OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Sarkozy ne se voit pas vieillir http://owni.fr/2012/04/03/sarkozy-ne-se-voit-pas-vieillir/ http://owni.fr/2012/04/03/sarkozy-ne-se-voit-pas-vieillir/#comments Tue, 03 Apr 2012 20:29:17 +0000 Pierre Leibovici et Grégoire Normand http://owni.fr/?p=104672 OWNI / i>TELE , l'écart entre Marine Le Pen et le candidat sortant n'est plus que de 1,3 point. Or, c'est ici la place du candidat le moins crédible du Véritomètre qui se joue !]]>

Une fois n’est pas coutume, Marine Le Pen est la seule candidate à gagner des points dans le classement quotidien du Véritomètre, permettant de vérifier l’exactitude des déclarations chiffrées ou chiffrables des six principaux candidats à l’élection présidentielle. Toujours premier, Jean-Luc Mélenchon perd 1,3 point après son intervention sur France Info le 29 mars dernier, tandis qu’avec 42,9% de crédibilité, Marine Le Pen se fait de plus en plus menaçante pour Nicolas Sarkozy, qui stagne à 44,2%. La plus lourde chute est pour le candidat MoDem, François Bayrou, dont l’indice perd 4,7 points en seulement un jour.

Au cours des dernières 24 heures, l’équipe du Véritomètre a vérifié 51 citations chiffrées des candidats à l’élection présidentielle. Résumé des quelques faits chiffrés qui ont retenu notre attention.

Trop-plein de vie chez Nicolas Sarkozy

L’heure est au recyclage des données pour le président sortant. Et surtout de celles qui ont servi d’arguments clés au cours de son quinquennat, comme l’augmentation de l’espérance de vie, très utilisée par la majorité pour justifier la réforme des retraites de novembre 2010. Ainsi, dans l’émission Parole de candidat du 12 mars dernier, comme lors de son discours du 2 avril à Nancy, Nicolas Sarkozy l’a martelé :

(…) Nous gagnons un trimestre d’espérance de vie par année.

L’évolution de l’espérance de vie à la naissance a fait l’objet d’une publication de l’Insee pour les années 1994 à 2011 : durant cette période en France, les hommes sont passés de 73,6 ans d’espérance de vie à la naissance à 78,2 et les femmes de 81,8 à 84,8 ans. Si on considère que les propos du candidat couvrent la période récente, il suffit de calculer la moyenne des gains d’espérance de vie entre 2001 et 2011 pour constater qu’hommes et femmes ne sont pas logés à la même enseigne quand il s’agit de bénéficier des progrès de la médecine : tandis que sur cette période, les hommes ont gagné en moyenne 3 mois et 8 jours d’espérance de vie chaque année, les femmes n’ont vu leur espérance de vie augmenter que de 2 mois et 5 jours.

Le gain moyen pour les deux sexes a été de 2 mois et 21 jours, soit 11% de moins qu’annoncé par Nicolas Sarkozy.

Eva Joly pointilleuse sur les particules

La donnée originale du jour vient d’Eva Joly, qui s’est exprimée sur un sujet peu mobilisateur en temps de campagne présidentielle, et d’ailleurs déjà traité par OWNI, les particules fines. Invitée de Jean-Jacques Bourdin lors de la matinale de RMC, vendredi 30 mars dernier, la candidate Europe-Écologie Les Verts a ainsi déclaré :

Cette situation [la pollution aux particules fines] qui nous coûte 7 ou 8 mois [d'espérance] de vie (…)

Le bilan de la qualité de l’air pour l’année 2009 [PDF] publié en juillet 2010 par le ministère de l’Écologie et du Développement durable précise justement “cette situation”. Reprenant une étude européenne réalisée pour le programme CAFE (Clean air for Europe), le document indique (page 25) que plus de 40 000 décès survenus en France en 2000 étaient en relation avec l’exposition chronique aux PM2,5 (seuil toléré par l’Organisation mondiale de la Santé pour les particules fines de diamètre inférieure à 2,5 micromètres), liés à l’activité humaine.

Soit une perte moyenne d’espérance de vie de 8,2 mois, en conformité avec les propos d’Eva Joly.

François Bayrou à l’affût sur la pauvreté

Tantôt obsolètes, tantôt tout juste sorties de terre : ainsi va la vie des données utilisées par les candidats durant cette élection présidentielle. Dans le discours qu’il a prononcé à Perpignan le 29 mars dernier, François Bayrou a opté pour la deuxième catégorie :

Ce matin, comme vous le savez, est sortie une étude qui montre que, en France, nous avons, désormais, 11 millions de pauvres.

Bien informé, le candidat MoDem a fait référence au rapport de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale [PDF] – un organisme public créé en juillet 1998 – publié le jour même de ce discours.

L’étude confirme (page 103) le constat de François Bayrou : en 2010, 11,2 millions de personnes vivaient en situation de pauvreté monétaire ou appartenaient à un ménage en très faible intensité d’emploi en France.


Les vérifications des interventions sont réalisées par l’équipe du Véritomètre : Sylvain Lapoix, Nicolas Patte, Pierre Leibovici, Grégoire Normand et Marie Coussin.
Retrouvez toutes nos vérifications sur le Véritomètre et nos articles et chroniques relatifs sur OWNI
Illustrations par l’équipe design d’Owni /-)

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Des héros nationaux retournés à la misère http://owni.fr/2011/05/18/chili-largent-et-la-misere-des-33/ http://owni.fr/2011/05/18/chili-largent-et-la-misere-des-33/#comments Wed, 18 May 2011 06:30:16 +0000 Anaëlle Verzaux http://owni.fr/2011/05/16/chili-largent-et-la-misere-des-33/ Les 33 souffrent de troubles psychologiques. C’était écrit.

Mais, au moins le drame qu’ils ont vécu leur ferait gagner beaucoup d’argent, de quoi vivre paisiblement le restant de leurs jours, pensaient-ils. C’était la promesse. D’ailleurs, Sebastian Pinera et un autre milliardaire, Leonardo Farkas, ne leur avaient-ils pas fait de somptueuses déclarations ? Sept mois après leur sauvetage, le constat est rude. Les revenus des 33 mineurs ne dépassent pas 700 euros, et leurs maisons ne suintent pas le luxe.

Mario Gomez, le patriarche des 33

Visite surprise. Nous attendons plusieurs minutes devant une petite porte en bois vétuste avant que Mario nous ouvre. Mario Gomez, à 64 ans, est l’aîné des 33. Ancien marin, c’est un échalas au regard vif, d’une gentillesse rare. Et trois doigts en moins, perdus dans une explosion à San José, il y a quelques années. D’un geste, il nous invite à entrer dans sa maison en travaux. « Pardonnez le désordre ». Sa femme, à l’entrée, parfumée, bien vêtue, le bras gauche dans le plâtre, plie des vêtements sur un grand lit qui occupe toute la pièce. « Je n’ai pas eu de chance, la veille de notre mariage, je suis tombée, mon bras s’est cassé », soupire Lilianett.

Le salon s’ouvre sur le reste de la maison. Une cuisine, vide, d’un côté, un escalier qui grimpe aux chambres des enfants de l’autre, et une large ouverture sur le chantier. Il n’y a pas d’isolation. Copiapo, située au coeur du désert d’Atacama, est une petite ville au climat aride et chaud, mais la nuit, la température peut descendre en dessous de 0 degrés. Mario désigne la bâtisse.

J’ai commencé les travaux dès que je suis sorti de San José, on agrandit parce que l’hiver, avec mes petits enfants, on est onze à vivre ici. Mais ça traîne… nous n’avons plus d’argent pour payer les ouvriers.

Dans le salon, Mario nous offre une première cigarette, et raconte ses galères. Malgré son âge avancé et ses 46 ans de service en tant que chauffeur de camion à San José, il était payé 1600 euros brut par mois, l’un des plus bas salaires de la mine. Réputée dangereuse déjà avant l’accident du 5 août, les mineurs y étaient relativement bien payés, entre 800 et 3000 euros par mois en fonction du poste occupé.

Mes indemnités se sont vite évaporées, et je suis trop vieux pour retravailler à la mine. Il n’y avait qu’à San José qu’on acceptait de faire travailler des ancêtres comme moi !

Sa retraite ne dépassera pas 280 euros par mois: « Nos retraites sont minables. Comme notre système de santé. » Au Chili, les hôpitaux publics, réputés pour leur inefficacité, débordent. Trop de patients, pas assez de personnel, manque de budget.

C’est simple, si tu veux être bien soigné, tu dois aller dans les cliniques privées, mais il faut payer très cher. Si tu n’as pas d’argent, on te laisse crever.

Mario regarde longuement sa femme. Ils se sont résignés à faire plâtrer son bras dans le public. La plupart des 33 sont dans la même situation financière que Mario.

A cause de son ordonnance médicale, José Ojeda ne travaille pas. « Je gagne quand même une partie de mon ancien salaire, soit 600 dollars (422 euros) par mois ».

Le mineur Daniel Herrera, au musée des 33 à Copiapo.

Daniel Herrera, 29 ans, était employé par un des prestataires de service de la mine. Il touche en ce moment 500 euros par mois, alors que son salaire était de 800 euros. « Je suis plutôt chanceux, ceux qui n’ont pas d’ordonnance médicale n’ont rien du tout ! »

Or, si quelques-uns se sont lancés dans le commerce de quartier, aucun n’a repris le travail à la mine. Ce n’est pourtant pas l’envie qui manque !

Tandis que José Ojeda rêve d’une mine à ciel ouvert, Florencio Avalos, le premier des 33 à avoir été évacué de San José, a déjà déposé sa candidature dans une nouvelle mine, sur la « Terra Amarilla » (« la terre jaune »), à dix kilomètres de Copiapo. « Cette mine, grande, est réputée pour sa sécurité. Rien à voir avec San José ! », assure un ami mineur de Florencio, qui l’a aidé à chercher un nouveau poste.

L’histoire des messages censurés

Une jeune femme ravissante entre, un enfant dans les bras. La fille de Mario ressemble à Esmeralda avec ses longs cheveux noirs. Sa petite fille, Camila, est un grand bébé de trois ans.

Allez, à table ! Pour le dîner, on dépose sur la table du pain rond, des lamelles d’emmental, un morceau de beurre, et du thé. Installée sur les genoux de sa mère, Camila déguste une banane.

Mario chuchote à l’oreille de sa femme, puis annonce, à haute voix : « Je vais vous confier deux secrets ». Il saisit un livre sur une étagère. Une histoire des 33 parmi tant d’autres, et en couverture, l’image du premier message arrivé à la surface, sur lequel s’est appuyé le Président du Chili Sebastian Pinera, pour annoncer au monde que les 33 mineurs étaient vivants.

Estamos bien en el refugio, los 33.

(« Nous allons bien, les 33 dans le refuge »)

Le vieux mineur pose le livre sur la table et nous demande de regarder attentivement la couverture :

Regarde bien le message. D’abord, contrairement à ce que Pinera a fait croire au monde entier, ce n’est pas le message dans sa version originale. Le papier sur lequel avait écrit José Ojeda, l’auteur du texte, n’était pas quadrillé comme on le voit sur la photo. Le Président a fait recopier le texte sur un papier officiel. C’est un premier mensonge de Pinera.

Ensuite, Pinera a dit que le message de José était le premier arrivé à la surface. C’est faux ! Nous avions envoyé plusieurs lettres en même temps. Seuls deux messages avaient été bien attachés et sont arrivés intacts à la surface. Celui de José Ojeda et le miens, qui s’adressait au pays tout entier, mais il y avait une mention spéciale pour ma femme. Mon message a été censuré ! Lilianett ne l’a jamais reçu.

On a envie de faire confiance à Mario.

Par la suite, beaucoup de messages ont été censurés par des psychologues – spécialement envoyés à San José pour gérer la santé psychique des 33 –, voire par les services du gouvernement.

Avant de quitter la famille Gomez, nous leur demandons de combien ils ont besoin pour achever de construire leur maison. 4000 dollars, soit 2800 euros par mois. « Pour nous, c’est beaucoup », assure Lilianett.

