequel on vit”.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

making of : Unlimited Cities / Villes sans limite from Unlimited Cities on Vimeo.

Mais l’endroit où l’on est aura-t-il encore de l’importance à l’avenir, ou, au contraire, avec l’internet, seront-ils tous interchangeables ?, questionne Laurent Haug, animateur de cette session. La ville doit offrir des espaces pour travailler, pour rencontrer des gens, pour circuler… Elle doit répondre à l’uniformité, estime Alain Renk, elle doit offrir des alternatives aux endroits où il y a tout… et à ceux où il n’y a rien.

Billet initialement publié sur InternetActu

Photos Pierre Metivier (Saskia Sassen et Adam Greenfield) et Swannyyy (Alain Renk).

Image CC Flickr PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales tarentula_in

Une Elsa Secco pour OWNI

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http://owni.fr/2011/07/21/est-ce-que-la-technologie-desurbanise-la-ville/feed/ 26
Fabrique-Hacktion (re)fabrique la ville http://owni.fr/2011/07/16/fabrique-hacktion-refabrique-la-ville/ http://owni.fr/2011/07/16/fabrique-hacktion-refabrique-la-ville/#comments Sat, 16 Jul 2011 09:25:05 +0000 Geoffrey Dorne http://owni.fr/?p=73711 Voici un projet qui s’inscrit parfaitement dans la tendance de la réappropriation de l’espace urbain et notamment de son amélioration par le design. Fabrique Hacktion est un projet mené par Raphaël PluvinageSylvain Chassériaux et Léa Bardin et propose donc des petites intervention pour améliorer notre quotidien. Entre le design et le situationnisme, ce genre de projet permet également au public de prendre conscience du design et aux designer de prendre conscience de son public.

Quelques exemples :

Cliquer ici pour voir la vidéo.


hack Découvrez Fabrique Hacktion, quand le design passe à lhacktion !

Il existe également un « manifeste » (en ce moment j’en vois beaucoup … ce doit être un truc de designer je pense icon biggrin Découvrez Fabrique Hacktion, quand le design passe à lhacktion ! ) et je vous invite à le lire, cela retrace et construit leur pensée et leur processus:

“Fabrique / Hacktion intervient dans les espaces publics et collectifs en installant des greffes, compléments d’objets, qui favorisent un usage, augmentent ou questionnent les dispositifs existants.

Le design de ces greffes tire parti des technologies de fabrication du Fab-Lab (Ensci), dites de prototypages rapides, ou de machines de production plus traditionnelles. Ces processus de fabrication permettent de réaliser des pièces sur mesure, lesquelles peuvent s’adapter et s’ajuster très précisément aux standards urbains. Cette production réactive, vise des contextes particuliers en associant et en comparant les productions des Fab-Labs à celles des industries classiques qui aménagent les villes, les écoles, les réseaux de transports, etc…

Les interventions sont catégorisées sur une plateforme web afin de permettre aux citadins de les retrouver et de les localiser. A chaque intervention correspond une fiche détaillée du projet (vidéo explicative du processus de fabrication, plans de construction, fichiers 3D) et invite de nouveaux intervenants à partager les données et devenir acteur de la production. La production industrielle est très souvent contrainte par des processus de fabrication lourds. Elle se doit de proposer des objets pérennes, raisonnables, pratiques et dans des quantités assez importantes pour que la production soit économiquement viable.

Utiliser le Fablab de l’ENSCI comme un laboratoire de ré-appropriation des espaces collectifs permet de donner la parole à différents concepteurs et d’intervenir sur des produits standardisés pour les améliorer et les diversifier.”

Et pour finir quelques vidéos de leurs interventions :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Une petite conclusion sur le projet que je trouve vraiment intéressant notamment dans cette vision décalée de l’espace public. Je pense que pour aller plus loin il serait peut-être pertinent de travailler de pair avec les collectivités, les entreprises, les mairies, etc. mais également intervenir pour « former » les citoyens à la vision décalée et à l’amélioration de ce même espace. Un peu comme des bêta-testeurs de la ville quoi… icon wink Découvrez Fabrique Hacktion, quand le design passe à lhacktion !

Article publié initialement sur Graphism.fr sous le titre Découvrez « Fabrique-Hacktion », quand le design passe à l’hacktion !

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Un bon petit village français… http://owni.fr/2011/07/13/un-bon-petit-village-francais/ http://owni.fr/2011/07/13/un-bon-petit-village-francais/#comments Wed, 13 Jul 2011 13:26:57 +0000 Seb Musset http://owni.fr/?p=73309 Il revient parfois à la source, dans cette campagne que des magazines étranges et glacés qualifient de “profonde” ou de “charmante” et qui, pour lui, est juste l’endroit où il a grandi. Les lieux ne lui arrachent qu’une vague mélancolie. Il n’est pas attaché aux endroits juste aux souvenirs.

C’est un village de vieilles pierres prisées, “hors de la vie” pour l’urbain. A son arrivée dans la région, trente ans plus tôt, l’enfant des villes s’émerveillait d’une existence au ralenti ponctuée de “bonjour” et de “merci”, de rez-de-chaussées, de chiens lézardant au milieu de la grande rue aux grandes chaleurs, de volets ouverts et fermés à des heures précises. Pourtant, dans cette société loin du moderne, on trouvait à moins de quatre minutes de marche de la plus éloignée des maisons, deux électriciens, un quincaillier, trois épiceries, un disquaire, un grand bureau de poste, une école municipale (où le maire lui apprit à lire) et même un magasin de jouets artisanaux où, après les cours, il s’attardait une petite heure.

Avec les années, les voyages et le manque de pognon, il revient de moins en moins ici déguster son calice des souvenirs. L’amertume du présent est trop prononcée. Le village aux rudes contours, murs fêlés et toitures déglinguées, s’est métamorphosé en smoothie aspartamé. Le grand tournant s’opérait au milieu de la dernière décennie du siècle passé : quand l’immobilier remplaça le travail dans la mentalité des possédants.

Dans la grande rue, les vieilles bâtisses bringuebalantes ont aujourd’hui de belles façades aux pastels nomenclaturés par décret municipal, les cabots ont disparu, remplacés par des rangées 4X4, aux vitres teintées respectant un horodatage sophistiqué de part et d’autre de la chaussée. Le square est “vidéoprotégé“. L’église assiégée par sa peur de l’ailleurs déchire le silence des lieux, carillonnant sa suprématie chrétienne à chaque nouvelle heure sans vie. Seul le désir de communier chaque dimanche à onze heures dans son plus bel apparat, berlines métallisées et souliers vernis, trouble la quiétude mortifère d’une ruralité sous-vide. Mais pas l’été. On lui préfère Ibiza.

