OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Wiki prof de raison http://owni.fr/2012/10/29/wiki-prof-raison-wikipedia-ecole-education/ http://owni.fr/2012/10/29/wiki-prof-raison-wikipedia-ecole-education/#comments Mon, 29 Oct 2012 06:15:07 +0000 Antonio A. Casilli http://owni.fr/?p=123667

À l’occasion de cette rentrée universitaire, mes collègues enseignants et moi-même avons décidé d’ajouter une pincée de wiki à deux cours que nous donnons à Telecom ParisTech : j’ai créé un wikispace pour mon enseignement sur les cultures numériques, et, avec Isabelle Garron et Valérie Beaudouin, nous avons demandé aux étudiants de première année de tenter d’éditer et de discuter au moins une page Wikipédia, au titre de leur initiation à l’écriture en ligne.

Naturellement, Wikipédia est employé comme outil d’enseignement à l’université depuis plusieurs années, et sa popularité en tant qu’objet de recherche s’accroît de jour en jour. Mais la principale raison de son emploi en classe tient dans son évolution en tant qu’étape préliminaire dans les recherches bibliographiques et les démarches de fact-checking.

Songez à vos propres habitudes vis-à-vis de la quête d’information en ligne. Que faites-vous quand vous ignorez tout sur un thème ? Vous le googlisez probablement, et la première occurrence à apparaître est le plus souvent une page du site Web de Jimbo Wales.

Vous le faites, nous le faisons, nos étudiants le font aussi. En conséquence, avons nous intégré Wikipédia, non pas parce qu’il est un gadget sympa, mais parce que si nous ne l’avions pas fait nous aurions laissé s’installer un dangereux angle mort dans nos activités pédagogiques.

90-9-1

Admettre cette réalité sans céder à la panique n’est pas simple. Du moins ici en Europe, des jugements erronés sur la prétendue piètre qualité des articles de Wikipédia perdurent encore dans le monde de l’éducation. Certains, comme le professeur de lycée Loys Bonod, qui a connu ses quinze minutes de gloire cette année, s’empressent d’inclure des informations fausses et trompeuses dans Wikipédia, juste pour apporter à leurs élèves la démonstration que… Wikipedia contient des informations fausses et trompeuses.

Le paradoxe de telles réactions représente une bonne illustration du fait que l’exactitude et l’intelligence de Wikipédia sont au diapason de l’exactitude et de l’intelligence de ses contributeurs. D’où la nécessité d’encourager les utilisateurs à abandonner leur attitude passive et à participer en écrivant et en discutant de leurs sujets.

Bien sûr, certains pourraient invoquer pour Wikipédia la soi-disant loi d’airain de la participation sur Internet : le principe “des 90-9-1″,  selon lequel un article aura une majorité écrasante de simples lecteurs, quelques contributeurs qui feront l’effort d’apporter des modifications, et de très rares usagers suffisamment motivés pour se rendre dans les pages de discussion et engager un dialogue avec les autres wikipédiens.

Les sciences sociales peuvent apporter plusieurs éléments d’explication à ce phénomène. L’avènement d’une culture de la participation, sur les réseaux, a pu être largement exagérée. Peut-être la structure de l’encyclopédie tend-elle à recréer des dynamiques culturelles qui reproduisent l’opposition entre auteur et lecteur — au lieu de stimuler une polyphonie des contributions. Ou peut-être encore les éditeurs de Wikipédia cherchent-ils à intimider les autres utilisateurs dans un effort d’accentuer leur statut social en rendant leurs activités moins accessibles.

Lévi-Strauss

Essayez de créer un nouvel article. Très vraisemblablement, sa pertinence sera mise en doute par un éditeur. Essayez de rédiger une biographie d’un personnage public vivant. Il y aura de grandes chances pour qu’une discussion en découle, qui portera non pas sur le personnage public en question, mais davantage sur les qualités privées de son biographe. L’auteur a-t-il juste une adresse IP anonyme ? Ou bien il est un utilisateur enregistré, avec son propre compte permettant de tracer dans le temps ses contributions ?

