OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 L’agenda incomplet d’Ayrault http://owni.fr/2012/07/04/lagenda-incomplet-dayrault/ http://owni.fr/2012/07/04/lagenda-incomplet-dayrault/#comments Tue, 03 Jul 2012 22:13:37 +0000 Paule d'Atha http://owni.fr/?p=115316 Owni a replacé ses engagements sur une frise chronologique interactive... et compté les absents. Quelques promesses de campagne de François Hollande n'y figurent pas vraiment. ]]> Sans souffle ni surprise, le discours de politique générale du Premier ministre Jean-Marc Ayrault a présenté ce mardi 3 juillet plus qu’une feuille de route : un véritable agenda pour la majorité. Mais un agenda semé d’imprécisions et d’oublis, révélateurs des incertitudes gouvernementales face aux “efforts” recommandés par la Cour des Comptes. Des efforts plus couramment appelés “rigueur”.

Afin de visualiser ces chantiers dans le temps, l’équipe des datajournalistes d’Owni a recomposé l’agenda du Premier ministre tel qu’il l’a présenté aux parlementaires. La frise chronologique a été réalisée à partir des engagements mentionnés dans ce discours de politique générale.

Sur toutes les réformes annoncées par Jean-Marc Ayrault, une moitié, seulement, trouvait une place précise dans l’agenda ministériel et parlementaire. L’autre moitié regroupait un certain nombre d’ambitions sans délais. Lesquelles ne comptaient pourtant pas parmi les chantiers les plus anecdotiques du projet présidentiel.

“Très rapidement”

La campagne du candidat socialiste avait été de l’avis général inaugurée par le discours du Bourget et par une adresse frontale et ambitieuse à ceux que François Hollande désignait comme les fauteurs de crise :

Mon adversaire, c’est le monde de la finance.

Passée à son Premier ministre, cette louable ambition reste dans un flou temporel. Ni la séparation entre les activités des banques “utiles à l’emploi” et les activités spéculatives, ni la stimulation de l’investissement industriel par la création d’un livret d’épargne dédié ne sont posées dans le calendrier.

Formulée dans ce même discours du Bourget, la promesse de relèvement du plafond du livret A, visant à stimuler le financement des logements sociaux, est renvoyée à plus tard, sans trop de précision, comme la mise à disposition gratuite de terrains aux collectivités pour construire des HLM :

Un plan de mobilisation du foncier sans précédent sera lancé, avec les terrains vacants de l’Etat qui seront mis gratuitement à la disposition des collectivités locales dans des programmes d’aménagement urbain respectueux de la mixité sociale et le plafond du Livret relevé pour répondre aux besoins de financement.

Annonce tonitruante, la multiplication par cinq des pénalités pour les villes ne respectant pas le quota de logements sociaux fixé par la loi SRU n’a pour l’instant pas d’horizon.

L’esprit de la rigueur plane également sur de nombreuses propositions financièrement lourdes mais au calendrier encore à définir : le programme massif d’économies d’énergie, le “plan ambitieux d’amélioration technique” des bâtiments neufs et anciens, l’augmentation du nombre de logements étudiants et la création d’une allocation de formation sous condition de ressource sont annoncés sans date. Mais le “contrat de génération”, pilier du programme de François Hollande, sera lui mis en place “très rapidement”.

D’autres mesures phares n’auront pas cette chance. Malgré la polémique qu’avait entretenu l’UMP à son sujet, la proposition d’accorder le droit de vote aux étrangers réguliers résidant en France depuis cinq ans aux élections municipales n’est pas placée dans l’agenda. Le Premier ministre ne précise même pas si elle sera étudiée pour les prochaines échéances de 2014. Quant à “l’immense chantier de la décentralisation”, il prendra du temps et de la concertation :

Je pense à la priorité donnée à la jeunesse. Je pense à une nouvelle étape de la décentralisation. Je pense à la transition écologique et énergétique. Il faut donc prendre le temps de réussir ces grandes réformes de structure pour que vienne ensuite celui de tirer les bénéfices de l’effort collectif.

Cette réforme trouvera sa place, dans la salle des pas perdus, au côté des 150 000 emplois d’avenir et le service civique qui attendent un créneau.

Oubliée

Si le ton du discours de Jean-Marc Ayrault, dans ses chiffres et dans son rythme, évoquait celui des discours de campagne du candidat élu, il s’éloignait en revanche sensiblement des 60 propositions qui structuraient le programme du socialiste.