Il remonte la grande rue pavée, sous le bras une rustique aux arachides de Palerme, une baguette quoi. Chaque pavé de la voie classée des chariots qu’il a toujours connu défoncée a été enlevé, traité, retaillé, poli et réaligné, lissé pour le confort des suspensions de cabriolets. Un jour tu verras, on y rajoutera un tapis de sol pour s’éviter des procès en cas de chute et de trauma crânien.

Hormis le logo collé par la multinationale qui l’a franchisée, seule la façade de l’épicerie centrale de la grande rue n’a pas connu de modifications en trente ans. Les autres façades de l’artère, trop insistantes sur l’”authenticité“ pour l’être ne serait-ce qu’un peu, abritent des banques, des assureurs, des brocanteurs d’objets à cinq ou six chiffres et des choucrouteurs pour vioques. Le bulletin municipal indique pour le trimestre : 112 décès pour 1 mariage et 2 naissances. La rue déserte offre ses 6 distributeurs de billets en moins de 50 mètres. Ici, on se cash pour mourir.

Bientôt midi. Pas une âme à la terrasse des troquets vintage sur la place de l’église. Si. Un couple, de ces couples à cheveux blancs qui ont l’air d’avoir vingt ans depuis vingt ans, s’attable dans l’enclos fleuri climatisé à la cannelle de la belle auberge prune. Il s’approche, les deux parlent anglais.

Le juke-box à souvenirs sort un classique de derrière les fagots. Le soir de l’élection de Chirac en 1995, les précédents taverniers offraient leur tournée de champagne. Il se souvient des dithyrambes du patron : “Ah putain, ce pays va enfin changer !” lançait le bonhomme à l’assemblée, avant de lui soigner une dédicace personnalisée :

Ah…Et puis les gauchistes de Canal Plus c’est fini !

Peu de temps après, le patron de l’auberge vendait le fonds de commerce. Il vit six mois par an en Thaïlande. Le reste du temps, il se repose. Et empoche des loyers.

Face à l’auberge, il aperçoit la boutique verte. Trente ans avant, ces murs abritaient la Coop, une petite épicerie familiale debout depuis des décennies, des siècles peut-être. A l’infarctus du gérant, le magasin fut repris par un couple de jeunes de la ville. Quelques mois. Un glissement de terrain aura raison du magasin qui restera fermé trois ans. Puis, un coiffeur styliste vint s’installer. C’était le début de la fin. Plusieurs se succédèrent. Pas moins de trois patrons en quatre ans, dont un coiffeur canin.

Nouvelle fermeture d’un an à la fin des années 80. Au début des 90, un jeune entrepreneur nommé Rachid, une rareté dans la région, transforma l’endroit en vidéo-club. La demande de divertissement dans ces terres reculées était forte et le commerce de proximité, malgré l’épiderme du tenancier, plébiscité. Rachid, essentiel aux soirées cosy, on l’intégra rapidement. Mais les chaines à péage eurent raison de son coeur à l’ouvrage et un matin il placarda un Braderie des films, liquidation totale. Le renouveau ne dura que deux ans. Dans le village et tout autour dans le pays, peu à peu “bien marcher” ne suffisait plus pour vivre de son métier. Chacun trouva moins fatiguant que d’aller chez Rachid pour se fournir en distraction, et personne ne le pleura. Derrière les volets fermés de propriétés aux pointes de portails de plus an plus aiguisées, Canal Plus triomphait.

A partir de cette époque, l’homme aux souvenirs ne vint plus que très épisodiquement dans la région. Au gré de ses courts séjours, en dix ans il observera le manège des commerces à cette adresse : un énième salon de coiffure puis un fleuriste. Été 2011. La stabilité enfin. Depuis octobre 2008, l’échoppe est colonisée par un agent immobilier de luxe fier d’afficher qu’il opère de concert avec le spécialiste international de l’immobilier de luxe. A la différence de la Coop qui restait ouverte d’avant l’aube au crépuscule passé, il n’a jamais vu l’agence ouverte. Pourtant, il doit y avoir de la vie quelque part : en vitrine les annonces pour demeures au million d’euros, prix d’entrée, sont régulièrement achalandées.

De la Coop à Sotheby’s, il faut croire que les commissions sur les transactions immobilières des riches étrangers annexant la région rapportent plus que le commerce de produits locaux aux villageois, deux espèces décimées en une génération, la sienne. Paradoxe du village opulent, il est aujourd’hui bien plus vide à l’année qu’il ne l’était il y a trente ans lorsqu’il était « hors civilisation ». Et on veut lui faire croire que la richesse sauve ? L’argent détruit tout, s’il n’est pas partagé. Il s’assoit sur les marches de l’église tonnant sa loi dans le néant d’un pays imaginaire au passé relooké. Un pays sans présent où demain n’arrive jamais.

Un bon petit village français !, hurle-t-il à l’épicentre de la matérialisation miniature du fantasme national. Il est temps de reprendre la route.

P.S : Cette note est inspirée par l’Atlanticrotte de la veille signée Malika Sorel : “On doit donner la nationalité quand on reconnaît que la personne est devenue française, c’est à dire qu’elle possède la mentalité française“.


Article initialement publié sur Le jour et l’ennui de Seb Musset sous le titre : “Mentalité française, le village”

Crédits photo FlickR CC : by-nc-nd l1nda1 / by-nc Phil Thirkell / by-nc-sa ((:o pattoune o:)) / by-sa gillesklein

Seb Musset est l’auteur de Les Endettés

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Misfits : « las béton ». Un autre regard sur les périphéries urbaines http://owni.fr/2011/07/10/misfits-%c2%ab-las-beton-%c2%bb-un-autre-regard-sur-les-peripheries-urbaines/ http://owni.fr/2011/07/10/misfits-%c2%ab-las-beton-%c2%bb-un-autre-regard-sur-les-peripheries-urbaines/#comments Sun, 10 Jul 2011 10:31:33 +0000 Philippe Gargov http://owni.fr/?p=72926 Il est frappant de constater le très faible nombre de super-héros officiant hors des villes denses [en]. Les justiciers masqués sont les « saints patrons des villes » ; il existe même un super-héros dont le pouvoir est justement « d’entendre » [en] la ville. Mais qui reste-t-il pour protéger les banlieues – qu’elles soient pavillonnaires ou bétonnées ?