Yonni Barrios, l’ex mineur aux deux femmes

La boutique de Yonni Barrios et son amie Susana Valenzuela

Qui se souvient de Yonni Barrios ? Le mineur-docteur aux deux femmes ! Son épouse et sa maîtresse s’offraient des disputes publiques sur le camp de l’Espoir. C’était une de ces histoires alléchantes pour les 2000 journalistes passés par San José… Quand il est sorti de la capsule, Yonni s’est plongé dans les bras de sa maîtresse. Depuis, Yonni a un peu voyagé, et choppé la silicose, une maladie pulmonaire grave, que les mineurs finissent généralement par attraper. Comme avant l’accident, il habite le quartier le plus pauvre de Copiapo. Perchée en haut d’une route sinueuse flanquée de graviers, la maison est difficilement accessible. Même notre vieux 4×4 dérape.

Sur les bas côtés, quatre hommes boivent du rhum à la bouteille et regardent passer les femmes. C’est aussi le quartier des dealers de cannabis, marijuana et cocaïne.

Une femme ronde, les cheveux blonds, courts, est postée à l’entrée, derrière un comptoir. « On a eu notre troisième client tout à l’heure ! » Ici, on vend de tout. Fruits et légumes, boissons, chewing-gum, produits beauté. Yonni Barrios et Susana Valenzuela, son ancienne maîtresse, ont ouvert ce petit commerce la veille. Yonni, la cinquantaine passée, regarde une émission de variétés à la télé. « Je vous en prie, asseyez-vous, mais loin de moi, hein ! Tenez, vous serez très bien sur cette chaise près de ma femme ! » On se marre. Ah, les femmes et leurs crises de jalousie… Et sa vieille épouse qui habite à deux pâtés de maisons !

Les murs sont couverts de photos. Yonni à la sortie de la mine, Yonni et son éternelle amante, Yonni aux Etats-unis, en Angleterre, en Israël. Des fils électriques parcourent maladroitement les parois du petit salon. Une plaque de taule sert de plafond. Comme chez Mario, pas d’isolation.

Yonni sur la moto à 9000$ offerte par le milliardaire Farkas.

Mais au fond de la pièce, resplendit une grosse moto rouge vif, splendide, déposée là comme un trophée. Yonni jubile. « C’est le cadeau de Farkas ! » Farkas, un milliardaire chilien de Copiapo (il habite une villa posée sur une montagne de l’Atacama, à quelques kilomètres de la ville), est fameux dans le coin, et généreux. Il a offert la même moto à tous les 33, d’une valeur de 9000 dollars. Plus une maison à trois d’entre eux !

Pendant la longue opération de secourisme, en août et septembre dernier, le milliardaire s’est fait remarquer plusieurs fois sur le camp de l’Espoir, au volant de son Hummer jaune. Dans son livre, le journaliste Jonathan Franklin raconte :

Impossible de louper Leonardo Farkas avec son costume sur mesure d’Ermenegildo Zegna, ses boutons de manchettes et ses boucles de cheveux teints en blond qui se balancent sur ses épaules (…) Sortant d’un bond de son véhicule, boucles au vent et dents étincelantes, Farkas a l’air d’un chanteur de Las Vegas qui s’est trompé de désert. Il commence à distribuer des enveloppes blanches, une par famille. A l’intérieur, un chèque de 5 millions de pesos (environ 7500 euros).

Puis le milliardaire eût l’idée de rassembler suffisamment d’argent (un million de dollars par mineur) pour que les 33 aient de quoi vivre sans travailler pour le restant de leurs jours. Las, l’idée ne s’est pas encore concrétisée.

Restent les motos rouges. Certains l’ont échangée, d’autres revendue. Yonni Barrios ne peut pas encore l’utiliser à cause de sa jambe, qu’il a fêlée en retapant sa maison. Le mineur sourit.

Ce n’est pas grave, en attendant, elle décore la pièce !

L’accident de San José aura été une parenthèse, entre l’horreur et le rêve. Une parenthèse de scène comme un acteur sans talent particulier qui n’aurait joué, par hasard, que dans un seul film à succès.

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Photos FlickR CC Desierto Atacama / Anaëlle Verzaux.
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Course à l’Elysée: l’UMP se déleste des pauvres http://owni.fr/2011/05/16/elections-elysee-2012-ump-deleste-pauvres/ http://owni.fr/2011/05/16/elections-elysee-2012-ump-deleste-pauvres/#comments Mon, 16 May 2011 13:45:34 +0000 Seb Musset http://owni.fr/?p=62811 La séquence de communication “L’assistanat est le cancer de la société” lancée dimanche soir [8 mai 2011, NdE] sur BFM par Laurent Wauquiez aura duré une semaine. Elle introduit un axe de campagne à droite pour 2012. Et dire que l’on m’accusait de caricaturer en 2008 lorsque j’évoquais la possibilité d’un “délit de pauvreté” made in UMP.

Au fond chez les hommes du Monarque, faute de résultats et pour masquer les inégalités de plus en plus criantes, on en revient toujours à désigner un coupable, le plus faible et vulnérable possible. Quand on n’arrive pas à supprimer la pauvreté, on criminalise le pauvre et hop : la conséquence des désordres devient la cause des problèmes. Nous constations le même procédé en août dernier avec les roms et la sécurité, et annoncions les prochains bouc-émissaires marketing.

N’épiloguons pas sur le cas Wauquiez et sa proposition aussi abjecte que débile : conditionner le versement du RSA à une activité non rémunérée de 5 heures par semaine. D’autres s’en chargent : par le démontage des mensonges de l’argumentation, de son impossibilité matérielle ou la violence d’un témoignage.

Déjà le mois dernier, au nom de ”la justice sociale“, un député UMP après sa déculottée aux régionales proposait de conditionner les indemnités des chômeurs de longue durée à un travail gratuit.

Cette course à l’échalote après le pactole fantasmé du “vote populaire” a deux buts majeurs.

1. Evincer le PS

En premier lieu, il s’agit de réussir l’OPA médiatique sur le mot “social” (depuis que la droite a découvert ce vocable à l’exotisme enivrant, elle l’assaisonne à toutes les sauces : justice, droite, téléski, gode ceinture). L’UMP souhaite voler le mot au Parti SOCIAListe  avant cette primaire qui n’en finit pas de ne pas arriver. Il s’agit de discréditer la gauche en court-circuitant la case intelligence pour directement s’adresser aux plus vils instincts en mode comptoir et contre-vérité : “oui l’autre, il a plus que moi qui travaille” (ressentiment se jouant souvent à un détail stupide) et sa variante : “saloperie d’immigrés qui nous coûtent trop cher“. Combo ultime : “bordel de bougnoules aux allocs qui touchent plus que moi (et volent des voitures) !“.

L’opération permet surtout de faire l’impasse sur le fond du problème : la trop faible rémunération des salariés. L’UMP poursuit sa stratégie de course après le FN pour en faire le premier parti d’opposition, espérant reléguer ainsi le PS, comme tous les discours de gauche, dans le camp de l’utopie ou de l’irresponsabilité. Où, comment, au nom de la pérennité du monde des possédants et sous couvert d’un “y’en en a marre du politiquement correct” omniprésent dans les médias, faire de la solidarité un concept plus dégradant que le racisme.

2. Rassurer le MEDEF

Deuxièmement, il s’agit aussi de rassurer patronat et possédants dans cette période de confusion des valeurs.  Les complaintes bourgeoises au sujet de ce petit personnel qui “ne veut plus assez travailler parce qu’il est trop assisté” tapissèrent mon enfance dans ce quartier votant à 83% à droite mais qui aujourd’hui est moins enthousiaste à reconduire le Monarque. Taper sur ”l’assisté”, ça ressoude autour de bonnes vraies valeurs bourgeoises de droite. Dans le même esprit, la semaine passée, le garde des Sceaux, Michel Mercier, souhaitait que l’on “réfléchisse vite à de nouvelles formes de travail” dans les prisons avec création d’une sorte de Pôle Emploi carcéral pour fluidifier la sous-traitance en cellule des call centers. Tarif ultra compétitif pour travailleurs captifs sur le territoire : le rêve ultime du Medef.

La cacophonie gouvernementale engendrée par les propos, réitérés, de celui s’autoproclamant porte-parole des classes moyennes est une pure construction de type Lefebvrienne (version 2008-2009) où quelques ministres décoratifs ont servi de naïfs offusqués. Le ballon-sonde destiné à occuper l’opinion se conclut par un sondage Opinion-way-of-the-president (fort opportun) plébiscitant l’idée de Wauquiez (comme à la belle époque du conflit des retraites où, à en croire le quotidien de Marcel Dassault, 8 français sur 10 soutenaient Eric Woerth).

Et de citer un “indiscret” de L’Express riche de sens :

Si Nicolas Sarkozy n’a finalement pas licencié son ministre à chaud, c’est ”parce que ce qu’a dit Wauquiez sur le fond n’est pas absurde”, précise l’Élysée.

Et hop, le tour est joué. Le voilà le bel axe de campagne, la version négative du TPPGP “travailler plus pour gagner plus” : ”les salauds gagnent plus en ne travaillant pas”. (Cette semaine à la télé : Wauquiez et Le Monarque. Tu tires, je rectifie. Un buddy movie qui fait mouche).

Rentier = assisté

Pourtant, pointer aussi grossièrement du doigt les bénéficiaires de mécanismes de solidarité dans une conjoncture aussi incertaine (la preuve : Dame Lagarde se remet à se vanter d’une croissance à 1% sur un trimestre) où tout conduit l’individu à craindre d’en dépendre prochainement est un calcul risqué à un an des élections. À moins de considérer que le peuple est stupide au point de se faire la guerre à lui-même au lieu de se plaindre de ceux qui l’oppressent concrètement ? Hypothèse semblant être la ligne conseillée par Patrick Buisson à notre Monarque.

Mais, malgré tout, L. Wauquiez souligne un problème majeur : dans notre pays, les revenus ne sont plus avantageusement liés au travail. On gagne bien plus à hériter, à optimiser fiscalement, à acheter et revendre de l’immobilier, à être retraité parfois, qu’à “bosser” (oups, je fais probablement du “populisme”). Comment accuser les bénéficiaires d’un RSA à 43%  du SMIC (660 euros de différence) dans un pays où la rente, constamment chouchoutée, rapporte plus que le travail ? Si ce n’est du cynisme, c’est au moins la preuve d’un manque de connaissance du terrain.

A ce sujet, quitte à donner moi aussi dans les idées simples : pourquoi ne pas imposer un ”service social” aux ministres, conditionnant leur entrée au gouvernement ? Wauquiez, un mois dans la peau d’un mec au RSA, comptant ses pièces dès le 10 du mois, ça aurait de la gueule non ? Un mois sans confortable paye ministérielle, ni voiture de fonction, sans frais de bouche et de transport remboursés ni logement d’aisance… Alors seulement, à prétention reposée, nous discuterions “cancer de l’assistanat” avec ce moralisateur de plateaux télé, pour le moment au paroxysme de la déconnexion dès qu’il glousse de son empathie en papier mâché les mots ”travail”,  ”classe moyenne” ou ”pauvreté” .


Article initialement publié sur le blog Les jours et l’ennui de Seb Musset

Photos flickr PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification lensa13.smugmug.com ; PaternitéPas d'utilisation commerciale incendiarymind Yoann Brieux.

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Sept mythes sur les bidonvilles http://owni.fr/2011/05/14/mythes-bidonvilles/ http://owni.fr/2011/05/14/mythes-bidonvilles/#comments Sat, 14 May 2011 11:48:17 +0000 emcee http://owni.fr/?p=62612

Il y a assez de ressources dans le monde pour les besoins de chacun, mais pas assez pour la convoitise de tous – Mohandas Karamchand Gandhi

Et pourtant, malgré les efforts des “agences internationales” depuis des décennies, les bidonvilles continuent de s’étendre partout dans le monde. Il doit tout de même y avoir quelque chose d’erroné dans le postulat de base, non ?

Voici les explications d’Adam W. Parsons dans l’article “The Seven Myths of Slums” publié dans Dissident Voice, le 10 décembre 2010.