Là encore, des manques cruels se font sentir. Objet de la proposition 27, les banlieues ne sont évoquées qu’incidemment et sans précision dans le discours de politique générale, de même que l’Outre Mer (proposition 29).

Durant la campagne, le chantier de la réforme fiscale avait été largement inspiré par les travaux de Thomas Piketty, économiste proche du Parti socialiste, lequel revendiquait notamment la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu. Mentionné en point 14 du programme du candidat, cette révolution fiscale n’est même pas retenue par le Premier ministre, qui se contente juste d’évoquer ses intentions sur le barème d’imposition et d’annoncer la mise à contribution des grandes fortunes :

La réforme fiscale se poursuivra à l’automne dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013. L’impôt sur le revenu sera rendu plus juste, plus progressif et plus compréhensif. Les niches fiscales seront donc plafonnées. Le taux d’imposition réel des contribuables aisés ne peut plus continuer d’être inférieur à celui de la majorité des Français. Pour les plus riches, une nouvelle tranche d’imposition à 45 % sera créée. Et pour les revenus annuels supérieurs à un million d’euros, une imposition à 75 % sera instaurée.

Oubliée avec elle la fiscalité différenciée entre grandes entreprises et PME, auxquelles Ayrault souhaite pourtant un si bel avenir. Tandis que la santé passe pour la grande oubliée de ce discours de politique générale. Ni l’accès aux soins, ni l’aide aux handicapés (exception faite de l’accessibilité des bâtiments), ni l’euthanasie n’ont été évoqués face aux députés.


La frise chronologique a été réalisée par Camille Gicquel, Nicolas Patte et Marie Coussin. Le fact-checking politique a été réalisé par Sylvain Lapoix.

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Système de retraites suédois: au Nord, rien de nouveau http://owni.fr/2010/10/11/systeme-de-retraites-suedois-au-nord-rien-de-nouveau/ http://owni.fr/2010/10/11/systeme-de-retraites-suedois-au-nord-rien-de-nouveau/#comments Mon, 11 Oct 2010 18:58:48 +0000 Martin Untersinger http://owni.fr/?p=31201 « Le modèle suédois, c’est une illusion née à l’étranger » affirmait l’écrivain et dramaturge suédois Henning Mankell dans les colonnes du journal La Croix daté du 8 octobre. Une voix de moins en moins dissonante dans un pays qui apparaît plus que jamais affaibli par la xénophobie et la désintégration de son fameux modèle social.

Pourtant, ce fameux “modèle Suédois” – système de retraites en tête – n’a jamais été aussi populaire. Grâce à la crise, mais aussi à cause de la réforme des retraites en France, où il a été souvent cité en exemple. L’adoption – sauf surprise – du projet de réforme et la journée de mobilisation du 12 octobre sont l’occasion de revenir sur un système qui semble simple et efficace comme un meuble en kit sur le papier, mais qui a aussi réussi à faire oublier ses nombreuses carences. De quoi tempérer l’ardeur de ceux qui le voient déjà appliqué dans l’hexagone.

Simple et efficace comme un meuble en kit

Pour mieux comprendre les grandes lignes du fonctionnement du système suédois, penchons nous sur le cas (fictif) de Björn (ceci n’est pas un cliché).

Björn a 35 ans. Rentré sur le marché du travail en 1998 au moment de la ratification par le parlement suédois de la toute nouvelle réforme du système des retraites, il travaille dans une grande banque suédoise. Chaque année, il cotise à hauteur de 7 % de son salaire. La banque, de son côté, verse à la caisse des retraites 10 % du salaire de Björn. Ce dernier doit en outre placer 2 % de son salaire dans un fonds de pension.

Chaque année, Björn reçoit par la poste la fameuse enveloppe orange, qui récapitule l’intégralité des cotisations accumulées. Cette somme, pondérée chaque année par l’évolution générale des salaires, constitue ses droits à la retraite et serviront à calculer le montant de cette dernière.

Björn pourra partir à la retraite à partir de 61 ans (dont 40 ans de cotisations), l’âge légal de départ en Suède. La somme de toutes les cotisations versées pendant sa vie professionnelle va être divisée par le nombre d’années d’espérance de vie restantes pour sa classe d’âge afin de calculer le montant de la retraite. Car c’est là le fondement de ce système dit “à comptes notionnels” : le total des cotisations versées pendant le cours de la vie est équivalent au total des retraites perçues.