Ce déficit est relativement logique : la culture « super-héros » s’est construite sous le règne de la banlieue pavillonnaire, symbole du rêve américain et qui ne peut donc qu’être tranquille et apaisée ; inversement, la ville dense est perçue comme violente et dépravée, un terrain de jeu idéal pour les super-héros (voir aussi ici). Entre les deux, la ville moyenne étalée est quant à elle quasiment absente du sujet. Mais l’évolution du contexte urbain aux USA tend à faire bouger les lignes.

Le phénomène reste malgré tout très limité dans la culture américaine. J’en discutais avec @jordanricker et @Splashmacadam_, qui m’aidaient à faire un rapide benchmark des héros « périurbains » dans la pop-culture mainstream. À part quelques grosses séries telles que Smallville [rural], No Ordinary Family [suburbia], quelques rares one-shots où les héros s’exilent en banlieue le temps d’un comic-book (exemple, [en] ) ou encore Buffy contre les vampires dans une moindre mesure [ville moyenne], force est de constater qu’il n’y a pas grand chose à se mettre sous la dent [mais on en oublie sûrement, aidez-nous à compléter la liste !]

Mais aux côtés de ces quelques exemples populaires, d’autres œuvres plus décalées ont fait le pari de mettre en avant des super-héros issus des périphéries. On remarquera que cette évolution est notamment portée par la réappropriation de la culture « super-héros » hors des frontières nord-américaines, notamment sur le vieux continent.

En France, on a par exemple Shangoo, « éducateur de banlieue qui se découvre le super-pouvoir de balancer des décharges électriques [...] et se fait, tel un Daredevil, le protecteur de son quartier » ; mais aussi et surtout Bilal Asselah aka Nightrunner, créé par un scénariste britannique : représentant en France de la Batman Inc. [en], adepte du parkouret originaire de Clichy-sous-Bois (image ci-dessus).

On retrouve logiquement un autre regard porté sur la banlieue, plus proche de la culture urbaine européenne (ou du moins de l’idée qu’on s’en fait) : suburbia pavillonnaire outre-atlantique VS cités de béton chez nous.

Dans cette veine, citons enfin les cinq délinquants de Misfits, excellentissime série britannique qui sera à l’honneur dans ce billet :

« Nathan, Simon, Curtis, Kelly et Alisha sont cinq adolescents ayant été condamnés, pour des raisons diverses, à des travaux d’intérêt général. Alors qu’ils effectuent leur premier jour, un violent orage éclate. Les personnages sont alors frappés par la foudre. Très vite, ils vont se rendre compte qu’ils détiennent désormais des super-pouvoirs… »

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Comme vous pouvez le constater, Misfits s’inscrit dans un décor périurbain que l’on pourrait résumer en trois mots : béton, béton, béton. Le générique est d’ailleurs relativement clair sur ce point.

Les images de la série ne trompent pas, en témoignent les quelques captures d’écran qui suivent. Attention, bonheur des yeux. Admirez notamment la qualité des plans, qui contribuent à donner au décor cette ambiance si particulière… et si oppressante.

Situé quinze kilomètres à l’Est du cœur Londres, le quartier de Thamesmead [en] sert de décor quasi-exclusif aux quinze épisodes de la série. PS : on y a aussi tourné quelques scènes d’Orange Mécanique [en].

Il n’existe qu’une poignée d’autres décors : bars et boîtes de nuit [espaces clos], un parking [couvert], une déchetterie, un palace qui deviendra leur tombeau… renforçant le caractère oppressant du béton. Je n’ai d’ailleurs retrouvé qu’un seul plan où Londres était clairement visible. Inutile de mentionner que le centre-ville ne sera pas une seule fois approché.

Malgré la relative ouverture des paysages, le décor prend donc des airs de prison à ciel ouvert que les héros ne quitteront jamais vraiment.

Mais, plus encore que ce béton omniprésent, c’est surtout l’absence de vie parmi les décors qui donne à la série cette ambiance oppressante. Lorsqu’ils parcourent la ville, les héros sont quasiment toujours seuls ou entre eux.

Les quelques rares rencontres venant ‘égayer’ l’atmosphère ne sont guère réjouissantes : superviseurs assoiffés de sang, dévots possédés, prêtres obsédés, etc.

Mais attention : il ne faudrait pas croire que Misfits porte sur la banlieue un regard cliché se résumant à l’équation « cité + béton + délinquant = tristesse urbaine ». Bien au contraire, la réalisation porte un soin tout particulier à mettre en en valeur ces décors de grisaille grâce à une photographie stupéfiante usant avec intelligence de filtres sépias.

On retrouve aussi, plus rarement, un procédé de tilt-shift [en] donnant aux bâtiments un aspect irréel, proche des décors de trains électriques (voire aussi ). Loin des clichés habituels sur la banlieue, Misfits propose donc au contraire une vision équilibrée et réaliste des périphéries : sachant sublimer ces espaces sans pour autant nier leur pauvreté urbanistique.

J’en ai peu parlé ici, mais les personnages jouent évidemment un rôle fondamental dans la construction de cet imaginaire de la banlieue, loin des stéréotypes habituels. Ceux-ci n’ont rien des délinquants traditionnels (dealers, petites frappes, etc.) : ce ne sont que de simples jeunes arrêtés pour des conneries de jeunesse (alcool au volant, drogue en boîte de nuit, insolence…). Leurs centres d’intérêts sont ceux de leur âge : baiser et/ou se bourrer la gueule en soirée. Accessoirement, ce sont de vrais petits cons ; c’est d’ailleurs ce qui rend la série si plaisante…

On retrouve ici l’équilibre de la série : positive sans misérabilisme, réaliste sans dénigrement. Cela se traduit aussi dans la nature de leur super-héroïsme : contrairement aux justiciers traditionnels, les cinq délinquants n’ont aucune envie de devenir des héros, et finissent toujours par partir au combat malgré eux. Avec d’ailleurs une certaine idée du « combat » à mener…

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Qu’en conclure ? À la différence d’autres films ou séries prenant la banlieue pour décor, Misfits se garde bien de tomber dans les clichés du genre (contrairement, d’ailleurs, aux exemples de super-héros cités plus haut). Les décors jouent un rôle essentiel dans la création de cette atmosphère si particulière, entre ennui passif et contemplation active.