Et ce qui est vrai pour les personnes vivantes peut l’être aussi pour les personnes décédées, comme j’ai pu le constater. Par exemple le 3 novembre 2009 à 15h34, à travers une liste de diffusion universitaire, je reçois un email du président de l’établissement pour lequel je travaillais. Cet email annonçait qu’“à l’âge de 100 ans, notre collègue Claude Lévi-Strauss était décédé”.

Conscient que cette information était intéressante pour un large public, et qu’elle provenait d’une source fiable, je l’ai publiée sur Wikipédia. J’ai mis à jour la page consacrée à Lévi-Strauss en introduisant la date de son décès. Sans trop me soucier de me connecter via mon profil. J’assumais, en effet, que mon adresse IP (j’écrivais de mon bureau) aurait de quelque manière cautionné ma contribution.

Cependant, alors que je sauvegardais ces changements, un message apparut m’informant que l’adresse IP en question avait été identifiée comme attribuée par le réseau informatique de mon université et qu’à ce titre ces changements apparaissaient sujets à caution. Un éditeur devait les valider. Mais il ne le fit pas. L’information que j’avais apportée avait été jugée “sans fondement”. L’argument d’autorité, le fait d’écrire de l’intérieur de la même institution dans laquelle Claude Lévi-Strauss avait enseigné, ne semblait pas recevable. La page fut modifiée quelque temps après par une personne pouvant inclure un lien avec la dépêche AFP annonçant la mort du chercheur.

L’épisode ne représente qu’une illustration de la manière dont l’autorité intellectuelle se remodèle dans un environnement ouvert, de mise en commun des connaissances tel Wikipédia. La posture universitaire du parler “ex cathedra” (en l’occurrence “ex adresse IP”) est questionnée de manière saine, quoique frustrante pour les universitaires. L’enjeu ne se limite plus au statut intellectuel des institutions savantes de nos jours, mais bien à la façon dont l’information est validée.

Notoriété

Vous avez probablement en mémoire ces bannières Wikipédia vous signalant qu’il existe un désaccord quant à la neutralité d’une page. En un sens, chaque page Wikipédia pourrait en contenir une, puisque chaque page procède, plus ou moins, de sa propre controverse interne. Les auteurs de chaque article se disputent sur comment ce dernier est argumenté, classé, référencé. Ou alors sur l’ajout de liens externes et sur l’orthographe de certains noms. Mais la plupart du temps, ils se disputent sur le point de savoir si les sujets sont ou pas “notoires” — c’est à dire, dans le jargon wikipédien, s’ils donnent ou pas matière à un article. Au cours des années, ces différends sont devenus si fréquents que Wikipédia a fini par proposer ses propres critères généraux de notoriété, ainsi qu’une liste de PàS (pages à supprimer) actualisée chaque jour.

Les analystes de la Fondation Wikimédia ont imaginé un moyen simple et élégant d’évaluer les controverses sous-jacentes auxdites pages. Il s’agit de Notabilia, un outil graphique permettant de détecter des structures distinctives de ces débats, qui peuvent aboutir autant à des décisions consistant à “supprimer” qu’à “garder” un article.

Comme des opinions antinomiques ont tendance à se compenser, les pages qui font l’objet de fortes controverses ou de discussions animées entre partisans ou adversaires d’un sujet donné dessinent des lignes plus ou moins droites. Tandis que les discussions plus consensuelles tracent des lignes en forme de spirales, qui convergent vers un accord.

L’impact et le sens de telles discussions entre contributeurs mettent en évidence l’existence de vibrantes communautés qui s’agrègent autour de sujets bien déterminés. À telle enseigne qu’actuellement on peut définir Wikipédia comme un service de réseautage social comme les autres. Finalement, ses utilisateurs partagent leurs intérêts sur leurs profils comme on peut le faire sur Google+, ils gagnent des badges comme sur Foursquare, discutent publiquement comme sur Twitter et leur vie privée est constamment mise à mal — comme sur Facebook.

Ces fonctionnements, en principe, permettent de travailler de manière collaborative et de repérer les erreurs factuelles rapidement et de façon transparente. Cependant, ils introduisent certaines particularités dans les processus de validation de l’information présentée sur Wikipédia. La confiance et la sociabilité bâties par les contributeurs influencent profondément la perception de la qualité de leurs articles. Ainsi, comme dans n’importe quelle autre communauté épistémique, la confiance est affaire de contexte.