Mais attention, le système fonctionne encore par répartition : Björn n’a rien épargné, et l’argent qu’il a cotisé pendant sa vie professionnelle a servi a financer directement la retraites de ses aînés.

Des mécanismes existent pour corriger les inégalités du système. L’état prend à sa charge une partie des cotisations dans certains cas (invalidité, longue maladie, congé parentaux longue durée). De même, les personnes qui n’auraient pas cotisé suffisamment pour s’offrir une retraite décente se voient octroyer une retraite minimum.

Un système largement perfectible

Tout ce qui ressemble de près ou de loin à une solution miracle – en l’occurrence un système pérenne largement soutenu par toutes les franges de la société – a un certain pouvoir attractif. Mais même si il est un modèle de rigueur et d’efficacité nordiques, le système suédois est largement perfectible.

La confiance des suédois eux-mêmes dans leur système est toute relative, puisque selon un sondage récent évoqué par un rapport du Comité d’Orientation des Retraites, 60 % des suédois ont une confiance faible ou nulle dans le système. Car la question du financement des retraites n’est pas une question anodine, même en Suède : le parti d’extrême droite les Démocrates de Suède a violemment opposé retraites et immigration dans un virulent clip de campagne interdit de diffusion.

Pas sûr non plus que le système permettent une amélioration des conditions de vie. Edward Whitehouse, économiste à l’OCDE et spécialiste des systèmes de retraite en Europe rappelle que « ce qu’aiment bien passer sous silence les Suédois, c’est que 55 % de leurs seniors touchent la retraite minimale ». De même, aucune disposition n’est prévue pour prendre en compte la pénibilité : le montant de la retraite étant déterminé par l’espérance de vie, les carrières les plus pénibles s’en trouvent pénalisées.

De fait, si le modèle suédois trouve un certain écho en France, où on loue son efficacité économique et sa stabilité, cet avis ne fait pas l’unanimité.

Éric Aubin, en charge de la question des retraites à la CGT, ne croit gère au modèle suédois :

« Le modèle à compte notionnel ne répond pas aux deux questions principales que se posent les salariés : à quel âge et à quel niveau de pension je vais partir. C’est un système où on ne connait pas le niveau de pension : tout dépend de l’âge et de l’espérance de vie de la génération, il y a beaucoup d’incertitudes. »

Un système que la crise Abba

L’indexation des retraites sur le niveau général des salaires ainsi que le placement d’une partie des cotisations sur des fonds de pension rendent le système tributaire des fluctuations économiques et financières.

Ainsi, n’échappant pas à la tourmente économique mondiale, le montant des retraites va subir une chute de 4,4 % en 2010. L’état a d’ailleurs été contraint d’intervenir pour prévenir une dégradation trop forte du pouvoir d’achat des seniors. Cette dépréciation a pris tout le monde par surprise : « on n’avait pas pensé que nos retraites pouvaient augmenter de 4,5 % et baisser d’autant l’année suivante » déclarait l’année dernière Curt Persson, le président de la très influente association de retraités PRO.

« Face à la crise le système suédois n’est pas une garantie. Ce n’est pas un système qui répond au besoin de sécurité » explique Éric Aubin.

Le député (UMP) Arnaud Robinet, auteur d’un rapport sur le financement des retraites en Europe, partage le même constat :

« Le modèle suédois n’est pas la panacée, il y a eu des baisses des pensions, notamment pendant la crise financière. Le système suédois est très intéressant dans son architecture mais en aucun on ne peut le transposer en France. »

Un modèle difficilement transposable à la France

Deux pays à très forte pression fiscale, à forte tradition d’état providence et aux pyramides des âges similaires : il n’en faut pas plus pour que l’éventualité d’une adaptation du modèle suédois en France soit évoquée (http://www.euractiv.fr/modele-suedois-retraites-montre-exemple-france-article).

L’idée est séduisante : « le système Français prend en compte les 25 meilleures années. L’étendre à toute la vie serait plus juste et réduirait les distorsions du marché du travail. ARRCO, le principal régime de retraite fonctionne déjà avec un système à points » explique Edward Whitehouse.

Pourtant, bien malin sera le politique qui parviendra à appliquer en France les recettes suédoises.