Une véritable bouffée d’air frais, qui certes pose un constat amer et sans complaisance sur son environnement urbain, mais qui dans le même temps souligne un certain attachement au territoire si souvient nié par les politiques urbaines (cf. programmes de rénovations/démolitions réalisés sans concertation avec les habitants du quartier). On retrouve d’ailleurs cette dualité dans de nombreux discours issus des périphéries (notamment dans le hip-hop, avec par exemple cette déclaration de Doc Gynéco : « À chacun sa banlieue, la mienne je l’aime / Et elle s’appelle le 18ème »).

Le fait que le décor serve aux aventures de « super-héros » ne fait que renforcer cette prise de distance de la série vis-à-vis des codes traditionnels du genre. Plutôt qu’à des stéréotypes [de la banlieue/des jeunes de banlieues/des super-héros de banlieue], on a ici affaire à des « prototypes » : des héros protéiformes, à l’image du décor qui les accueille :

« Le prototype est le produit d’un recyclage et d’un métissage, et à la différence du stéréotype il est propice à toutes les expérimentations et n’est pas un réceptacle fermé et prédéfini. »

Cette série peut-elle changer la manière dont nous percevons la banlieue ? Ce serait évidemment lui donner beaucoup plus d’ambition qu’elle n’en réclame. Mais elle contribue au moins à diffuser un autre imaginaire, celui d’une banlieue que l’on peut apprécier – et apprendre à apprécier, sans qu’il soit pour autant nécessaire de cacher ses cicatrices sous une couche de peinture colorée.

Sans être révolutionnaire, ce discours a le mérite de la fraîcheur, et gagnerait à être plus largement partagé. Ajoutez à ça la beauté hypnotique des décors et un portrait jouissif de la jeunesse britannique, et vous comprendrez que Misfits est une série à ne pas rater, malgré quelques défauts (notamment dans le traitement des ennemis, qui sont eux relativement clichés). En espérant vous avoir convaincu !

Pour aller plus loin : venez apprécier les BONUS de ce premier billet… On se retrouve dans quelques semaines pour un décryptage de Friday Night Lights. Bon visionnage !

Billet initialement publié sur [pop-up] urbain, dans le cadre de la série DÉCORS :

« Première série officielle de pop-up urbain, DÉCORS sera consacrée aux paysages urbains dans les séries, un pilier de la culture pop & geek (et une de mes grandes passions) que j’avais paradoxalement assez peu abordé sur ce blog. Une fois n’est pas coutume, les billets seront donc autant visuels qu’analytiques. Objectif : décrypter les formes urbaines qui composent ces séries pour mieux comprendre notre environnement contemporain.
Le prochain épisode sera consacré à la bourgade texane de Dillon dans Friday Night Lights [vidéo].»

À lire aussi le bonus à cet article

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São Paulo, ville (presque) sans pub http://owni.fr/2011/07/05/sao-paulo-ville-presque-sans-pub/ http://owni.fr/2011/07/05/sao-paulo-ville-presque-sans-pub/#comments Tue, 05 Jul 2011 12:37:55 +0000 Alexandre Marchand http://owni.fr/?p=72657

Une rare victoire de l’intérêt public sur le privé, de l’ordre sur le désordre, de l’esthétique sur la laideur, de la civilisation sur la barbarie

La verve en bandoulière, le lyrisme porté haut et fier, l’écrivain brésilien Roberto Pompeu de Toledo célèbre, à sa manière, la loi “Ville Propre” de São Paulo, un an après son vote.

São Paulo, octobre 2006. Le poumon économique du Brésil est enfoui sous une épaisse couche de publicité. Des panneaux géants envahissent les toits, les néons prolifèrent, des bâches dissimulent des immeubles entiers. Cinq millions d’affiches pour vingt millions d’habitants. Avec l’abondance de la publicité, le message commercial se dilue dans la masse… un problème que les communicants résolvent en intensifiant l’affichage!

Pour s’extraire de ce cercle vicieux, la nouvelle loi se devait de frapper fort. A la surprise générale, le conseil municipal vote alors, à la quasi-unanimité, une loi bannissant la publicité de tout l’espace public. “Ville propre”, une première mondiale.

A l’exception notable du mobilier urbain (abribus notamment), toute affiche visible depuis la rue doit désormais irrémédiablement disparaître. Les quelques pubs encore autorisées doivent se plier à des conditions drastiques de taille, de hauteur, d’espacement…. Voté sous l’impulsion du maire Gilberto Kassab (centre-droit), acquis aux principes de la société de consommation, le décret se veut un simple acte de bon-sens pour lutter contre la pollution visuelle, dénué de toute arrière-pensée idéologique.

Une ville à réaménager

Entrée en vigueur le 1er janvier 2007, la loi “Ville Propre” transforme, plusieurs mois durant, São Paulo en un immense chantier à ciel ouvert. Un à un les panneaux publicitaires sont démantelés, parfois accompagnés d’une amende salée (pouvant aller jusqu’à plusieurs milliers d’euros) pour les propriétaires récalcitrants. Nulle pitié, même les affiches électorales n’y coupent pas!  La légende veut même qu’un avion frappé d’une publicité ait été interdit de survol de la ville. Ce qui amène les habitants, les Paulistes,  à découvrir un beau jour leur cité nue… et hideuse.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

La ville est moche, du coup la publicité cachait sa laideur” affirme Nicolas Lechopier, auteur d’un mémoire sur le sujet et militant anti-pub au sein du Collectif des Déboulonneurs.

Nous sentons que les gens parlent avec fierté de cette ville nouvelle qui est apparue, ce qui était caché par la pollution” avance, à l’inverse, Régina Monteiro, directrice de l’urbanisation à São Paulo et l’une des clés de voûte du projet “Ville Propre”.

Ils disent qu’ils voient une ville plus belle, ils voient l’architecture, le paysage, l’environnement urbain

Pour habiller ces façades désormais épurées, la municipalité de São Paulo a dû mettre en place une ambitieuse politique d’aménagement urbain: graffs, sculpture, photographie…

Disparition de la publicité, certes, mais à quel coût ? Dalton Silvano, conseiller municipal de São Paulo, fut la seule voix discordante lors du vote de la loi. Pour cet ancien publicitaire, elle a porté un coup dur au monde de la communication. “Cela a eu un effet terrible, aboutissant à la fermeture d’entreprises de l’industrie ainsi qu’au renvoi de milliers de travailleurs, directement ou indirectement impliqués dans ce média” affirme l’élu, sans toutefois citer de chiffres précis.