Elle dépend des réseaux de contacts qu’un auteur peut attirer à lui. À tel point que, selon certains chercheurs, la confiance que les usagers peuvent susciter sur Wikipédia s’apparente davantage à un produit dérivé de leur capital social, que d’une reconnaissance de leurs compétences (voir en particulier les travaux de K. Brad Wray “The epistemic cultures of science and Wikipedia”).

Un exemple que j’avais déjà évoqué dans mon livre Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité ? peut illustrer ce phénomène. Il y a quelques années, une controverse sur la page consacrée à la précarité s’est élevée dans la version en langue anglaise de Wikipédia. En sciences sociales, la précarité se définie comme l’ensemble des conditions matérielles des travailleurs intermittents dans la société post-industrielle.

Les contours de cette notion ont été tracés par plusieurs auteurs issus du courant du marxisme autonome, tels Michael Hardt et Antonio Negri. Aussi, l’article a-t-il été affilié à la catégorie “syndicalisme”. Mais, un contributeur anonyme (vite surnommé “le catholique”) était d’un avis quelque peu différent. Il expliqua, à juste titre, que la notion de précarité avait été pour la première fois introduite par un moine français, Léonce Grenier (décédé en 1963), qui employa le terme pour mieux souligner la fragilité de la condition humaine face à la puissance divine. Son argumentaire avait du poids et ses références bibliographiques étaient correctes.

Toutefois, au lieu de défendre ses choix dans les pages de discussion, unilatéralement, il décida de rattacher l’article à la catégorie “christianisme social” et retira toutes les références aux mouvements syndicaux. L’épisode déclencha une vive dispute sur les réseaux. Très vite une lutte sans quartier éclata. Chaque nuit, le catholique rangeait l’article sous “christianisme”, chaque matin les marxistes protestaient avec véhémence et le rangeaient sous “syndicalisme”.

À ce moment-là je me suis demandé, comme des milliers de wikipédistes, à qui faire confiance. J’ai concédé que le contributeur catholique avait des arguments, mais je me suis aligné sur les positions des marxistes autonomes — en détaillant les raisons de ce choix dans un message. L’article devait entrer dans la catégorie du syndicalisme afin d’optimiser sa faculté à être référencé sur les moteurs de recherche.

Je pense ne pas avoir été le seul à adopter une réaction non académique. Wikipédia n’a pas vocation à atteindre une exactitude universelle, mais de parvenir à un consensus. À ce titre, beaucoup de wikipédiens vous affirmeront que leur encyclopédie n’est pas une démocratie, même si leurs processus de décision s’inspirent des principes de la délibération démocratique (voir à ce sujet le texte [pdf] de Laura Black, Howard Welser, Jocelyn Degroot et Daniel Cosely “Wikipedia is not a democracy”). Dans le cas que nous avons évoqué, puisque une polarisation partisane empêchait l’article d’évoluer, une simple règle majoritaire a été appliquée.

…À suivre dans le prochain épisode de cette chronique Addicted To Bad Ideas.


Illustration par Loguy pour Owni.

Article publié en anglais sur Bodyspacesociety, le blog d’Antonio A. Casilli (@bodyspacesoc).

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Les impôts que Starbucks & cie paient vraiment http://owni.fr/2012/10/17/les-impots-que-starbucks-cie-paient-vraiment/ http://owni.fr/2012/10/17/les-impots-que-starbucks-cie-paient-vraiment/#comments Wed, 17 Oct 2012 10:25:42 +0000 Nicolas Patte http://owni.fr/?p=122942 The Guardian dans le radar data du jour. Comment Starbucks, Facebook et leurs amis évitent de payer trop d'impôts au Royaume-Uni.]]> How much tax is paid by major US companies in the UK? Graphic: Paul Scruton/Guardian Graphics

How much tax is paid by major US companies in the UK? Graphic: Paul Scruton/Guardian Graphics

Veille data

Le Guardian a repris hier une information de Reuters selon laquelle la célèbre (et très hype) chaîne de restauration américaine Starbucks ne payait pas d’impôts au royaume de Sa Majesté.