Si on s’intéresse à la question des bidonvilles, quelques données fondamentales vont vite paraître évidentes. D’abord, le centre de la pauvreté dans le monde se déplace actuellement des campagnes vers les villes, et plus de la moitié de la population mondiale vit actuellement dans des zones urbaines pour la première fois de l’histoire de l’Humanité.

Deuxièmement, la majorité de la population mondiale, la majorité de ses plus grandes villes et la majorité de la pauvreté urbaine se situent aujourd’hui en Afrique, en Asie et en Amérique Latine – le prétendu monde en voie de développement.

Troisièmement, la croissance des bidonvilles depuis les années 1980 est à la fois impressionnante et sans précédent (même s’il y a eu des bidonvilles urbains en Europe depuis la révolution industrielle) et le nombre d’habitants de bidonvilles dans le monde devrait augmenter continuellement dans les prochaines décennies.

Le plus grand bidonville d’Asie qui se trouve à Bombay, a depuis 1950, grandi deux fois plus vite que la ville formelle avec une croissance moyenne de 8% contre 4% pour la ville de Bombay. Aujourd’hui, ce bidonville compte un peu plus d’un million d’habitants. Ce n’est plus un regroupement de baraques mais des structures qui recouvrent plusieurs centaines d’hectares. Des structures homogènes, compactes, sans équipements urbains ou presque, qui deviennent par leurs proportions gigantesques totalement inhumaines. (source)

Au-delà de ces faits, il n’y a, semble-t-il, guère de prise de conscience sur la réalité des bidonvilles dans l’imaginaire populaire. Grâce au travail infatigable de nombreux militants et d’ONG au cours de nombreuses décennies, la question de la pauvreté dans le monde est devenue une priorité, mais le problème des bidonvilles, qui constitue un élément essentiel de la pauvreté dans l’urbanisation des villes, ne s’inscrit toujours pas dans les préoccupations de la majorité des populations.

S’il y a beaucoup de publications spécialisées sur ces quartiers informels, l’image que donnent des bidonvilles les films populaires et la littérature contribue également à renforcer un certain nombre de préjugés tenaces contre les citadins pauvres.

L’indifférence méprisante exprimée par de nombreux gouvernements et citoyens des classes moyennes et bourgeoises aux problèmes que rencontrent les millions de gens qui vivent dans les bidonvilles peut également conduire à d’autres formes de discrimination ou de “mythes” sur les solutions à apporter au problème des logements précaires.

Véhiculé par les nombreuses publications au cours de ces dernières décennies qui reprennent les idées fausses sur la pauvreté dans le monde, le sentiment qui prévaut en Occident sur les questions de développement est souvent caractérisé par de nombreuses hypothèses, des poncifs et des théories sur les très pauvres qui vivent dans des pays lointains.

Si on dénonce certains de ces mythes fondamentaux sur la pauvreté, on peut éviter les solutions motivées par la culpabilité ou la crainte et s’intéresser alors aux causes structurelles de l’impuissance qui conduit à l’insécurité et le dénuement. Les mythes présentés ci-dessous sur les bidonvilles sont destinés à donner une vue d’ensemble sur un certain nombre de problèmes clés concernant les établissements humains – parmi lesquels, les effets de la mondialisation économique, le rôle des États, l’importance du secteur informel de l’emploi, la question de l’aide internationale, ainsi que la polémique (dont on parle peu) autour des chiffres sur les bidonvilles dans le monde et des projets pour le développement.

Mythe n°1 : la surpopulation

Il est facile de penser que les bidonvilles urbains résultent de la surpopulation citadine, ou de l’exode rural, et que, donc, les pouvoirs publics ne peuvent pas faire face aux problèmes de logement. Mais le véritable problème provient de structures institutionnelles dépassées, de systèmes judiciaires inadaptés, de l’incompétence des responsables nationaux et locaux, et de politiques de développement urbain de court-terme.

Dans une perspective plus large, la résurgence d’une idéologie de non-interventionnisme ces dernières décennies a affaibli les gouvernements nationaux et a conduit les États à revoir à la baisse l’importance qu’ils devaient accorder à une distribution plus équitable des ressources. Les États étant criblés de dettes, forcés de privilégier les remboursements de prêts plutôt que le financement des services publics indispensables, comme les soins de santé, et étranglés par le soi-disant Consensus de Washington qui exige que l’État se retire de pratiquement tous les secteurs de la vie publique, il est devenu impossible depuis les années 1980 aux États et aux agences internationales d’avancer au même rythme que la formation de bidonvilles urbains.

En clair, l’existence de bidonvilles n’est pas la conséquence inévitable de la surpopulation, mais de l’échec des politiques à tous les niveaux – mondial, national et local – et de l’adoption d’un paradigme international du développement qui ne donne pas la priorité aux besoins essentiels des pauvres.

Mythe n°2 : c’est la faute des pauvres

Beaucoup de gens continuent de rendre les pauvres responsables de leur misère.

D’après ce mythe bien ancré dans l’esprit des gens, ceux qui vivent dans les bidonvilles sont antisociaux, sans instruction, et rechignent à travailler, sinon, ils ne vivraient pas dans des conditions si sordides.

Contrairement à ces préjugés répandus, les anthropologues et les spécialistes du développement ont constaté depuis longtemps que les pauvres ne sont pas un fardeau pour les villes qui s’urbanisent, mais en sont souvent la ressource la plus dynamique. Si, au niveau individuel, les citadins pauvres ont fait preuve d’une inventivité prodigieuse pour construire des logements de fortune, la force collective a donné des résultats exceptionnels dans la construction de nouveaux logements et l’amélioration des logements des bidonvilles existants. C’est d’ailleurs ce que dit la documentation officielle sur le développement, qui préconise “l’amélioration des bidonvilles participative” comme étant la meilleure méthode pour les actions en faveur de l’habitat dans les pays en voie de développement.

Pourtant, pour chaque exemple de projet d’amélioration réussi élaboré par une collectivité, il y a un exemple d’opérations de destruction des bidonvilles et d’expulsions forcées. C’est un des problèmes les plus cruciaux de la lutte contre la pauvreté : les États reconnaîtront-ils et soutiendront-ils la capacité des pauvres à s’organiser et à contribuer à développer une ville qui les intègrera ou continueront-ils à considérer les habitants des bidonvilles comme des gens réfractaires au “progrès” et une menace pour les institutions traditionnelles ?

Mythe n°3 : les bidonvilles sont des lieux de criminalité, de violence et de fracture sociale

S’il y a bien un préjugé envers les citadins pauvres qui a la vie dure, c’est l’idée que les bidonvilles sont des lieux de fracture sociale et de désespérance, et que les habitants commettent des violences et des crimes.

Même s’il y a parfois un taux de criminalité élevé dans de nombreux bidonvilles dans les pays pauvres, la description qui est couramment faite de la vie dans les bidonvilles oublie les causes plus profondes de l’insécurité et de la violence – comme, par exemple, les liens entre le taux de criminalité et les problèmes de pauvreté, d’inégalités, d’exclusion sociale et de chômage des jeunes.

Ces facteurs intrinsèques (et, plus importants encore, les responsabilités et les échecs des pouvoirs publics) sont souvent occultés dans les films et les documentaires sur les bidonvilles. Nombreux sont ceux qui, dans les pays du Sud, font également preuve de solidarité mutuelle qui contredit ces stéréotypes négatifs, de même que d’innombrables exemples de dévouement, d’altruisme et de services communautaires servent de modèles louables à la société “mainstream”.

Il ne s’agit pas ici de glorifier ou de faire du sentimentalisme envers les citadins pauvres et leur système d’entraide pour le logement, car de nombreux bidonvilles peuvent, à l’opposé, se caractériser par un individualisme forcené et une exploitation mesquine. Mais trop souvent, l’idée reçue que les squatters sont des gens “différents” – qu’ils soient considérés comme des criminels, des oisifs, des parasites, des usurpateurs, des prostituées, des malades, des ivrognes ou des toxicomanes – est l’erreur la plus courante commise à l’égard de ceux qui vivent dans des quartiers pauvres des villes.

Mythe n°4 : les bidonvilles sont une étape inévitable du développement

Il y a un postulat sous-jacent au problème des bidonvilles et de la pauvreté urbaine, c’est que les pauvres finiront par atteindre notre niveau de vie s’ils adhèrent au système de libre échange tel que nous l’avons déterminé pour le développement. Cependant, les politiques de croissance industrielle menées par les pays développés ne s’appuyaient pas sur une idéologie libérale de libre échange et de non-intervention de l’État, mais plutôt sur des stratégies protectionnistes pour les industries importantes aux premiers stades de leur développement. On peut donc se demander pour quelle raison préconise-t-on la politique néolibérale pour les pays en voie de développement depuis les années 1970. La “science” de l’économie s’appuie également sur l’hypothèse que la croissance perpétuelle est le fondement du progrès, même si divers bilans ont fait naître des doutes sur les effets secondaires du capitalisme sans entrave sur les questions environnementales et sociales.

De plus, on peut se demander s’il est acceptable de considérer les conditions épouvantables et les violations des droits humains inhérentes aux villes au XIXème siècle comme étant la condition inévitable, bien que désagréable, du progrès dans une ville qui s’industrialisait rapidement comme Bombay ou Shanghai. Si ce n’est pas le cas, il nous reste à réfléchir à des objectifs différents et des modèles de développement plus holistiques qui privilégient les objectifs sociaux plutôt que les impératifs de rentabilité et le PIB en procédant à une distribution des ressources plus équitable au niveau national et mondial.

Mythe n°5 : le libre-échange peut mettre fin aux bidonvilles

Parmi ceux qui préconisent la mondialisation économique, beaucoup continuent d’accorder une confiance absolue au pouvoir des marchés pour en finir avec les bidonvilles.

Le postulat de base étant d’écarter l’État inefficace, et de s’en remettre au pouvoir bénéfique des marchés et aux capitaux privés qui serviront de leviers pour la croissance économique et la richesse générale. Mais, après des décennies où l’économie de marché était considérée comme le remède miracle aux maux du XXIe siècle, le nombre croissant de citadins qui vivent dans les bidonvilles est bien la preuve que la stratégie de la “croissance d’abord” pour le développement n’est pas viable. Se servir des forces du marché pour arbitrer la distribution des ressources ne peut qu’exclure certaines catégories sociales. D’autre part, le système ne fonctionne pas pour certains types de produits ou services, comme les logements destinés aux pauvres ou les aides sociales pour les personnes à faibles revenus.

La dérèglementation et la privatisation des services publics servent également à restreindre l’accès aux aides sociales et compromettent davantage la capacité des services publics à répondre aux besoins de ceux qui n’ont pas les moyens de se tourner vers le marché privé pour les logements, les soins médicaux, l’éducation et le système d’assainissement.

En résumé, les politiques de concurrence du marché mondialisé, censées créer des villes “de classe internationale” et fondées sur l’efficacité et la croissance, n’ont pas réglé la question des bidonvilles et sont plus susceptibles d’aggraver la pauvreté urbaine qu’être une solution pour l’avenir.

Mythe n°6 : la solution, c’est l’aide internationale

S’il y a peut-être davantage de projets qu’auparavant pour améliorer les conditions de vie des pauvres des villes, le système actuel d’aide publique au développement (APD) n’est pas parvenu, de toute évidence, à endiguer la vague croissante de formation de bidonvilles.

Le premier problème est simplement une question d’échelle, la réduction de la pauvreté urbaine ne figure pas dans les toutes premières priorités des agences multilatérales et des pays riches pour les aides financières. Plus important encore, c’est le décalage qui existe entre le genre d’aides nécessaires à améliorer les bidonvilles et les formes d’action qui sont actuellement proposées par les institutions d’aide internationale. Notamment, la majorité des agences d’aide au développement officielles n’ont pas réussi à développer des relations avec les habitants des bidonvilles et leurs organisations représentatives, et ne laissent guère les associations de pauvres jouer un rôle dans la conception et la mise en œuvre des programmes d’aides.