Même flou du côté de la municipalité:  “Nous n´avons pas réalisé d’études sur le sujet, mais nous savons que les gens qui dépendaient de travail d’affichage ont été formés dans d’autres types de travaux tel que le marché qui a été créé pour répondre aux façades du commerce”. Au plan macro-économique, la loi ne semble avoir eu que peu de répercussions: les annonceurs se sont rabattus sur les autres moyens de publicité disponibles (médias, télévision…)

Effectivement, la publicité est loin d’avoir disparue totalement. “La loi a banni l’affichage tel qu’il existait mais ça va revenir par le biais du mobilier urbain” explique Nicolas Lechopier. Car, selon les propres termes de “Ville Propre”, les abribus, les horloges publiques ou encore le métro sont exemptés de l’interdiction. En 2009, un appel d’offres, sur les rangs duquel se trouvait JC Decaux, a d’ailleurs été lancé pour la construction de nouveau mobilier urbain. La loi interdit la publicité fixe? Qu’à cela ne tienne, un homme-sandwich ne tombe pas sous le coup de l’interdiction…

La suppression de la publicité, vitrine de São Paulo

Il n’y aura pas de vigilance parce qu’il n’y a pas d’idéologie sous-jacente à la loi, il faudra vraiment qu’ils y réfléchissent à deux fois avant de remettre de la pub

s’inquiète Nicolas Lechopier. Mais le décret “Ville Propre” a connu un écho inattendu. A l’heure où les grandes métropoles soignent leur image pour attirer les capitaux, la suppression de la publicité est devenue la vitrine de São Paulo.

Les répercussions internationales n’étaient pas du tout prévues, confirme Régina Monteiro. Dans les trois ans qui ont suivis le vote de la loi, nous avons été approchés par plusieurs villes hors du  pays et, ces dernières années, par des grandes villes brésiliennes désireuses de mettre en oeuvre leur propre projet

Prise au dépourvue, São Paulo s’est vue conférée un statut de précurseur en matière de réglementation de la publicité. Quatre ans après l’adoption de la loi “Ville Propre”, près d’une cinquantaine de métropoles ont adopté des législations similaires. Pour Régina Monteiro, “Ville Propre” fait désormais partie du patrimoine pauliste, peut-être la clé de sa pérennité:

Si un politicien essayait de la changer, nous sommes sûrs que la population viendra la défendre. La loi n’est pas plus d’un politicien ou d’un autre, la loi est de la ville.

Flickr CC Paternité west.m PaternitéPartage selon les Conditions Initiales jk+too PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification uckhet

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Istanbul, mégapole européenne? http://owni.fr/2011/07/04/istanbul-megapole-europeenne/ http://owni.fr/2011/07/04/istanbul-megapole-europeenne/#comments Mon, 04 Jul 2011 15:47:20 +0000 microtokyo http://owni.fr/?p=72639 Urban After All S01E21

Si les voyages forment la jeunesse, peut-être forment-ils plus encore notre capacité à observer ce qui nous paraît étrange(r). Quoique traitant l’information chacun à leur manière, le journaliste et l’ethnographe savent tous deux qu’il est nécessaire d’être un piéton attentif pour récolter des données de première main sur le terrain. « Faire feu de tout bois », disait Robert E. Park, journaliste puis sociologue mythique de l’École de Chicago. Les ambiances des rues, les discours et les imaginaires qui s’y forgent donnent en effet de précieuses pistes de compréhension d’une société.

À l’heure où la question de l’intégration de la Turquie à l’Union Européenne laisse celle-ci bien hésitante et les Turcs parfois agacés, nous nous sommes rendus dans la capitale de la culture 2010, Istanbul, à quelques jours des élections législatives du 12 juin dernier.

Enjeu électoral de taille puisqu’il s’agissait de renouveler le Parlement et de dessiner les grandes tendances de la Turquie de demain. On le sait, c’est le conservateur et europhile AKP [tr] (Parti de la Justice et du développement) mené par l’ancien maire d’Istanbul [tr] et actuel Premier ministre Recep Tayyip Erdoğan qui a massivement raflé la mise. Pour le marcheur parcourant les rues stambouliotes, une foule de signes indiquait non pas tant cette seconde réélection sans surprise que la tension entre modes de vie cosmopolites et crispations plus ou moins marquées autour d’une certaine lecture du passé et de la religion majoritaire, l’islam.

Métropole, mais pas seulement

À cheval sur les continents européen et asiatique, Istanbul n’est pas seulement l’une des villes les plus anciennes du monde, c’est aussi l’une des plus peuplées. Officiellement, elle compte plus de 12.5 (chiffres 2007). À la vitesse à laquelle croissent les gecekondus (constructions illégales) en périphérie, certains tablent plutôt sur 16 ou 17 millions.

Il suffit de monter sur le toit de l’Istanbul Sapphire Tower [en], gratte-ciel flambant neuf à Levent pour voir ce qu’est Istanbul : une mégalopole. Le choc : un tissu urbain hyperdense presque dépourvu d’axes structurants. Vu la topographie de la région, à part les séismes, aucun obstacle naturel ne semble empêcher cette entropie. Istanbul peut impressionner l’urbaniste européen, notamment ceux de la vénérable revue Urbanisme qui dans un numéro dédié, la qualifient pudiquement de « métropole » (modèle on ne peut plus européanocentré), pratiquement jamais de « mégapole ». Intégrer la Turquie à l’UE, serait-ce aussi intégrer une forme urbaine qui s’est longtemps développée sans plan directeur ?

Exit le plan panoramique en plongée, préférons maintenant le plan séquence au sol. Istanbul compte pas moins de 32 communes et plusieurs centre-villes. Mais de quelle centralité faut-il parler ? Géographique, économique ou symbolique ? S’il est courant de dire que la rive européenne est davantage occidentalisée et fébrile que celle anatolienne, réputée plus populaire et tranquille, l’expérience incite à nuancer le propos. Les centres dits historiques se trouvent en Europe, dans la zone de Beyoğlu : Galata, Istiklal et Taksim. Très fréquentés, ils comptent aussi des quartiers populaires, voire pauvres comme Tabarlaşı où logent Kurdes, Arméniens et immigrés.