Le web mise sur le fisc irlandais

Le web mise sur le fisc irlandais

Apple vient d'annoncer un renforcement de ses effectifs au sein de son siège européen, en Irlande. La firme recrutera 500 ...

Partant de ce constat, les journalistes de données de la rédaction numérique du quotidien anglais se sont penchés sur les filiales locales des plus grosses entreprises américaines afin d’établir le montant des impôts qu’elles versent depuis quatre ans. Pour cela, ils ont utilisé les services de Duedil, spécialiste des données financières outre-Manche, et la technologie en ligne de Tableau, pour structurer une véritable application web.

L’application permet, entre autres, d’afficher le chiffre d’affaires global de ces entreprises (“UK Turnover”), le profit déclaré avant impôt (“Profit before tax”) et l’impôt effectivement payé (“Tax paid”) entre 2008 et 2011.

Il apparaît que de nombreuses entreprises américaines faisant commerce sur le sol britannique déclarent régulièrement réaliser des pertes. En 2011, Starbucks serait dans le rouge de 32 millions de livres, Google de près de 21 millions et Facebook de quasi 14 millions. Facebook a d’ailleurs été récemment accusé de se moquer ouvertement du monde en ne déclarant qu’une partie congrue de ses ventes.


Illustration How much tax is paid by major US companies in the UK? Paul Scruton/Guardian Graphics

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J’irai graffer sur ton wall http://owni.fr/2012/09/28/jirai-graffer-sur-ton-wall-vendredi-et-cest-graphism/ http://owni.fr/2012/09/28/jirai-graffer-sur-ton-wall-vendredi-et-cest-graphism/#comments Fri, 28 Sep 2012 09:11:00 +0000 Geoffrey Dorne http://owni.fr/?p=121174

Bonjour et bienvenue sur Vendredi c’est Graphism ! :)

Il y a quelques semaines, cette vidéo a fait beaucoup d’émois avec 107 000 vues. Ironique et pleine d’humour, elle dénonce, critique, provoque les différents médias sociaux que nous utilisons. Ironique ? Oui, je l’ai justement vue publiée sur Facebook et sur Twitter. Ce film et cette peinture (réalisée en cinq jours) ont été réalisés au festival “GALORE”  de Copenhague, au Danemark, et se présente comme un time-lapse composé de plus de 9 000 photos.

#MyLifeSucks

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Son auteur témoigne :

Les gens me regardent comme si j’étais sur une autre planète quand je leur dis que je ne suis pas sur les médias sociaux comme Facebook, Twitter ou Instagram. Aux yeux des médias sociaux, je suis fortement dépassé, je suis perdu et pas connecté. En ne prenant pas part aux médias sociaux mentionnés ci-dessus je fais de moi un étranger pour la société qui sacralise ces médias sociaux. Je ne peux pas m’empêcher d’observer les gens autour de moi qui semblent être consommés et accro au fait de se tenir au courant des statuts de leurs amis sur les médias sociaux.

Nous vivons dans une vie au rythme ridiculement rapide où l’information est échangée si rapidement qu’il nous fait nous sentir inadéquat et détruit notre capacité d’attention.

Street-art déconnecté ?

Le street-art semble donc avoir une dent contre les réseaux sociaux ? En effet, la création street art repose sur la rue, sur les murs, le mobilier urbain, les arbres, que sais-je encore, mais se situe en général plutôt loin de l’écran (à quelques exceptions près comme le Graffiti Research Lab). Cependant, le graffiti n’a jamais été aussi reconnu et suivi par le grand public depuis l’avènement des réseaux sociaux. En effet, combien de fois sommes-nous surpris par un beau graff publié sur Instagram ? Une photo “Regarde le ciel” publiée sur Twitter ou encore un panneau détourné publié sur Path ?

En tous cas, les réseaux sociaux influencent le street art et ce ne sont pas les initiatives qui manquent. Par exemple, avec ces collages qui nous racontent Facebook dans la rue.