Les agences d’aides et des banques de développement n’ont pas pour principal souci de mener une politique de redistribution, qui serait capitale pour donner aux pauvres la maîtrise locale sur le processus de construction de logements. Alors que les ressources financières supplémentaires sont impératives pour améliorer les bidonvilles dans les pays en voie de développement, il est peu probable que les aides puissent répondre de façon satisfaisante à la crise du logement urbain sans un changement d’objectifs et de priorités des principaux pays donateurs et des institutions qui régissent l’économie mondiale.

Mythe n°7 : il y aura toujours des bidonvilles

De tous ceux qui traitent de développement urbain, peu d’entre eux imaginent un avenir sans bidonvilles. Dans les débats sur la pauvreté urbaine, qu’il s’agisse des défenseurs des “bidonvilles de l’espoir” ou des “bidonvilles du désespoir”, tous partent tacitement du principe qu’il y aura toujours des bidonvilles.

Une partie du problème vient de la sémantique: il est difficile de concevoir la disparition des “bidonvilles” quand le terme employé pour les décrire est restrictif et généralisé.

Les Objectifs du Millénaire des Nations Unies pour le développement des bidonvilles – visant à “améliorer sensiblement les conditions de vie de 100 millions d’habitants de bidonvilles d’ici 2020″ – acceptent également implicitement l’existence de bidonvilles comme une réalité durable, car la réalisation de ces objectifs (scandaleusement peu ambitieux) ne se soldera guère par la disparition des bidonvilles.

Si les tendances de l’urbanisation et les municipalités doivent permettre une intégration sociale durable, la politique de développement qui les soutient doit être complètement réformée et repensée. On ne peut pas créer un monde sans bidonvilles et sans pauvreté urbaine sans bouleverser les structures politiques, économiques et sociales actuelles.

Une première étape consisterait à reconnaître la possibilité de concevoir autrement le progrès humain en partant d’un choix fondamentalement différent de priorités mondiales – à commencer par l’engagement immédiat de couvrir les besoins vitaux de tous. Ce n’est qu’alors que le double objectif gravé dans le marbre d’Habitat II en 1996 pourra se traduire par un programme d’action concret : “un logement décent pour tous” et le “développement des établissements humains durables dans un monde qui s’urbanise“.

Cet espoir repose non seulement sur la mobilisation des forces grâce aux organisations politiques dans les pays du Sud, mais également sur la volonté des populations des pays riches de joindre leurs voix à celles des pauvres, de prendre conscience de l’importance de la justice et de la participation, et de renforcer le mouvement mondial pour une distribution plus juste des ressources mondiales.

Conclusion

On le voit : le système néo-libéral ne fonctionne vraiment que pour ceux qui le mettent en œuvre pour leur propre profit, et il est clair que ce ne sont pas les populations les plus démunies qui bénéficient de ces mesures. C’est, entre autres, la théorie néo-libérale dite du “ruissellement” qui a conduit à cette situation. C’est la fameuse “main invisible du marché” que préconisaient Reagan et Thatcher.

Si dans les pays du Sud, la misère est beaucoup plus flagrante, on retrouve ces conditions de vie, encore relativement marginales, dans les pays occidentaux. Aux États-Unis, la pauvreté touchait essentiellement les minorités, comme les Noirs ou les Latinos, en particulier immigrés. Des communautés qui vivent dans des ghettos coupées du reste de la population qui ne les voyait donc pas. Aujourd’hui, la situation tend à s’étendre à d’autres couches de la population.

Mais le mécanisme est le même: désengagement de l’État et des autorités locales, privatisation des services marchands des services publics, endettement et, donc, suppression progressive des aides sociales. Avec cela: compression du personnel, fermeture des usines, chômage endémique, crise des subprimes, politique agricole, il y a donc, aujourd’hui, faute de revenus, des localités et des quartiers, voire des grandes villes, en faillite et en décrépitude totale.

Et le même phénomène se constate au niveau mondial : mainmise du privé sur les services publics et endettement abyssal.


Article initialement publié sur le blog Des bassines et du zèle

A lire aussi: un dossier complet sur les bidonvilles : Histoire des bidonvilles

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Entre SDF et mal-logés, un constat pour le moins alarmant http://owni.fr/2011/02/15/entre-sdf-et-mal-loges-un-constat-pour-le-moins-alarmant/ http://owni.fr/2011/02/15/entre-sdf-et-mal-loges-un-constat-pour-le-moins-alarmant/#comments Tue, 15 Feb 2011 14:50:48 +0000 Aymeric Pontier http://owni.fr/?p=46780 Dans le cadre de mon cursus universitaire, j’ai réalisé un stage de fin d’études au sein d’un des plus grands bailleurs sociaux de France, ce qui a donné lieu à l’écriture de mon mémoire sur “L’appropriation du développement durable par les bailleurs sociaux“. Pour ce faire, j’ai du me lancer dans de nombreuses recherches sur les problèmes de logement en France, et les réponses apportées par les pouvoirs publics au fil du temps. Très vite, j’ai vu que le logement était victime de ces vilaines petites manies bien de chez nous : rigidité administrative, évaluation très insuffisante des politiques menées, et surtout une effervescence législative démentielle !

Abondance de lois mais aucun impact sur le logement

Honnêtement, je ne suis même pas arrivé à faire une liste complète de toutes les lois votées sur le sujet, qui se sont empilées les unes sur les autres. Depuis que le logement est devenu un sujet politique (il y a environ un siècle et demi), le rythme de l’ingérence publique n’a fait qu’augmenter, et depuis les années 1990 nous sommes passés à une nouvelle loi tous les un ou deux ans en moyenne… soit à chaque changement de ministre en gros. L’accès au logement est l’un des domaines privilégiés de la législation émotionnelle à répétition, à l’instar de la folie sécuritaire. Pour autant, les difficultés liées au logement ne se sont pas arrangées. Dans son rapport 2011 sur le mal-logement, la Fondation Abbé Pierre a dressé un constat assez édifiant :

Dans une société aussi organisée et riche que la nôtre, et sensée par ailleurs être “solidaire“, on se demande comment il est possible qu’1% de la population soit privé de domicile personnel, et qu’il y ait plus de 130 000 personnes vivant dans la rue. Surtout pour un pays dont les dépenses publiques s’élèvent désormais à plus de 1000 milliards d’euros chaque année !

Tout d’abord, il ne faut pas perdre de vue le fait que les situations des sans-domicile sont très hétérogènes. Dans son rapport annuel (2009), l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS), chargée du contrôle et de l’évaluation des politiques publiques de la sécurité sociale, a dressé une liste des différentes catégories (page 51) :

le «clochard», tel que le sens commun l’entend, qui subsiste très minoritairement, sédentarisé ou non, le «travailleur pauvre», employé ou ouvrier en emploi précaire, le «jeune» en rupture familiale ou issu d’une prise en charge institutionnelle (aide sociale à l’enfance, protection judiciaire de la jeunesse), les personnes en souffrance psychique ou à comportements addictifs, les étrangers dépourvus de titre de séjour, installés en France ou en transit, les anciens détenus, et les familles avec enfants expulsées de leur logement (un quart des personnes sans abri est accompagné d’enfants…).

La catégorie la plus représentée est celle des étrangers sans titre de séjour, pourchassés qui plus est par la politique menée en matière d’immigration. Si l’on s’en tient aux seuls sans domicile francophones présents en France qui ont pu être enquêtés par l’INSEE en janvier 2001, la part des étrangers serait de 29 %, soit une proportion quatre fois plus élevée que dans l’ensemble de la population française. Voici l’étude INSEE la plus récente sur le sujet.

Le rapport de l’IGAS permet d’en savoir plus sur la politique menée pour venir en aide aux sans-domicile:

En premier lieu des moyens dédiés à l’hébergement. L’hébergement d’urgence (près de 27 000 places) offre un abri, un diagnostic, une orientation. L’hébergement de stabilisation est destiné aux personnes pour lesquelles une insertion professionnelle n’est pas prévisible à brève échéance (près de 8 000 places). L’hébergement d’insertion accueille les personnes ou les familles qui connaissent de graves difficultés, notamment économiques, familiales, de logement, de santé ou d’insertion, en vue de les aider à accéder à une autonomie personnelle et sociale ou à la recouvrer (30 000 places). À côté de ces dispositifs dédiés, les deux tiers environ des logements conventionnés à l’aide au logement temporaire (soit 15 500 logements) accueillent des personnes en attente d’un logement durable. Les places d’hébergement et de logement adapté sont financés principalement par l’État, pour un budget d’environ 800 millions d’euros.

(page 6 du rapport de l’IGAS)

De fait, il n’y a donc pas assez de places pour tout le monde…
Mais encore faudrait-il que les sans-domicile profitent des places existantes ! Selon les secteurs, ce n’est pas toujours le cas. Notamment, parce qu’il est difficile de connaître avec précision les besoins à un endroit donné, ou les profils des personnes concernées. La dernière enquête détaillée de l’INSEE date de 2001, et il n’y en aura pas de nouvelle avant 2012. En clair, la politique n’est pas assez adaptée. Dans son rapport, l’IGAS fait de nombreuses propositions pour améliorer l’efficacité des dispositifs, elle pointe du doigt des structures en trop grand nombre et demande à ce qu’elles soient fusionnées, ou à défaut que les efforts soient davantage coordonnés.

Des logements sociaux pour ceux qui n’en ont pas besoin

Parfois, pour améliorer la situation, il suffit de choses très banales, telles que la simplification de la demande de logement social, par exemple. L’IGAS précise qu’il a fallu attendre l’année 2009 pour que des fichiers communs à tous les bailleurs soient mis en place, ce qui est tout de même la moindre des choses ! Mais bien plus grave, apparemment, le passage des centres d’hébergement d’urgence aux logements sociaux n’est pas aussi aisé qu’on pourrait l’espérer…

A la page 71, l’IGAS résume la situation :

En fait, un accès plus fluide des personnes hébergées aux logements «très sociaux» supposerait notamment que le taux de rotation des personnes occupant des logements de ce type puisse être accéléré, et cette accélération passe elle-même par un accès plus aisé au logement social, qui nécessiterait à son tour que les sorties du parc HLM vers le locatif privé soient plus nombreuses : c’est en définitive toute une chaîne dont il conviendrait de modifier le fonctionnement. Une partie majeure de l’offre de logement social est financièrement inaccessible à ces personnes, qui ne peuvent souvent prétendre qu’à un niveau de loyer très social, alors même qu’elles représentent environ 80 % des demandeurs de logement social

Ubuesque, les logements sociaux sont trop chers pour les pauvres.

Dans un billet éclairant, Vincent Bénard expliquait il y a déjà deux ans que : 2,25 millions de ménages qui ne devraient pas avoir besoin d’aide publique pour se loger occupent un logement aidé. Pour rappel, il y a environ 4,2 millions de logements sociaux en France. En résumé : Plus de la moitié des logements sociaux sont occupés par des gens qui n’y ont pas leur place. Pire, il y aurait 50 000 ménages parmi les plus riches, gagnant entre 11 200 à 13 500 euros par mois, qui occuperaient actuellement des HLM.

Dans une étude comparative, l’OCDE précise pourtant que : “Les systèmes de logement social qui sont orientés vers ceux qui sont le plus dans le besoin semblent atteindre leurs objectifs à un coût moindre que des systèmes moins ciblés“. Donc, non seulement les logements sociaux ne bénéficient pas à ceux qui en ont le plus besoin, mais en plus ce choix économique coûte plus d’argent ! Vous l’aurez compris, l’une des principales urgences serait de demander aux ménages les plus riches, mais aussi à la classe moyenne, de quitter les logements indûment occupés.

De plus, j’estime qu’il faudrait enfin songer à regrouper les différents organismes HLM publics : il y en a près de 300 en France, soit une moyenne de 3 par département. Pour les départements les plus peuplés, comme le Nord, pourquoi pas. Mais pour les zones quasi-désertiques, franchement ?

Et dans le privé? Prix exorbitants et faible pouvoir d’achat des plus pauvres

Mais si tous ces gens, sensés avoir les moyens de se loger dans le privé, préfèrent opter pour un logement social, c’est aussi parce que se loger coûte bien trop cher. Le marché de l’immobilier en France souffre d’un important problème d’offre, et depuis longtemps, qui ne parvient pas malgré toutes les incitations fiscales possibles et imaginables à satisfaire la demande.