Classée à l’Unesco, la zone de Sultanahmet est un haut lieu du tourisme mondial mais elle regorge aussi d’étroites rues populaires, chroniquement bondées de marchandises et de ménagères affairées. Longeant l’avenue Büyükdere, le récent quartier d’affaires Levent indique qu’Istanbul est devenue une place financière forte reliant Europe et Moyen-Orient. En Asie, la zone de Kadıköy et le gigantesque quartier-marché Çarşı font figure d’attracteurs étranges.

Vitalité et crispation des espaces communs

Ce qui frappe, c’est l’atmosphère à la fois énergique et détendue des rues. Certes, celles-ci sont souvent grouillantes, bien des Stambouliotes trouvent que le temps passe trop vite et le trafic routier impose lourdement sa loi aux piétons. Le commerce informel est quasiment partout : vendeurs de simit (pains au sésame), de tickets de loterie ou de menu équipement, vendeuses de fleurs, cireurs de chaussures… Il y a aussi les hommes bruns transportant d’énormes paquets sur leur dos littéralement pliés en deux, Kurdes ramassant et revendant les déchets. Premiers indices incitant à s’écarter des grandes artères et à découvrir les marchés d’arrières-cours, passages, escaliers menant à des boutiques sur les toits.

On comprend assez vite que la vitalité informelle des espaces communs oscille entre une légalité abstraite faite de règlements inapplicables ou inappliqués (codes de la route et de l’urbanisme, législation du travail), et une illégalité efficace (commerces informels, gecekondus, dolmuş – estafettes plus ou moins légales).

Les autorités tentent cependant depuis une dizaine d’années de réguler cette urbanisation débridée à coups de régularisation, de modernisation et de projets immobiliers. Pour le meilleur et pour le pire. Les Roms installés de longue date à Sulukule, sur la rive européenne du Bosphore, en savent quelque chose : malgré un collectif de soutien, leur quartier composé de charmantes maisonnettes en bois a été rasé en 2008. L’endroit idéal pour un bar lounge so trendy

Le quartier Rom de Sulukule à Istanbul

Le quartier Rom de Sulukule, quelques semaines avant sa démolition en 2008.

La démarcation entre boutiques (dedans) et trottoir (dehors) est souvent floue : étals, commerçants papotant dehors, porte ouverte, voire absence de vitrine. La vie stambouliote consiste aussi à s’assoir à l’improviste sur les tabourets bas posés devant l’une des milliers de lokantas (échoppe bon marché) pour y boire le çay (thé noir), y manger un döner. Une femme blonde platine en minijupe boit le thé avec son amie voilée et habillée de manière plus couvrante. La cuisine de rue, dénominateur social commun ? Peut-être, mais elle dissimule mal le fait que la vente d’alcool est de plus en plus contrainte par une licence exorbitante et l’augmentation du prix du verre. Au pays du raki, musulmans non pratiquants, restaurateurs et milieux intellectuels laïcs sont préoccupés par cette pression conservatrice.

Omniprésente, la musique, à commencer par la türkpop, est aussi un puissant lien social. Difficile d’échapper aux chansons de Demet Akalin, Mustafa Sandal [tr] ou de Kenan Doğulu. Plus traditionnel mais non moins écouté, l’arabesk, représenté entre autres par Orhan Gencebay [tr] et la superstar kurde, Ibrahim Tatlises [tr], récemment grièvement blessé par mitraillette. Sibel Can et Sezen Aksu mixent les deux styles, s’attirant les faveurs des fans du r’n'b national et de leurs (grands) parents.

Imaginaires officiels et régimes visuels

En ces temps de campagne électorale, c’est une Turquie économiquement en bonne santé mais écartelée entre partisans du cosmopolitisme laïc et conservateurs pro-islamistes qui se donne à voir. Qu’est-ce qui peut alors faire lien entre eux ? Le patriotisme se clame haut et fort. Icône fondatrice de la jeune République laïque (1923) et dénominateur commun de la türklük (identité turque), Mustafa Kemal Atatürk est omniprésent dans la rue et les maisons. Plus nombreux encore que les drapeaux nationaux, les drapeaux d’équipe de foot ou les chats de rue, les portraits d’Atatürk jeune, homme mûr, inspiré, rassurant, civil, militaire, protecteur des enfants, haranguant les foules… Un saint laïc.

Bien fou qui oserait s’en moquer publiquement, la loi 5816 l’interdit. Au printemps 2008, l’État coupe l’accès à YouTube en raison de contenus jugés offensants à la mémoire d’Atatürk. Aucun acteur politique ne peut s’en prendre à ce symbole, quand bien même certains rêvent d’en finir avec la laïcité et d’affaiblir le pouvoir de l’armée, gardienne de la démocratie.

Pour qui brigue le pouvoir, il faut se montrer à la hauteur de cet imaginaire patriote. Ici et là, des affiches, voire stencils des candidats. Des camionnettes sillonnent les rues en crachant türkpop et slogans politiques, couvrant presque les appels à la prière des minarets. Les principaux partis ont leurs spots publicitaires sur les écrans TV et dehors. Ceux de l’AKP, ici et [vidéo, tr], valent le coup pour leur savante mise en scène : tantôt costumes et musiques traditionnels, tantôt un R. Erdoğan vantant ses réalisations urbaines. Sans doute plaisent-ils aux bobos néo-ottomans, ces jeunes adultes cultivés des classes privilégiées, musulmans pratiquants et conservateurs…

Les principaux partis comme le CHP [tr] (Parti républicain du peuple) et le MHP [tr] (Parti d’action nationaliste) et BDP [tr] (Parti socialiste pro-kurde) y vont aussi de leur meetings. Les codes de communication politique surprennent : des places remplies de militants écoutant les discours fleuve et limite sentencieux du leader. On ne peut s’empêcher de rapprocher ce charisme avec une impression souvent éprouvée dans la rue où les regards, surtout entre hommes, sont francs, sans être agressifs. On ne fuit pas le regard de l’autre, on le maintient, sûr de soi.

Pochoir de masque à gaz, très utilisé par les journalistes turcs.

La semaine précédant les élections, pas un jour ne se passe sans une manifestation ou un meeting dans l’axe Taksim-Istiklal Caddesi. Pour qui ne comprend pas le turc, il est facile de deviner les tendances politiques du rassemblement. S’il y a beaucoup de femmes voilées et de musique traditionnelle, c’est un parti conservateur, voire pro-islamiste. S’il y a beaucoup de policiers en armure, de blindés munis de canons à eau et de journalistes équipés de masque à gaz, c’est une foule de gauche. Lors d’un premier séjour en 2008, j’avais participé à la manifestation du 1er mai à Taksim. Très vite, l’évènement tourne à l’affrontement : lance à eau, gaz lacrymogènes puis traque interminable des manifestants dans les rues perpendiculaires à Istiklal. Le spectacle de ces violences fait les choux gras des médias, à défaut, sans doute, de présenter équitablement les différentes sensibilités politiques.