Une tradition de consensus qui nous fait défaut

En effet, la Suède nourrit depuis longtemps une forte tradition de consensus. C’est un cliché qui se vérifie : il a fallu près de 15 ans de négociations et de compromis pour que les partis réunis autour de la table des négociations parviennent à un accord définitif, mettant en place un système financièrement équilibré et pérenne.

En outre, là où la réforme française est dictée directement par l’Élysée, les autorités suédoises ont inclut aux négociations la grande majorité des partis politique. Résultat ? Un processus de réforme qui a débuté au milieu des années 80 pour une adoption au Parlement en 1998… avec près de 80 % des voix. La Suède a ainsi réussi ce qui nous apparaît comme un tour de force politique : affranchir une réforme profonde et contestée des échéances électorales.

Oui mais voilà, la France n’est pas la Suède. « Il y a eu là-bas 15 ans de négociations, or nos caisses n’ont pas 15 années de réserve devant elles, les choses sont différentes » rappelle Éric Aubin. En effet, les caisses de retraites suédoises ont longtemps été bénéficiaires et ont pu accumuler de solides réserves, s’octroyant une marge de manœuvre plus que confortable.

De lourdes différences structurelles

Adapter le modèle suédois est structurellement délicat. Selon Arnaud Robinet « la Suède a un système simple transparent et beaucoup plus lisible. En France il y a plus de 35 régimes de retraite différents ». Par ailleurs, l’ancien système suédois était déjà largement unifié, ce qui l’a rendu beaucoup plus facile à réformer que nos multiples régimes spéciaux. C’est aussi l’avis d’Edward Whitehouse : « en France, il serait complexe de mettre en œuvre le système suédois à cause du grand nombre de régimes appliqués aux différents groupes de salariés. Cela aurait beaucoup moins de sens d’avoir une partie du système qui resterait inchangée et une autre qui fonctionnerait à la suédoise ».

Plus largement, le modèle Français semble avoir de beaux jours devant lui, que ce soit pour la majorité ou pour l’opposition.

Un modèle français pas encore enterré

Pour Éric Aubin, pas la peine d’envisager une réforme systémique à la suédoise, car l’enjeu se situe davantage dans la question de la répartition des richesses que dans la structure du système :

« Notre système est viable, il a fait ses preuves depuis 1945, notamment quand le pays était en difficulté à la sortie de la guerre. Il faut redéfinir le financement de la protection sociale en France, et notamment le financement des retraites. Nous n’avons pas besoin de réforme totale. Depuis 20 à 30 ans, plus de richesses sont redistribuées aux actionnaires et de moins en moins à la protection sociale. Sarkozy avait pointé ce problème mais rien n’a jamais été fait pour rééquilibrer »

Le député Arnaud Robinet partage le même constat et estime que « nous devons sauvegarder le système par répartition, qui relève de la solidarité intergénérationnelle. Le système français parviendra à l’équilibre 2018, mais il faut le renforcer. Nous avons la possibilité, en France de consolider le système par répartition. »

Reste à voir si une retraite menée au pas de charge peut montrer la même stabilité politique qu’une réforme négociée sur 15 ans, dont l’équilibre financier et la pérennité politique semblent à l’abri de toute forme de contingence. Les hommes politiques français seraient de toute façon bien inspirés de prendre exemple sur les pays du nord et la social-démocratie scandinave, du moins ce qu’il en reste.

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Crédits Photo CC Flickr : Matti Mattila, Stewf & Danko.

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Retraites:|| le dossier d’OWNI http://owni.fr/2010/09/07/retraites-le-dossier-downi/ http://owni.fr/2010/09/07/retraites-le-dossier-downi/#comments Tue, 07 Sep 2010 17:07:44 +0000 Martin Clavey http://owni.fr/?p=27282 Titre original:

D’autres choix possibles pour financer les retraites

Pierre Khalfa de l’Union Syndicale Solidaires, Danièle Karniewicz présidente de la Caisse nationale d’assurance-vieillesse et membre de la CFE-CGC, Didier Horus représentant de la FSU au COR (Conseil d’Orientation des Retraites) et Éric Aubin en charge du dossier retraites à la direction confédérale de la CGT analysent les propositions du gouvernement et du Parti socialiste  et livrent leurs propres pistes pour un financement du système par répartition.