Sans faire dans le simplisme béat ni dans l’exagération inutile, il n’y a nul besoin d’aller chercher bien loin pour en comprendre les raisons principales : la réglementation qui restreint les nouvelles constructions dans des zones bien précises, généralement celles qui en ont le plus besoin. L’interdiction de construire en hauteur est la difficulté majeure : elle limite le nombre de logements dans les grandes villes, et donc les prix s’envolent. Et en plus elle pousse à une extension urbaine destructrice d’écosystèmes ! Je croyais qu’on était passés à une société de développement durable ? Il est temps de supprimer ces interdictions, généralement prises sous des prétextes obscures, et d’un soi-disant “intérêt général” qui n’est jamais défini. Certes, les grandes villes seront plus denses. Et alors ? Il faut savoir si on veut offrir un logement pour tous ou pas…

Il ne faut pas oublier non plus les problèmes sempiternels de la France : un chômage de masse depuis 30 ans qu’aucune politique publique n’est parvenue à endiguer (cas unique dans les pays de l’OCDE) et une fiscalisation qui détruit le pouvoir d’achat des français les plus pauvres, un système de subventions et de réglementations incompréhensible du fait de sa complexité et de la multiplication des acteurs en charge, l’idéologie de la conservation du patrimoine qui pousse à sauvegarder précieusement le moindre morceau de pierre, etc etc…

Bien que le rapport de la Fondation Abbé Pierre soit indispensable pour connaitre la situation du mal-logement en France, en revanche certaines des propositions qu’elle avance pour résoudre la crise en cours laissent à désirer, tant cela serait en réalité contre-productif, en particulier en ce qui concerne un renforcement du “contrôle des loyers”. Toutes les études et enquêtes ont montré, depuis des décennies, que le contrôle des loyers n’a que deux fonctions : l’augmentation du coût des loyers dans les logements non contrôlés et la diminution des constructions nouvelles, du fait de la crainte des propriétaires de perdre de l’argent. Bref, tout le contraire de l’objectif fixé.

En définitive, la crise du mal-logement est l’un de ces sujets de société auquel des réponses simples, rapides et efficaces pourraient être apportées. Mais le choix du conservatisme et des intérêts en place fait qu’elles sont sans cesse repoussées. De fait, il y aura encore des sans-domicile dormant dans la rue pendant un sacré bout de temps. Jusqu’à quand ?

Billet publié initialement sur Singularité et Infosphère sous le titre Comment résorber la crise du logement?

Illustrations Flickr CC Damien Roué, Marc Donnadieu

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L’allocation universelle, piste inexplorée pour l’égalité des chances http://owni.fr/2011/02/08/lallocation-universelle-piste-inexploree-pour-legalite-des-chances/ http://owni.fr/2011/02/08/lallocation-universelle-piste-inexploree-pour-legalite-des-chances/#comments Tue, 08 Feb 2011 15:34:56 +0000 Carole Fabre (Izine) http://owni.fr/?p=37952 Le revenu de vie, c’est une allocation universelle, d’un montant égal, versée à tout le monde, riches, moins riches, pauvres, très pauvres, de la naissance à la mort, indexée sur la richesse du pays. Ce processus à mettre en route est nécessaire pour passer en douceur les changements en cours. Non, c’est nécessaire, pour être enfin acteurs des changements obligatoires qui sont en cours. Si nous ne voulons pas subir, mais déployer tout notre potentiel d’acteurs, il est temps que les citoyens s’emparent de ce projet.  

Le revenu de base a été pensé dès le 18ème siècle, même si on en retrouve des traces bien avant. Mais c’est surtout au 20ème siècle que des économistes théorisent le concept. La machine ayant remplacé tellement d’ouvriers et la production étant devenue si abondante, il était évident que cette idée refasse surface. Qu’allait-on faire des pauvres et des sans emplois ? On pouvait déjà discerner le piège qu’allaient devenir les aides octroyées aux plus démunis, engendrant l’assistanat et la trappe à pauvreté.

A court d’idée dans une économie à bout de souffle

Aujourd’hui, en Allemagne, en Suisse, en Namibie, en Amérique Centrale, au Brésil, et dans de nombreux pays, des gens de tous bords réfléchissent ensemble à comment mettre en œuvre cette allocation. Des expérimentations sont en cours. En France, nous y réfléchissons aussi. Même si c’est encore passé sous silence dans de nombreux partis politiques, ils l’ont presque tous dans les cartons. Et pourquoi donc ? Parce qu’ils savent que ce sera une des solutions primordiales quand il n’y aura plus d’autre solution. Et pourquoi ils ne le font pas avant ? Parce qu’ils ont peur ?… Oui, c’est ce que nous pouvons croire : peur, car il faut faire un énorme effort de pédagogie pour rallier les citoyens à cette nouvelle façon de concevoir le revenu, et là, ce n’est pas très bon pour les élections, où, croient-ils encore, il faut, pour ramasser des voix, plaire à l’idiot peuple.

Les changements sont inéluctables. Nos modes de vie, notre économie, tout est à bout de souffle. Tout le monde le dit, le répète, le redit, nous le savons tous maintenant ou alors faut-il vraiment être aveuglé, complètement sourd et exsangue du neurone. Il est vrai que certains économistes, certains écologistes, certains penseurs ne sont pas invités sur les plateaux télé, mais tout de même … Qui ne sait pas que si on continue comme ça, on va droit vers une vie pas rigolote du tout pour un très très grand nombre de gens… Et c’est déjà le cas depuis pas mal de temps, on s’en rend compte maintenant, c’est déjà bien. Nous avons encore un laps de temps dont il faut profiter, maintenant, pas demain !

Il y a énormément de choses à changer, tant d’aspects de nos vies, car tout est imbriqué et nous nous sentons souvent bien impuissants. Pour le moment, la majorité de « nos politiques » font la sourde oreille, font comme si les vieilles méthodes allaient apporter des solutions à des problèmes nouveaux. Ils nous rabâchent comme credo le plein emploi et la croissance, « nous allons réduire le chômage » et bla bla bla … on connait la chanson. Ce n’est pas à coup d’emplois jeunes, d’emplois seniors, de RSA, de pansement sur l’emploi, emploi qui ne peut plus exister pour tous et/ou convenablement pour tous, que ça va s’arranger. Notre système actuel est mort et nous mourrons avec, soit sans emploi, soit avec un emploi précaire, ou un emploi détestable … sauf pour certains « chanceux » … mais même pour un chanceux tout seul, cela va devenir difficile…

Dissocier le revenu du travail, pas facile mais nécessaire

Pour appliquer de nouveaux remèdes à des problèmes nouveaux, il faut faire un saut dans ses méninges, sortir du cadre, sortir du bocal, d’ailleurs le verre du bocal est tellement sale qu’on n’y voit plus rien. Il faut déjà nettoyer et ensuite sauter hors du bocal. Avouons, oui, avouons donc que le rêve du plein emploi salarié est fini, terminé, plié, on oublie. Le chômage est structurel et fait parti de ce système moribond. Avouons, donc, oui, avouons, que ce n’est pas la faute du méchant chômeur, du méchant « RSAïste », le méchant qui ne veut pas travailler, qui coûte des sous à la collectivité, à ceux qui se lèvent plus tôt le matin pour travailler plus, pour gagner plus, pour faire augmenter le PIB, pour faire tourner notre fabuleux système. Non mais, peut-on encore y croire ? Pouvons-nous vraiment adhérer à cette vision de la société ? Non, plus aujourd’hui. Non, ce n’est vraiment pas comme cela que ça se passe, nous pouvons en être sûrs : il n’y a pas 4 millions de chômeurs méchants fainéants, non, non, nous ne pouvons plus croire à ces fariboles.

Il est donc urgent de faire un saut dans nos têtes, de dissocier le revenu de l’emploi. Aïe, pas simple, mais nécessaire. Retirons le grand voile d’illusion, cette idéologie inculquée depuis fort longtemps qui consiste à penser que, hors du travail, point de salut. Essuyons la sueur de nos fronts. Notre pain quotidien, nous pouvons tous en profiter, avec la richesse que nous produisons et que nous continuerons à produire. C’est juste que la richesse n’est pas partagée, c’est tout. La richesse, elle y est, et oui. Quoi ? On ne nous l’avait pas dit ?

Nous croyons qu’il n’y a pas assez d’argent pour donner un revenu à tout le monde qui subvienne à nos besoins primordiaux. Mais non, pas du tout, l’argent est là.

Satisfaire les besoins primaires avec un revenu suffisant

Nous héritons de la richesse créée par la nation, et le fruit de nos travaux continuera à alimenter le financement du revenu de vie. Quoi, nous allons arrêter de travailler parce que nous avons un revenu de base ? Mais, non, voyons, bien au contraire, un revenu de base décuplera nos envies et notre enthousiasme pour créer et penser une société plus égalitaire et viable à long terme. Nous allons avoir besoin de la force et de l’intelligence de chacun pour effectuer les changements utiles à tous. Le revenu de vie nous donne cette occasion unique de (re)trouver notre capacité d’acteur, chacun dans ses compétences, dans ses envies. Et pour les métiers les plus durs, ingrats, ils pourront n’être effectués que quelques heures par semaine … Mais qui va faire le sale boulot, ben oui, qui ? Si c’est convenablement rémunéré, réfléchissons, qui ? Tous ceux qui auront envie de gagner un peu plus de pouvoir d’échange commercial ou bien tous ceux qui jugeront que c’est utile, nécessaire.

Nous n’avons pas encore toutes les réponses aux questions que soulève et soulèvera le revenu de vie. C’est en le testant, en le mettant en application, que nous pourrons ajuster, et résoudre éventuellement des problèmes nouveaux.
L’important, quand le revenu de vie sortira de l’ombre -et il verra le jour, c’est que nous, citoyens, contrôlions sa mise en œuvre. Le plus grand danger serait de donner un revenu insuffisant aux besoins primordiaux. Dans ce cas là, ce serait plus déstabilisateur qu’autre chose. Il est possible de concevoir une mise en route progressive, mais attention, le revenu devra atteindre rapidement une somme suffisante pour se nourrir, se loger et se chauffer. Ce n’est qu’à cette condition, que nous aurons le pouvoir de notre émancipation. Ce n’est qu’à cette condition, que chacun relèvera la tête pour être acteur de sa vie et acteur de la société qu’il contribue à créer.

Si vous êtes interpellés par cette proposition, voici une série de liens pour approfondir, vous verrez que de plus en plus de gens se mobilisent pour faire passer ce message plein d’espoir. Plus nous serons nombreux à nous emparer de cette solution, à la divulguer, à en parler à notre entourage, plus nous pourrons faire pression sur nos gouvernements pour qu’ils l’instaurent.

Et n’oubliez pas, d’aller signer la pétition, c’est par là

Liens
Allocation Universelle sur Wikipédia
Un bon article récent de Frédéric Bosqué avec une multitude de liens à explorer à la fin (Agoravox)

Articles, vidéos, tweets
Paper.li Revenu de vie
Dossier sur Scoot.it
Groupe Facebook
Recherche Twitter Revenudevie

Si vous souhaitez en savoir plus sur « notre profession de foi », les sujets abordés, cliquez-ici

Billet publié initialement sur IZine sous le titre Revenu de vie, soyons acteur du changement

Illustration Flickr CC Eworm ; TheGiantVermin ; Dennis Wilkinson.

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http://owni.fr/2011/02/08/lallocation-universelle-piste-inexploree-pour-legalite-des-chances/feed/ 13
Le problème jeune, cache miséreux de la société française http://owni.fr/2011/01/10/le-%c2%ab%c2%a0probleme-jeune%c2%a0%c2%bb-cache-misereux-de-la-societe-francaise-precarite-jeuness/ http://owni.fr/2011/01/10/le-%c2%ab%c2%a0probleme-jeune%c2%a0%c2%bb-cache-misereux-de-la-societe-francaise-precarite-jeuness/#comments Mon, 10 Jan 2011 15:53:05 +0000 CSP (Comité de salut public) http://owni.fr/?p=37553 Moitié-moitié : c’est ce qu’on se dit après la lecture de cette tribune du sociologue Louis Chauvel sur la jeunesse sacrifiée. Moitié diagnostic juste, moitié à côté de la plaque concernant les responsables réels de ce sacrifice et quant aux solutions proposées. Comme si le chercheur avait commencé à voir juste sans aller jusqu’au bout de sa propre logique, en reculant en quelque sorte sur les pistes de réflexion pourtant évidentes pour sortir et le d’jeunz et les autres aussi de l’effroyable merdier dans lequel nous ont précipité trente années de délire néolibéral.