Curieuse situation que celle d’Istanbul : dépourvue de titre officiel, elle est pourtant davantage la scène des tensions traversant le pays que la capitale Ankara. À la fois patinée par le temps et illuminée par ses buildings, elle est toujours un creuset culturel et désormais une mégapole globale. Elle semble nous dire que la mondialisation ne rime pas avec standardisation mais hybridation. À défaut de rassurer les grandes capitales d’Europe occidentale, Istanbul a cet atout que n’ont plus toujours celles-ci : une vitalité lui permettant de muter rapidement. Pas mal, pour une jeune femme de près de 1700 ans.

Photos : Aymeric Bôle-Richard, sauf image de une CC by-nc-nd Pierre Alonso

Chaque lundi, retrouvez la chronique Urban after all, un voyage dans le monde étrange des “urbanités” façonnant notre quotidien. Une chronique décalée et volontiers engagée, parce qu’on est humain avant tout, et urbain après tout ;-) Retrouvez-la aussi sur Facebook !

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Pratiquer la ville, pour une technologie de la dérive http://owni.fr/2011/06/20/pratiquer-la-ville-pour-une-technologie-de-la-derive/ http://owni.fr/2011/06/20/pratiquer-la-ville-pour-une-technologie-de-la-derive/#comments Mon, 20 Jun 2011 06:22:02 +0000 Matthieu Duperrex (Urbain, trop Urbain) http://owni.fr/?p=70408 Urban After All S01E20

La ville événementielle gagne du terrain. Publicitaires et “designers d’ambiance” apposent leur signature sur de nombreux domaines de l’urbanité. L’urbanisme de situation oriente de plus en plus nos parcours urbains, jusqu’à transformer la ville en parc à thèmes. Oui, nous en témoignons régulièrement au long de ces chroniques : par bien des aspects, la ville occidentale a digéré la subversion des situationnistes des années 1950, la critique du capitalisme en moins, le mot d’ordre marketé en plus. Alors, bien sûr, on accueille d’abord avec scepticisme les annonces d’applications « subversives » qui feraient de nos prothèses numériques du type iPhone des outils libertaires. Certains usages de technologies mobiles revendiquent en effet l’esprit situationniste et promettent une “appropriation” de la ville par ses habitants. Ils se réfèrent parfois expressément à la notion de dérive, qui est selon Guy Debord (théorie de la dérive, 1954):

Une technique du déplacement sans but. Elle se fonde sur l’influence du décor.

Que sont ces technologies de la « dérive augmentée » ? En quoi peuvent-elles être davantage que des gadgets anecdotiques ?

Outiller la lecture urbaine

Certaines applications mobiles oscillent entre la promenade aléatoire assez passive et la démarche créative. Il y a par exemple celle intitulée “HE”, pour “Heritage Experience”, qui permet de tourner et monter des films “marchés” à partir de fragments audiovisuels géolocalisés. On connaît par ailleurs les « soundwalks », qui sont souvent sages, mais se développent parfois en hacking sonore urbain. Et avant que tout un catalogue moderne d’applications pour smartphone se constitue, il y a eu des prototypes précurseurs. Les “Flâneurs savants” ont ainsi organisé des parcours de découverte dans le quartier du Marais avec des baladeurs. Les “Urban Tapestries” de Londres ont proposé une réforme de la relation au paysage urbain par le biais d’une application mobile.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

La dérive trouve des ressources inédites dans certaines applications de téléphonie conçues pour ces usages. The Pop-Up City a fait une courte sélection des plus récentes. Se détachent Serendipitor, dont Pierre Ménard a fait un test pas forcément concluant, mais aussi Shadow Cities et son orientation “multiplayer”, Glow et sa cartographie des humeurs, et Mission:Explore, pour l’instant cantonné à Londres comme terrain de jeu.

Dans tout cela, l’intérêt consiste peut-être davantage dans la démarche de l’utilisateur que dans les possibilités techniques avancées. Ainsi que l’a souligné Nicolas Nova, qu’elle soit menée par des skateurs, des activistes ou des géographes, la dérive est une « technologie de lecture urbaine ». Elle est une pratique, plus ou moins outillée, d’interprétation nouvelle d’un milieu qu’on pensait entièrement balisé et normé. Que des utilisateurs se donnent des “consignes” de pratique de la ville (dont la liste est presque infinie) au travers de ces applications, là est le piquant de ce rapport induit à la technologie. Car ils inventent ainsi de nouveaux codes et « lisent » la ville de façon originale.

La dérive situationniste en cinq leçons

Devant la masse de cette offre mobile, il n’est pas inutile de rappeler que Guy Debord et les situationnistes ont institué la dérive comme une authentique méthode d’analyse urbaine. En voici les grands principes :

  1. D’abord, la dérive est selon eux le passage rapide entre des « ambiances urbaines ». La dérive se rattache à la démarche “psychogéographique”, laquelle prend avant tout la rue comme terrain d’observation (voir l’Essai de description psychogéographique des Halles, 1958).
  2. La psychogéographie a une portée critique : elle souhaite “provoquer la crise” du système de production de l’espace urbain (voir Potlatch N°5, 20 juillet 1954).
  3. La psychogéographie est en même temps une méthode de construction d’ambiances ; elle prône un « urbanisme mouvant » (je vous invite à retrouver sur Urbain, trop urbain un prolongement architectural de cette pensée).
  4. L’”investigation”, la “découverte” et la notion de “données” sont convoquées par Debord comme faisant partie de la psychogéographie (voir l’Introduction à une critique de la géographie urbaine, 1955).
  5. Enfin, le situationnisme promeut une « pratique habile des moyens de communication ». Et l’un de ses penchants les plus naturels est l’établissement d’une “cartographie rénovée” (voir les collages de cartes que Debord réalise avec Asger Jorn, dont le Guide psychogéographique de Paris, 1957)

De quel situationnisme les technologies mobiles sont-elles le nom?