Le gouvernement exclut d’augmenter les cotisations sociales pour financer le système des retraites.

Si on n’augmente pas ces cotisations, cela signifie que les retraités et les salariés vont payer les ajustements futurs du système de retraite, et que les seconds vont inévitablement devoir travailler plus longtemps. Refuser d’envisager l’augmentation des cotisations sociales est un choix politique et idéologique, et nous refusons ce choix. Par ailleurs, les propositions du PS ne sont pas claires. D’un côté, il n’exclut pas d’allonger la durée de cotisation après 2025 et ne remet pas en cause l’allongement déjà programmé. De l’autre, il propose des sources nouvelles de financement, mais qui visiblement ne sont pas à la hauteur du problème puisque le PS propose toujours d’allonger cette durée de cotisation. On évoque souvent l’élargissement de l’assiette dans ce dossier. Mais c’est une discussion secondaire.

Le problème est de savoir si, aujourd’hui, on accepte de remettre en cause le partage de la valeur ajoutée. Les salaires baissent dans la part de la valeur ajoutée d’environ neuf points depuis une trentaine d’années. Il faut diminuer les profits des entreprises et notamment les dividendes. Il est tout à fait possible de financer les retraites avec le système actuel de cotisations sociales. Dans le scénario le plus pessimiste, le Conseil d’orientation des retraites montre qu’il faudrait, à l’horizon 2050, augmenter de 10,4 points les cotisations sociales pour financer l’ensemble du système de retraite. Cela représente une augmentation de 0,26 point par an des cotisations. C’est dérisoire. Il est tout à fait possible d’augmenter les cotisations sociales (notamment la part patronale) en diminuant les dividendes versés aux actionnaires. Enfin, prétendre, comme le gouvernement, qu’une hausse des cotisations ferait perdre des emplois est fallacieux. On ne toucherait absolument pas à la compétitivité des entreprises puisqu’on ne toucherait pas à l’investissement productif dans ce schéma.

Pierre Khalfa

Les deux enjeux de la réforme des retraites : la pérennité du régime et la question du système que l’on construit pour les actifs d’aujourd’hui.

Les travaux du COR ont bien montré les efforts à produire. Ils sont de plus de 70milliards d’euros pour 2030 avec la fin du départ en retraite de la génération du « baby-boom ». Les leviers de l’augmentation de l’âge de départ à la retraite et de la durée de cotisation correspondent à la moitié des besoins de financement. Il en manque donc la moitié. Il reste à trouver 35 milliards d’euros de recettes par an. Ce sont forcément des prélèvements nouveaux à trouver quelle qu’en soit la forme, que ce soit l’augmentation des cotisations patronales et salariales, la TVA, la CSG, qui font baisser la croissance.

Le gouvernement est en train d’évoluer légèrement sur ce volet, mais de façon très floue et très modeste. Il faudra augmenter les cotisations salariales, mais il n’y a pas beaucoup de marges de manœuvre. J’explique aussi aux salariés qu’il faudra un jour cotiser plus si on veut construire une retraite supplémentaire importante. S’il y a d’autres efforts qui sont faits sur la durée de cotisation, je pense que les employeurs peuvent bouger aussi un peu sur les charges patronales. Mais on sait bien que les effets de la crise rendent difficiles la mise en place de cette mesure. Un élargissement de l’assiette des prélèvements est donc à prévoir. L’augmentation de la TVA et celle de la CSG sont les deux principales sources possibles de financement que je préconise. Il y a aussi toute la gamme des prélèvements sur les revenus du capital, comme les revenus financiers, qui peuvent être mis à contribution.

Les exonérations de charges patronales représentent plus de 30 milliards d’euros. On pourrait pour le moins remettre en cause une partie de ces exonérations. Mais, en tout cas, si on ne trouve pas de recettes tout de suite, on pénalise les retraites de façon importante. Il faut donc combiner les mesures démographiques de report de l’âge de la retraite, qui combleront les besoins en 2025, et de nouvelles recettes pour répondre à l’urgence du financement de nos retraites qui, actuellement, se fait sur la dette publique qu’on laisse aux plus jeunes. Il est urgent de ne pas laisser le déficit public aux jeunes et de leur construire une solution pour leurs futures retraites. Sinon, nous allons baisser le niveau des retraites. Celui-ci a très fortement diminué dans le privé. Il est donc indispensable de créer un « bouclier retraite » qui permettra de garantir un revenu minimum pour les retraités.