Quels sont les symptômes de ce mal-être collectif ? Les plus visibles relèvent des difficultés de la jeunesse. Nous le savons, trente-cinq ans après l’extension du chômage de masse, la jeunesse a servi de variable d’ajustement. Chômage record, baisse des salaires et des niveaux de vie, précarisation, développement de poches de travail quasi gratuit (stages, piges, free-lance, exonération de charges, etc.), nouvelle pauvreté de la jeunesse, état de santé problématique et faible recours aux soins, absence d’horizon lisible.

Pourtant, il semble bel et bien que ce ne sont pas des gouvernements de gauche – ou en tout cas de vraie gauche, s’entend bien – qui ont construit ce drame collectif, mais des « élites » toutes massivement converties à l’économie de marché ; Louis Chauvel n’en parle pourtant pas, ou en tout cas n’adopte pas cet angle et trouve à déplacer le centre du problème non sur la réalité d’une classe exerçant une férule sans partage ni pitié sur une autre, mais construit une opposition générationnelle jeunes Vs. vieux qui déplace complètement la question.

Le « jeune » est partout… et donc nulle part!

Puisque ce n’est pas seulement pour les jeunes que l’avenir est sombre, mais pour ainsi dire tout le monde, exceptés bien entendu ceux qui profiteront largement de l’aliénation généralisée en chantier actuellement. Le sociologue choisit de se focaliser sur une classe d’âge spécifique, les « jeunes », pauvres, et les oppose à des « vieux » baby-boomers censés êtres nantis et doté d’un patrimoine conséquent notamment immobilier en ayant l’air d’oublier qu’avant que d’être une histoire d’âge, la domination se construit d’abord par rapport au statut social : un « jeune » précaire et un « vieux » à retraite minable ont plus en commun qu’un « jeune » sorti de grandes écoles et qui bénéficiera du réseau des « vieux » – ses parents et leurs connaissances – pour se placer à un poste valorisé et valorisant.

La construction de l’objet « jeunes » est de plus, outre son caractère spécifiquement occidental – au Pakistan, on a pas le temps d’être « jeune », on est à l’usine à 10 ans pour fabriquer des ballons de foot -, m’a toujours posé souci dans la mesure où précisément, quand on y regarde de plus près elle n’est que cela : une construction générique fallacieuse recouvrant des réalités et des vécus extrêmement disparates. Le « jeune », en fait, ça n’existe pas. La « jeunesse », si elle est une tranche d’âge commune à une multitude ne rassemble pas pour autant ni les mêmes personnes ni les mêmes destins sociaux.

Le seul vécu commun des jeunes : subir le pire que la société a à offrir

Non pas cependant qu’il ne faille pas se préoccuper du sort de cette classe d’âge qui fait partie, c’est incontestable, de ceux qui sont et seront les plus durement frappés par la saloperie en cours et sur ce point aussi Louis Chauvel tape juste.

Par-dessus tout, une frustration générale envahit les esprits devant l’accumulation des promesses non tenues : celle du retour au plein-emploi grâce au départ à la retraite des premiers-nés du baby-boom (rapport Teulade de 1999), de meilleurs emplois par la croissance scolaire, dans un contexte où le travail seul ne permet plus de se loger. Il s’ensuit une colère, voire une haine, qui se détecte clairement dans la jeunesse de 2010 et que le mouvement sur les retraites a paradoxalement canalisée.

Haine qui malheureusement, devant l’absence de débouché progressiste, peut très bien décider de se canaliser électoralement vers ceux et spécifiquement celle qui leur fournira les réponses les plus simplistes. Puisque comme le dit Eric Coquerel du Parti de gauche, on ne peut effectivement qu’être « inquiet de voir «des gens touchés par la crise, aspirant à des ruptures et des bouleversements» mais «qui ne font plus la distinction entre la gauche et la droite». «Ils peuvent, dit-il, être séduits par une alternative cauchemardesque»
(J’aurais évidemment préféré trouver cette phrase dans la bouche d’une personne du NPA, mais il est vrai que nous sommes terriblement occupés actuellement à débattre démocratiquement dans le respect de la parole de chacun afin que toutes les tendances puissent s’exprimer…)

Là où Louis Chauvel se plante, et sévèrement, c’est par la construction de son opposition entre « jeunes » et « vieux », car même si le poids démographique d’une population vieillissante pèse de plus en plus lourd politiquement parlant, et contribue, de fait, au « caractère profondément conservateur, rentier, de la société française dans son entier » – l’ambiance de conservatisme réactionnaire qui traverse tout le corps social trouve là une grande partie de son explication : les vieux regardent TF1 et flippent et ils votent en fonction de ce ressenti…-, les grands coupables de cette situation ne sont au final pas tous les « vieux » mais certains « vieux » : ceux qui possèdent le plus de patrimoine, immobilier entre autres, et comme par hasard possèdent aussi les moyens de productions.

Quand taxerons-nous les vieux rentiers ?

Quoi de commun entre Liliane Bettencourt (88 ans), Ernest-Antoine Sellière (73 ans), Serge Dassault (85 ans), et leur équivalents en âge qui croupissent dans ces mouroirs que son les maisons de retraites ? Et si vous voulez voir une belle brochette de baby-boomers et autres sémillants quinquas – sexas pas vraiment inquiets pour leurs retraites, c’est très simple : regardez les dates de naissance du conseil exécutif du MEDEF

La véritable opposition, le noeud du conflit, il se trouve dans des vieux bourgeois contre des jeunes déclassés ET tous les autres aussi…

Du coup, cette analyse déplace également les propositions à faire pour rééquilibrer la balance puisque si on ne peut nier l’urgente nécessité d’une politique du logement ambitieuse et particulièrement volontariste – allant jusqu’à confisquer les logements inoccupés à ceux qui refusent de les mettre sur le marché en préférant spéculer dessus (oui, ça sera une atteinte atroce au droit de propriété, en effet, le totalitarisme vous dis-je), il ne semble pas sot de se dire que ces vieux là, qui effectivement possèdent tout et refusent catégoriquement désormais de même laisser des miettes – rupture du « contrat fordiste » et recherche frénétique de la maximisation des profits -, il ne semble donc pas complètement aberrant que de vouloir les mettre à contribution et ce, disons, lourdement…

C’est en ce sens que Louis Chauvel, malgré des prémisses intéressantes, se trompe d’objets de défiance, mais il est vrai que tout ce qui précède est en effet quelque peu « marxiste » en effet ; et n’est-ce pas, le marxisme et ces 15 milliards de morts, on aura pas la vulgarité de l’employer en sociologie.

Billet initialement publié sur le blog Comité de salut sous le titre Le problème n’est pas là.

Photo FlickR CC slworking2 ; The US National Archives.

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Noël, ce mal nécessaire http://owni.fr/2010/12/24/noel-ce-mal-necessaire/ http://owni.fr/2010/12/24/noel-ce-mal-necessaire/#comments Fri, 24 Dec 2010 12:03:18 +0000 Agnès Maillard http://owni.fr/?p=39761 Faut pas croire, mais moi aussi j’aime bien les arbres morts qui clignotent dans la nuit pendant que les braves gens se font péter la panse de goinfrailles pas forcément très bonnes, mais assurément très caloriques et dispendieuses. J’aime bien la foire d’empoigne devant le dernier boudin blanc oint du souvenir du parfum de la réplique chimique de la truffe noire du Périgord.

J’aime bien pipeauter ma naine à fond, à lui expliquer que le cinquième gars en bottes d’équarrissage qui a des touffes de cheveux noirs qui s’échappent de la houppelande légendaire est un assistant du père Noël, le vrai, le beau, celui qu’on ne voit jamais, hélas, et qui a une étrange tendance à plus filer de jolis cadeaux aux gosses de bourgeois qu’aux seuls enfants sages… surtout si les parents de ces derniers rament au RSA.
Bref, faut pas me faire passer pour ce que je ne suis pas. J’ai l’esprit très fêtes, si, si.

Remember Shining

J’adore la quinzaine commerciale, ses vitrines barbouillées de dessins qui se voudraient naïfs et qui sont surtout niais, ses fausses promotions sur de faux produits de luxe et sa musique ! Ha, la musique de Noël ! À elle toute seule, elle mériterait un poème cousu main, avec ses clochettes tintinnabulantes, les trilles joyeux de ses violons échevelés et ses petits refrains entraînants entonnés en chœur par les orphelins de la police montée de Québec… ou d’ailleurs. Tout humain neurologiquement sain plongé plus de 15 minutes dans un flot sirupeux de musique de Noël devient nécessairement un tueur en série. Remember Shining. Et soyez circonspects et méfiants envers ceux de vos concitoyens dont le travail les exposent à cette nuisance auditive sept heures par jour, pendant beaucoup trop jours pour rester honnêtes.

Le top mercantile de Noël, j’y ai eu le droit, du temps de mon enfance parisienne, avec les vitrines animées du boulevard Haussman, leurs automates à la précision suisse, leurs décors disnéyens et leurs avalanches de paquets cadeaux vides, mais brillants.
Si tu n’es pas allé au Printemps à Noël, tu as raté ton enfance. Et c’est tout.
Le Printemps et son sapin géant qui perce les étages dans une débauche de guirlandes lumineuses de nature à mettre la centrale de Golfech à genoux. Le Printemps et son escouade d’une bonne quinzaine de vrais pères Noël qui paparazzient les trolls émerveillés à chaque coin de rayon. Le Printemps et son attelage de rennes qui annonce l’hiver et la pluie de cadeaux.
Et la naissance du petit Jésus, itou.

La crèche et son petit Jésus schtroumphisé par le froid

Parce que le top du top, c’est quand même la crèche vivante de la petite église de montagne perdue à flanc de Tarentaise, avec son petit Jésus schtroumphisé par le froid, sa Marie-couche-toi-là dont les talons à bascule ont fait la joie des petits gars de la vallée l’été dernier, son Joseph-Pernod-Ricard et son cheptel bien de chez nous qui réchauffe la chapelle d’un pet bruyant en plein sermon. Ça, c’est quelque chose. C’est le versant religieux et traditionnel de la chose. C’est le chœur céleste des angelots de la chorale du bled dont la voix haut perchée est un ascenseur pour le ciel. C’est même héroïque, comme l’année où le chasse-neige n’est pas passé à temps et où il a fallu coller la mère Michèle sur le capot de la Deuche pour pouvoir se tracter dans la poudreuse jusqu’à la messe de minuit, un peu plus haut dans la pente, à travers les chemins de chèvres que les torrents furieux défoncent au printemps. Ben oui, une Deuche, ça passe partout, pourvu qu’on lui leste bien les amortisseurs avant, parole de fille des montagnes!

Mais plus que tout cela, ce que je préfère dans l’esprit de Noël, c’est le grand repas de famille du réveillon, un pur moment de bonheur scintillant et gargantuesque que certains préparent à grands shoots d’anxiolytiques plus d’un mois à l’avance. Dans la série des grandes réunions familiales où tu peines à te faire porter pâle, tu as les mariages, les enterrements et le réveillon de Noël. Le réveillon a cela de bien que l’on sait à l’avance quand tombe le verdict, ce qui fait qu’on a tout loisir de s’y préparer aussi bien que pour le marathon de New York. Et puis, surtout, on est certains de ne pas devoir s’en enquiller plus d’un par an.

Jamais sans mon Prozac

Régime pré-Noël.