Transition entre les ambiances, recours à l’affect, déambulation choisie, activisme et subversion, valorisation des data, emploi des moyens de communication à notre portée, détournement du code, urbanisme nomade et participatif, inventivité cartographique… Ces thématiques sont bien actuelles, voire brulantes. Qui pour s’étonner à présent qu’un courant de pensée des années 1950 soit revivifié par les nouvelles technologies que nous venons d’évoquer ? J’émettrais juste un petit moderato : les « situs » buvaient énormément de vin pour dériver. Pas sûr que le « bio-mapping » de Christian Nold, qui élabore des cartes sensorielles de la ville reflétant l’intensité émotionnelle de certains espaces (dans l’est de Paris par exemple), ait beaucoup tourné au pinard…

Ce qui diffère plus sérieusement de l’époque situationniste, c’est l’ambiguïté du mapping digital fondé sur la dérive. Car d’un côté, la géolocalisation, qui fait le ressort de ces applications mobiles, expose l’utilisateur à des instruments de “surveillance”; et de l’autre côté, un univers démocratique de données générées par les utilisateurs s’offre à notre navigation dans la ville. Entre panopticon et dérive créatrice, les technologies mobiles créent un étrange court-circuit (que le théoricien Antoine Picon rapporte même à une “crise de la cartographie urbaine”).

Autre différence d’avec l’époque situationniste : ces applications mobiles et leurs usages produisent un système des objets numériques dans lequel des relations de jeu, de chasse ou d’apprentissage se composent et se défont dans la ville. Avec la dérive, la navigation devient « sociale », mais les non humains numériques « socialisent » bientôt davantage que les humains. D’où le développement d’un « Internet des objets » annoncé dès 2005 par l’Union internationale des télécommunications (ITU), qui se superpose aux Internets des utilisateurs et des données.

Des pratiques de ville sur écrans de contrôle

Enfin, le réseau de mobiles peut se prêter à une nouvelle forme d’art. « Net_Dérive » de Petra Gemeinboeck et Atau Tanaka a fait date dans ce registre. Autour de la galerie Maison Rouge (Paris Bastille), trois prototypes de téléphones étaient « promenés » dans le quartier. Ils produisaient des relevés auditifs et visuels des déplacements traduits sur écran dans l’espace d’exposition.

Net_Dérive, en transposant les applications du social software (modèle des sites de rencontre) en des termes sonores (des mélodies, des variations d’intensités) et physiques (la proximité ou l’éloignement, la distance et la présence), réalise un hybride social, musical et spatial, qui propose d’écouter et de produire une musique à plusieurs, évoluant en fonction de variables comportementales personnelles. En transformant ensuite le téléphone mobile en transmetteur de données audio et visuelles en temps réel, l’outil de communication mute en appareil de mesure et donc, également, de contrôle.

L’interaction locale du téléphone et du paysage urbain recontextualise par bribes le récit d’une dérive qui demeure en quelque sorte toujours ouverte. La transition d’un espace à un autre se double d’une historicité : il y a des traces de la dérive, laissées dans le réseau, et qui ne demandent qu’à être mises à jour par de nouveaux utilisateurs. La dérive et le mapping débouchent ainsi sur un art de raconter des histoires. L’application Wanderlust repose d’ailleurs sur ce principe de “storytelling”.

La profondeur du récit de ville que cette dérive augmentée nous livre vient cependant selon moi, en dernière instance, de ce qu’un paysage symbolique fait déjà sens pour nous.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

La situation, le récit, le web

Grâce aux dispositifs numériques de dérive augmentée, la fiction peut hybrider le réel de la ville. La création numérique peut être en ce sens porteuse d’autre chose que d’un simple design d’ambiance, c’est-à-dire porteuse de pratiques. De ce point de vue, les créateurs ont quelque chose à dire que ne disent pas nécessairement les foules mobiles, notamment au niveau du récit et de la fiction. Et justement, si le web conserve encore selon moi sur ce point une préséance sur les technologies mobiles, c’est parce qu’il tient la promesse de dérive par la narration plus que par la communication. Le champ du récit digital s’est élargi de nombreux exemples de formes plurielles et discontinues de l’image de la ville. La fenêtre de l’image-web est ainsi devenue porteuse d’une poétique topologique. Œuvre numérique complexe, le webdocumentaire incarne sans doute le mieux le déploiement d’une diversité d’éléments et d’outils à fictions dans l’espace des interfaces digitales.

Il serait trop long d’énumérer ici tous les beaux exemples de créations web qui se rattachent à la dérive. Je vous livre un scoop pour finir et pour illustrer mon propos. Le prochain webdocumentaire d’Arte tv s’appelle InSitu, “les artistes dans la ville” — lancement fixé autour du 10 juillet. Essai poétique, InSitu conserve la linéarité du récit, pour sa force et le déroulé d’un propos. Ce qui n’empêche pas les ressorts du « split screen » et les approfondissements médias désormais traditionnels au genre (POM, photographies, textes, cartographie, etc.) d’apporter un réel buissonnement des fables de la ville. Faire vivre une expérience urbaine en tant que fiction est l’une des ambitions de cet objet web qui vous entrainera même… dans le temps dilaté d’un récital de cloches en Espagne (dirigé par le campanologue — si, ça existe — Llorenç Barber). Dans InSitu, la dérive fait donc l’objet d’une maîtrise formelle et pour ainsi dire d’une plastique classique dont on attendait encore du webdocumentaire qu’il puisse s’en revendiquer sans honte devant ses aînés à gros budget. Le détournement y est pris en charge par la cartographie où viendront s’épingler les projets participatifs et les comptes-rendus de pratiques de l’espace urbain. Urbain, trop urbain s’efforcera d’accompagner un peu ce mouvement, et j’invite ici tous les amis que l’écriture de la ville inspire à nous rejoindre.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Le détournement et la dérive introduisent un jeu sur la valeur qu’on subvertit et renverse ; ainsi qu’un jeu sur l’expérience. Le web peut cela en tant qu’il outille les pratiques de la ville, qu’il ménage ce déplacement qu’est la fiction, et qu’il rend artistique l’espace de la lecture urbaine… C’est parce que le web existe et façonne symboliquement notre paysage urbain que les applications mobiles de dérive gagnent en profondeur et en subversion (en délinquance ?). C’est ainsi qu’on peut laisser Guy Debord conclure (La société du spectacle, 178) :

Dans cet espace mouvant du jeu, l’autonomie du lieu peut se retrouver, sans réintroduire un attachement exclusif au sol, et par là ramener la réalité du voyage, et de la vie comprise comme un voyage ayant en lui-même tout son sens.


Crédits photo: Flickr CC Phil Gyford, Julian Bleecker, wallyg

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