Danièle Karniewicz

Les seuls leviers de l’augmentation de l’âge de départ et de la durée de cotisation ne seront pas efficaces

Dans le document du Conseil d’orientation des retraites [COR], on voit clairement qu’en jouant sur les seuls leviers de l’augmentation de l’âge effectif de départ à la retraite et de la durée de cotisation, on ne parvient pas à trouver les ressources nécessaires pour financer le système.

Le problème principal est celui de l’emploi et de la masse salariale. Il ne faut pas oublier que la retraite est un élément construit sur le salaire. Une politique favorable à l’emploi et aux salaires permettrait une augmentation des cotisations sociales. Une augmentation de 1 % de la masse salariale, c’est 4,1 milliards d’euros en plus pour la Caisse nationale d’assurance-vieillesse. Ce qui est tout à fait envisageable. On peut aussi envisager d’augmenter les cotisations. Il faudrait 6 points de PIB pour équilibrer nos régimes des retraites à l’horizon 2040. Ce qui se traduit, en ne faisant qu’augmenter les cotisations, par une hausse des cotisations de 0,375 point par an. Une part des augmentations de salaires pourrait financer cette augmentation.

En ce qui concerne l’élargissement de l’assiette, on peut prendre en compte les revenus du travail qui échappent totalement à la solidarité comme l’intéressement, la participation ou les stock-options. La Cour des comptes a mis en avant qu’il y a entre 11 et 13milliards d’euros de niches fiscales qui échappent au financement de nos régimes de protection sociale. Pour nous, ce qui est fondamental, c’est la question de la répartition de la valeur ajoutée, qui se fait au détriment des salaires et au profit des dividendes. Il nous semble qu’il faut taxer cette part du capital dans l’objectif de rééquilibrer le partage entre salaire et profit. Tout ça doit être fait dans le cadre d’une réforme globale de la fiscalité et des prélèvements en France. Enfin, dans le cas de la proposition du Parti socialiste, la question des 40annuités de cotisation ne se pose pas de la même façon. Il s’agit d’augmenter les annuités de cotisation nécessaires pour la retraite à taux plein en prenant en compte les années d’études, de formation et de recherche d’emploi. Toute la difficulté est de savoir comment on calcule ces annuités.

Didier Horus

Nous ne nions pas le problème démographique mais, contrairement au gouvernement, qui veut augmenter la durée au travail, nous pensons que le véritable problème du régime des retraites est son financement.

Il faut donc trouver de nouvelles ressources qui garantissent le financement et l’équilibre des régimes à moyen et long termes. Il est possible d’augmenter la cotisation sociale de l’employeur. Mais, avant cela, nous pensons qu’il y a d’autres moyens d’augmenter les ressources, notamment en élargissant l’assiette des cotisations à l’intéressement, à la participation et au bonus. Un rapport de la Cour des comptes de 2009 pointe un manque à gagner de 3 milliards pour nos retraites. Les contributions des revenus des entreprises peuvent être aussi une source de financement. Cette assiette tourne autour de 250milliards d’euros. Si les revenus des entreprises sont soumis au même traitement que ceux des ouvriers, on fait entrer 20milliards d’euros dans nos caisses.

Nous proposons aussi de moduler les cotisations salariales par le rapport de la masse salariale sur la valeur ajoutée. Aujourd’hui, moins on a de salaires dans l’entreprise, moins on paie de cotisations sociales. Nous pensons qu’il y a une injustice, d’autant plus qu’un artisan paie des cotisations salariales selon le même principe que les grandes entreprises. Enfin, nous demandons la fin des exonérations sociales, qui coûtent 30 milliards d’euros sans impact sur la création d’emploi. Nous sommes attachés au financement de la protection sociale par le travail. C’est la raison pour laquelle nous ne sommes pas pour l’augmentation de la CSG ou des impôts. En revanche, nous pensons que les revenus financiers des entreprises peuvent participer à la solidarité nationale et financer notre régime de répartition solidaire. Il est important qu’une part des dividendes soit orientée vers le financement des retraites.

Éric Aubin

Article initialement publié dans l’hebdomadaire Politis le 27 mai 2010

Photos de l’articles et de la Une d’Owni, licence CC par Rémi Vincent pour OWNI

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