Déjà, quand j’étais gosse, c’était sportif à organiser, à commencer par le plan de table, grand moment de diplomatie gastronomique, où il convenait de ne pas attiser les vieilles vendettas dont l’origine se perd dans la nuit des temps des cavernes et dont la fin devrait transcender la vibration rauque de la dernière des trompettes du jugement dernier. Venait ensuite le choix du menu, avec sa farandole de plats qui devait témoigner à coup sûr de l’opulence et de la générosité de celui qui recevait sur son terrain. Sans oublier la portion régime de tata Georgette dont le cholestérol ne tolérait même plus la trêve des confiseurs. Et pour finir, le casse-tête des cadeaux, encore qu’avant la loi Évin, c’était tout de même nettement plus fastoche qu’aujourd’hui : cendriers, briquets et bonnes bouteilles et le tour était joué.

De nos jours, avec les familles recomposées, on a juste ajouté un peu d’équations du second degré dans l’organisation des migrations vespérales. C’est le Noël alternatif. On voit les gosses un Noël sur deux. Il ne faut donc pas se planter dans la liste des cadeaux, sinon, ça va charcler au pied du sapin le lendemain matin.
C’est beau la modernité.
Même si le point d’orgue sera une digestion quelque peu difficile devant un quelconque bêtisier de Noël sur écran plat 16:9 Full HD, les neurones nécessairement au repos pendant que l’estomac bataillera sous sa ligne de flottaison.

Pourtant, on en redemande…

Mais en fait ce que l’on préfère dans Noël, c’est qu’il existe. Même si les jouets vus à la télé sont d’une mochitude confondante dans la lumière pâle des petits matins blêmes. Même si la bouffe coûte un bras, pèse sur l’estomac et creuse le déficit de l’année qui s’annonce. Même si la moitié des convives fait la gueule et que l’autre fait semblant de passer un moment inoubliable. Même si la déco est plus clinquante que le bal de l’Élysée, version Sarko. Même si on ne sait jamais quoi offrir à ceux que l’on aime et que l’on sait encore moins recevoir. Même toute cette joie forcenée, tout ce gaspillage ont quelque chose de profondément pathétique.
On adore ça.
Et on en redemande.

Parce que pire que les conneries de Noël, c’est un Noël sans conneries.
Un Noël de petit nombril du monde.
Le moment précis où l’on mesure l’importance des réseaux. Pas les réseaux sociaux virtuels d’Internet sur lesquels le soleil ne se couche jamais.
Non, nos réseaux d’appartenance, ceux qui font qu’on est un humain parmi les humains, même si c’est souvent chiant et étouffant.

Car Noël bat la mesure de notre appartenance à l’humanité

Familles, je vous hais. Mais au moins, vu avez le mérite d’exister, de donner de la substance, un substrat à ma colère.
Saint-François-d’Assise prônait la pauvreté à ses disciples. Pour nous, la pauvreté, c’est ne rien posséder, à peine sa carcasse. À l’époque de Saint-François, la pauvreté avait un autre sens, bien plus profond, finalement. Les gens, dans leur grande majorité, vivaient de peu et possédaient encore moins. Ce qui faisait la valeur d’une personne, c’était son appartenance à un groupe, à une communauté, voire à plusieurs réseaux. On existait comme le fils de, le voisin de, le membre de telle guilde, l’habitant de tel village. Le pauvre, c’était le pauvre hère, le vagabond, celui qui n’a d’attaches nulle part, celui dont personne ne pouvait dire qu’il le connaissait. Celui qui n’appartenait à aucun groupe, on pouvait le chasser, le maltraiter, le dépouiller : il n’était protégé en rien, par rien et par personne.

Alors oui, il est de bon ton de détester Noël, ses pacotilles, son fatras de bonnes intentions coulées dans un océan de mercantilisme, mais comme tous les rites collectifs, il bat la mesure de notre appartenance à l’humanité. À une toute petite part de cette humanité. Peut-être pas la meilleure, mais sûrement pas la pire.

Parce que la pire des pauvretés, finalement, c’est de ne compter pour personne.

Photos CC Flickr masatsu (bûche), Stéfan (vendeuse et crèche), nirbhao (Prozac) et g.h.vandoorn (tablée)

Une CC Loguy pour OWNI /-)

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Vida de mierda, comida de mierda, cuerpos de pobres (s) http://owni.fr/2010/04/11/vida-de-mierda-comida-de-mierda-cuerpos-de-pobres-s/ http://owni.fr/2010/04/11/vida-de-mierda-comida-de-mierda-cuerpos-de-pobres-s/#comments Sun, 11 Apr 2010 14:29:25 +0000 Laurent Chambon, traduction Ney Fernandes http://owni.fr/?p=11993
Impressionné par la qualité de l’article de Laurent Chambon “Vie de merde, bouffe de merde, corps de pauvres”, publié d’abord sur Minorités et qu’il a découvert sur Owni, Ney Fernandes l’a traduit en espagnol. Pour le remercier, c’est simple : partagez cette analyse avec vos amis hispanophones !

Laurent Chambon, doctor en ciencias políticas y cofundador de la revista Minorités, reflexiona sobre los orígenes de la pandemia de obesidad observada en Estados Unidos y su aparición en Francia. Este fenómeno es ante todo el síntoma de una sociedad profundamente desigual.

Cada vez que voy al suburbio donde crecí, el 91 [suburbio parisino, Essonne], varias cosas me impresionan: (1) todo está muy limpio y hay flores por todos lados, a pesar de los automóviles incendiados, (2) las zonas comerciales al estilo estadounidense (tiendas/galpones construidos de prisa alrededor de un estacionamiento) reemplazan los últimos bosques, (3) se ve que la gente tiene cada vez menos dinero y los supermercados han eliminado los productos más caros para ofrecer apenas lo más barato, (4) la fealdad comercial y la precariedad de los letreros publicitarios omnipresentes son extremas y (5) hay mucha gente muy gorda por todos lados. Más que gorda. Obesa, en realidad.

Hace cuatro años viajé a Detroit para mezclar mi primer disco. Allí, la fealdad estructural de la ciudad y la obesidad de la gente formaban parte del exotismo. Pero en mi casa, en el 91, la violencia de esa pobreza cultural y visual mezclada con la epidemia de obesidad me dejó pasmado. Mientras digería mi decepción encontré varios libros y artículos sobre alimentación, obesidad, clases sociales y revolución verde. Como siempre, hay que saber separar el trigo de la cizaña, por más difícil que sea.

Una de las teorías en boga en el norte de Europa es que la obesidad es una enfermedad mental. Una especie de anorexia al revés, mezclada con hábitos propios de una adicción, cierta debilidad moral y disfunciones de comportamiento. En vez de dejar que los laboratorios nos engatusen con píldoras mágicas que hacen adelgazar sin ningún efecto secundario, los médicos y sicólogos se dedican a profesar principios de autocontrol y elaborar terapias para impedir que la gente se atiborre como puercos.

Cosa de perezosos

No puedo negar que me produce desazón ver esos turistas estadounidenses obesos en Amsterdam que se hartan de menúes XL de papas fritas, hamburguesas y tortillas mexicanas (que contienen al menos media hoja de lechuga, cómo no), pero que tienen una crisis de asma si les sirven una Coca-Cola normal en vez de la versión dietética que pidieron.

Ver a un obeso comer en exceso es casi tan insufrible como esas campañas de las organizaciones de protección animal con cachorritos infelices encerrados en pequeñas jaulas. Hay algo obsceno en ese atiborramiento de obesos.

Así y todo, aunque nos den ganas de gritar que los estadounidenses son obesos por perezosos y golosos, me pregunto si no habrá una explicación realmente válida. Porque quien ha vivido en Estados Unidos sabe perfectamente que los más pobres son súper delgados o súper gordos. Los cuerpos de los estadounidenses delatan su pertenencia a una clase social, incluso antes que su acento y su ropa. Los ricos tienen cuerpos atléticos y dientes perfectos, los pobres no tienen ni lo uno ni lo otro, y la clase media lucha por limitar los estragos para no parecerse demasiado a los pobres.

Cuando se sabe a qué punto la meritocracia estadounidense es un mito y que tanto la riqueza como la pobreza se heredan, se llega a la conclusión de que debe haber algo más que la voluntad personal que permite a los ricos ser bonitos y obliga a los pobres a ser feos. Por lo tanto, el supuesto de que los gordos son gordos porque son perezosos, por más evidente que ello parezca, no me convence para nada.

Por más que los sicólogos intenten vendernos sus terapias antigula, yo no les creo.

Cosas de clase

Uno de los libros fundamentales de la década, que ya comenté en la edición n.º 10 de Minorités, es The Spirit Level, Why More Equal Societies Almost Always Do Better, de Richard Wilkinson y Kate Picket. El libro da a conocer una relación estadística entre las enfermedades y las desigualdades.

En resumen, mientras más desigual es una sociedad, más sus habitantes son gordos, depresivos y violentos. En las sociedades más igualitarias la gente controla mejor su vida: hay menos criminalidad, menos violencia, menos adolescentes embarazadas, menos violaciones, menos obesidad, menos enfermedades, menos extrema derecha…

Los dos sociólogos ingleses reconocen sin embargo que no pueden explicar en detalle todo el fenómeno: todo indica que las desigualdades son un factor de estrés individual y colectivo que tiene consecuencias dramáticas, pero no encuentran material científico que explique por qué el hecho de vivir en una sociedad desigual produce obesidad.

Pues yo di con un artículo de investigadores –posteriormente citado en Slate– que lograron demostrar algo realmente interesante: la obesidad no tiene una relación directa demostrable con la cantidad de alimentos ingeridos, ni tampoco es la causa de todas las enfermedades que suelen asociarse a los problemas de sobrepeso. En realidad, la obesidad es un síntoma de envenenamiento alimentario.

En pocas palabras, el cuerpo humano se protege de una alimentación de mierda almacenando los elementos que no sabe desintegrar o transformar en la parte externa del cuerpo, en su capa de grasa externa. Mientras más mierda comamos, más grasa repartimos sobre nuestro vientre, nuestros senos y nuestro trasero. Al cabo de unos diez años, cuando el cuerpo ya no logra defenderse y deja de almacenar toda esa basura en su grasa externa, los órganos internos se ven afectados y surgen las enfermedades derivadas de la obesidad.

Nación comida chatarra

En Fast Food Nation, un libro muy bien escrito que devoré de una tirada, Eric Schlosser explica cómo la industrialización de la alimentación en Estados Unidos fue acompañada por el surgimiento de una economía basada en sueldos bajos y de un proletariado ultramóvil y esclavizado a voluntad, y por la construcción de un país desigual donde las infraestructuras financiadas por todos están al servicio de los intereses de unos pocos grupos industriales.

El autor describe la explotación de adolescentes por parte de cadenas de alimentación rápida, la precariedad de los controles de higiene, la pésima calidad de los ingredientes utilizados por la industria alimentaria, la crueldad infligida a los animales y los trabajadores ilegales (cuyos restos pueden terminar mezclados en tu hamburguesa), sin olvidar la difusión de la mentira generalizada.

La primera mentira es la de la composición de los productos vendidos: grasa de pésima calidad, grasas trans (que ya han sido prohibidas en algunos estados y ciudades), uso de interiores y aditivos de todo tipo…

Lo más escandaloso es la mentira del olor y del sabor: para escondernos que comemos literalmente mierda, a la carne se le inyecta un sabor a “carne sellada a la parrilla”, mientras que las papas fritas precocidas vienen con un perfume de papas-ricas-que-ya-no-existen, la mayonesa trae una fragancia de queso y a los caldos de restos de pollo pasados por la centrifugadora para aumentar la cantidad de agua también se les agrega sabor a pollo.

En cuanto al umami, ese quinto sabor descubierto por los japoneses, el que tanto nos hace amar el sabor del pollo frito o de la carne asada, nada tiene que ver con los ingredientes o la cocción: proviene de aditivos químicos destinados a engañar el paladar.

No sólo nos venden mierda en embalajes bonitos, sino que además engañan nuestros instintos y nuestro olfato.

En Internet y en los diarios ha circulado un artículo famoso de una estadounidense que dejó al aire libre un Happy Meal™ –ese menú preparado por McDonald’s con tanto amor para los niños– para ver qué sucedía. Al cabo de un año seguía intacto, totalmente menospreciado por los hongos, las bacterias y los insectos. Si ni siquiera las bacterias y los hongos dan cuenta de ese tipo de comida, ¿cómo pretender que nuestro cuerpo pueda desintegrarla y encontrar en ella los elementos que necesita? Muchos padres que conozco y que leyeron ese artículo quedaron más que preocupados.Envenenamiento colectivo planificado

Basta con pasearse por cualquier supermercado estadounidense, neerlandés o británico para darse cuenta del predominio de la comida industrial: es casi imposible prepararse una comida con productos que no hayan sido procesados y carezcan de aditivos creados para engañar nuestros sentidos. Comer sano requiere disponer de recursos financieros y organizacionales que no están al alcance de los pobres.

Esa misma evolución se observa en el suburbio donde crecí: las tiendas de productos frescos cerraron sus puertas hace mucho tiempo y han sido reemplazadas por tiendas de telecomunicaciones, mientras los supermercados reservan cada vez más espacio para los platos preparados por la industria alimentaria (con márgenes de ganancia muy alentadores) en detrimento de los productos frescos no procesados (que ofrecen márgenes muy inferiores).

Vender un puerro a unos cuantos céntimos para preparar una sopa es mucho menos rentable que vender un litro de sopa por varios euros, sobre todo cuando no contiene más que almidón, potenciadores de sabor, grasas de mala calidad y sal.

De pronto, las estadísticas de los sociólogos cobran sentido: en las sociedades desiguales (encabezadas por Estados Unidos y Reino Unido) es donde se ve la pobreza más extrema, pero también donde la industria alimentaria ha desarrollado la mayor cantidad de alimentos a bajo precio para satisfacer las necesidades calóricas de los más pobres, porque su ingreso disponible es mucho más bajo que en los países más igualitarios.

Los países europeos que siguen esa tendencia fácil de la desigualdad también son los más afectados por la industrialización de la alimentación, una respuesta barata a la baja de sueldos reales y a la violencia organizacional infligida a las familias.

En una sociedad donde las personas ya no tienen muchas oportunidades para juntarse a comer porque se les exige ser más flexibles a la vez que se les paga menos, la comida chatarra industrializada pasa a ser una respuesta normal.

Campaña “comer y moverse”

Ante ese panorama, ver esas campañas públicas que llaman a “comer y moverse” (www.mangerbouger.fr) seguidas de avisos publicitarios de comida chatarra en la tele es algo que me saca de quicio. Dejan a las clases medias pauperizarse, transforman las ciudades en centros comerciales vulgares y accesibles únicamente en automóvil, donde la única comida disponible es mierda perfumada, y luego nos dicen que tenemos que movernos si no queremos terminar todos obesos.

Ahora que sabemos que nuestro cuerpo se pone obeso porque nos hacen ingerir productos tóxicos, y que comemos mierda porque así alcanzamos una organización óptima para maximizar las ganancias de algunos mientras mantenemos los sueldos de otros tan bajos como sea posible sin que la gente tenga hambre, ¿no les parece un tanto irónico escuchar que si movieran un poquito más su trasero serían menos gordos?

Lo que me enfurece más aún es que ya sabemos que el modelo de desarrollo estadounidense es catastrófico: una naturaleza agotada, ciudades feas donde se vive mal, clases medias pauperizadas y obligadas a vivir de los créditos porque el sueldo no da abasto para alimentar a la familia, y un cuasi monopolio de la alimentación industrial que ha provocado una obesidad pandémica y una morbilidad sin precedentes, incluso entre los niños.

Se sabe, pues, y no se hace nada. Seguimos igual.

Todo está muy bien y el país se moderniza. ¿Quieren un poco más de nuestra mierda perfumada? Eso sí, no sean perezosos y muevan un poco el culo…

> Article initialement publié sur Minorités.org, traduit par Ney Fernandes

> Illustrations par Lee Coursey, The Rocketeer, Mustu et Srdjan Stokic et colros (une) sur Flickr

> Légendes par la rédaction

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L’imposture humanitaire http://owni.fr/2010/01/15/limposture-humanitaire/ http://owni.fr/2010/01/15/limposture-humanitaire/#comments Fri, 15 Jan 2010 07:21:33 +0000 Agnès Maillard http://owni.fr/?p=6984

Au début, je voulais surtout voyager

Jérémy a la petite vingtaine tranquille et joyeusement ébouriffée des membres de la grande tribu des surfeurs, des glisseurs, des grimpeurs, l’œil aussi limpide qu’un lac pyrénéen à la fonte des glaces et un projet de vie qui se construit pas à pas.

Monument aux morts

Le meilleur du pire

Après le bac, je suis donc parti à Pau pour un BTS en commerce international.

J’arrive à ne pas tiquer, c’est le métier qui rentre, mais il lance ça avec un grand naturel et une tête d’anarchiste convaincu qui ne cadrent vraiment pas avec l’idée que je me fais des petits kikis qui gravitent dans les formations commerciales.

  • Ce qui m’intéresse, au départ, ce sont les relations humaines. Le commerce, pour moi, c’est avant tout des relations humaines. Or, dans les écoles de commerce, ce n’est pas du tout ça qu’on t’apprend : faut pas faire de sentiments, la communication, ça peut être de la manipulation, on nous apprend à appâter le client et à prendre les gens pour des cons, c’est-à-dire comment faire des sous.
  • Et là, pendant deux ans, tu te rends compte que ce n’est pas ton truc.
  • Mais je l’ai fait un peu exprès aussi. Parce que si on veut démonter les choses dans la vie, faut commencer par savoir comment ça marche.

Pendant deux ans, Jérémy enquille les stages. Uniquement dans de grosses multinationales. Premier stage en République Dominicaine, zone franche.

  • Le pire du capitalisme : la délocalisation par l’argent ! Choquant ! L’un des gros fabricants de boots du monde. Ils ont des filiales partout. Et là ils produisaient les snow-boots des mecs du Nord dans une zone franche, créée pour développer le pays. Une zone franche, c’est à dire pas de taxes.
  • Mais s’il n’y a pas de taxe, comment tu développes le pays ?
  • Par les salaires. Enfin, c’est ce qu’ils croient : pas de tunes, pas de salaires, travail dans des conditions de merde, pas de syndicat et voilà ! J’étais content. Parce que j’étais à la source, parce que je voyais vraiment comment c’était.

Mais notre Jérémy ne s’arrête pas en si bon chemin et rempile pour une autre multinationale chère à son cœur de surfeur.

Mon boulot au pôle logistique était de trouver des papiers pour les marchandises, les certificats d’origine, l’équivalent des certificats de naissance pour les humains. Là, ce qui était particulièrement intéressant, c’était de pouvoir comparer les prix d’achat à la production avec les prix de revente : c’est assez fabuleux. Je me disais, assez logiquement : ces gars font du surf, je fais du surf, on devrait s’entendre, quelque chose de cool, quoi, l’esprit du surf. Mais voilà le surf est bouffé par l’argent, la compétition et les gars font ça juste pour le pognon, ce ne sont pas des surfeurs. Le surf, ils s’en foutent. Ils sont là pour faire du pognon et c’est tout.

La fin de l’humanitaire de papa


Et voilà comment Jérémy, après une année de profonde réflexion sur son avenir professionnel manifestement incompatible avec ses aspirations profondes, intègre une licence en solidarité internationale, une formation chapeautée, il nous le donne en mille, par le Ministère de l’Intégration et de l’Immigration. Tout un programme !

L’humanitaire est devenue un milieu très fermé. La motivation ne suffit plus, il faut aussi une bonne formation. Et le candidat type pour intégrer une grosse ONG, il sort de Sciences Po, des grandes écoles. Ma licence professionnelle est donc un tremplin. Elle me permettra d’avoir des contacts dans le milieu, ce qui devrait m’ouvrir des portes. Ça fonctionne pas mal en réseau. Aujourd’hui, l’humanitaire cherche des compétences particulières : logistique, gestion de projets et aussi des profils purement spécialisés, très techniques, directement opérationnels, en assainissement de l’eau, électricité, des profils ingénieurs.


Des écoles à former de bons petits gars avec le cœur sur la main et les pieds solidement ancrés dans le sens des réalités, il y en a quatre en France, trois universitaires et une école privée. Bien sûr, c’est dans l’école privée que sont recrutés prioritairement les nouveaux cadres dynamiques de l’humanitaire français, ce sont ces petits gars qui décrochent prioritairement les meilleures places dans les grosses ONG, celles qui ont de l’argent et donc celles qui peuvent agir.

  • Il faut voir le film Profession humanitaire. C’est assez choquant. C’est justement un film sur la formation Bioforce [L'école privée], ses coulisses, les apprentissages. C’est une formation très chère avec beaucoup de moyens… on leur apprend même à conduire des 4×4, c’est assez fabuleux, c’est le gros cliché humanitaire. Les gars sont dans un mode opérationnel qui fait qu’ils ne se posent pas de questions sur ce qu’ils font et sur l’influence que ça aura sur les bénéficiaires. Jusqu’à présent, l’humanitaire ne se posait pas trop de questions sur ses missions ou les conséquences des actions humanitaires sur l’ensemble de la société et des personnes concernées. L’humanitaire c’est quand même quelque chose d’assez récent, plutôt dans le prolongement de l’époque colonialiste. L’aide d’urgence ne pose pas trop de problème : quand la maison brûle, tout le monde est d’accord pour que les pompiers éteignent le feu. Mais le développement, lui, pose beaucoup de problèmes. Jusqu’à présent, on décidait de ce qui était bon, de ce qui était bien pour les autres. C’est typiquement le droit d’ingérence : on décide d’aller t’aider, même si tu n’es pas d’accord et sans se poser la question de savoir ce que les gens ont réellement besoin. On a les moyens pour faire des trucs et on va l’imposer.
  • Tu dis qu’en fait, l’humanitaire est en train de changer profondément, à travers les petits gars comme toi qui sont formés pour réfléchir ?
  • Oui, parce que la société occidentale elle-même est en train de se remettre en question sur ses choix fondamentaux. Jusqu’à présent, l’humanitaire servait surtout à boucher les trous laissés par le capitalisme mondial.

Les ONG, comme bras armé de pansements du grand cirque capitaliste. Les ONG, comme palliatif politique à l’indigence ou le désengagement des États.

  • Les ONG ont vocation à disparaître, à transférer à l’État leurs missions de développement.
  • Un peu comme les Restos du cœur qui, dès l’origine, palliaient l’insuffisance sociale de l’État et avaient vocation à disparaître et pourtant ne cessent de grossir ?
  • C’est exactement la même chose, le caritatif chez nous ou l’humanitaire ailleurs. Avec la crise, les missions des ONG grossissent de plus en plus avec de moins en moins de moyens. L’autre problème, c’est qu’avec des moyens limités, les ONG font très attention à leur recrutement. Le personnel est coûteux, il faut donc qu’il soit hyper efficace sur le terrain. Et ça, Bioforce sait faire. De l’humanitaire bien traditionnel!
  • Oui, mais est-ce qu’à force de chercher l’efficacité, est-ce que la machine humanitaire ne va perdre de vue son objectif premier ?
  • Les ONG fonctionnent comme une entreprise : une comptabilité à tenir, des comptes à rendre à leurs bailleurs de fonds. Les moyens qui financent l’action humanitaire choisissent donc les actions à mener.

Et les financeurs de l’humanitaire sont loin d’être neutres : l’Europe et sa vision politique, les fondations privées, financées elles-mêmes par les grosses multinationales dans lesquelles Jérémy avait pu apprécier toute la grandeur de l’horreur économique mondialisée.

L’argent, c’est le nerf de la guerre. Les multinationales ne sont là que pour le profit et pour redorer leur image de marque, elles financent l’humanitaire.

Et la boucle est bouclée. Les grosses multinationales se nourrissent et entretiennent la misère des peuples, comme Jérémy l’a découvert lors de sa formation en commerce international. Et ensuite, elles financent les projets humanitaires qui améliorent leur image de marque et font oublier leur rôle dans le merdier général. Et nos petits soldats de l’humanitaire utilisent leurs compétences commerciales pour vendre au grand capital les projets de développement qui favorisent, quelque part, le maintien à faible coût, des inégalités dont il se nourrit.

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