Facebook est dans ta rue


(source)

Dépendance culturelle

Ne nous voilons pas la face, nous passons peut-être, une deux trois heures – voire toute la journée – sur Facebook, et notre compte Facebook est souvent ouvert, même si la fenêtre est minimisée sur notre ordinateur. Accro à Facebook ? C’est sur ce constat que la street-artiste 2wenty, située à Los Angeles, dépeint graphiquement notre  dépendance culturelle aux médias sociaux. Sur l’affiche ci-dessous, on voit clairement un paquet de cigarettes marqué au doux nom de Facebook et aux couleurs du réseau social.

Je fais des oeuvres sur ce qui me tracasse [...] Les gens sont toujours sur Facebook au travail et même en marchant dans la rue. Je compare Facebook à la cigarette pour attirer l’attention sur nos dépendances culturelles. Mais voulons-nous vraiment cesser de fumer?

Bien que le travail 2wenty dénote d’une attitude pessimiste envers le réseau social, ce n’est pas vraiment la preuve que l’artiste de rue est anti-Facebook, en effet elle-même possède sa propre page Facebook dans laquelle elle publie régulièrement des messages et des liens vers son travail.

Des murs sur Facebook

D’autres oeuvres de rue, souvent anonymes, se présentent sous de nombreuses formes différentes comme des collages, des pochoirs, des graffitis, des autocollants ou encore des peintures. Les supports sont nombreux, les idées pour parler des réseaux sociaux aussi.

Tweet tweet tweet

Enfin, il n’y a pas que Facebook qui inspire les street-artistes. Comme le montre la vidéo du festival GALORE en début d’article, Twitter est également source d’inspiration. Pour le colleur d’images Jilly Ballistic, c’est l’opportunité d’attirer l’attention du citoyen et d’aller contre le trop plein de publicité en faisant “court”, très court. Ci-dessous, il colle donc un tweet publié par lui-même, @JillyBallistic, avec pour simple message: “S’il vous plaît continuez à ignorer cette publicité. Merci.” Ce tweet collé restera affiché pendant plusieurs jours sur l’abribus M15 à St Allen & St Stanton, à New-York.


(source)

Questionmarc

Un autre artiste du nom de “Questionmarc” s’xprime sur les murs les d’un bâtiment en mettant en avant le petit oiseau de Twitter (l’ancienne version, pas la nouvelle). Son tweet ? “Just bombin’ a wall” est très simple et je serais ravi de voir jusqu’où il pourrait aller avec ce petit oiseau et ces tweets.

Et les mèmes dans tout ça ?

Enfin, les réseaux sociaux ne sont pas les seuls à inspirer les street-artistes, en effet la culture Internet n’est pas en reste avec cet exemple ci-dessous réalisé par Thierry Jaspart, en Belgique. Il a décidé de réaliser une fresque mettant en scène nos amis connus d’Internet, j’ai nommé Rage Faces, Pedobear, Long Cat, Keyboard Cat, etc.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Le street-art et les réseaux sociaux font finalement bon ménage

Enfin, pour conclure il se trouve que tant que le street-art existera, il perdurera sur les réseaux sociaux, sur Twitter, Instagram, Path, Facebook, Pinterest, que sais-je encore. Ainsi, j’ai décidé de vous faire une petite liste par réseau, de là où vous pouvez dénicher des oeuvres de street-artistes :-)

Sur Twitter

Sur Facebook

Sur Pinterest

Sur Instagram

Excellente fin de semaine et à la semaine prochaine !

Geoffrey

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Chronique d’un leak annoncé http://owni.fr/2012/09/25/facebook-bug-leak-annonce/ http://owni.fr/2012/09/25/facebook-bug-leak-annonce/#comments Tue, 25 Sep 2012 16:09:59 +0000 Nicolas Patte http://owni.fr/?p=120908

The Labyrinth of memory - photo by-nc Mister Kha

“FacebookLeak”, “bug Facebook”, peu importe son nom. La frise chronologique est bouleversée. Facebook n’a jamais eu — semble-t-il — que des détracteurs, mais Facebook a quasiment autant — voire bien davantage — d’utilisateurs. Le caractère intrinsèque de la folie suscitée hier par une information non vérifiée et profondément préemptée est fondamentalement lié à l’anticipation de l’événément par l’imaginaire collectif.

Dans une des plus brillantes pièces du théâtre anglais contemporain, Betrayal, Harold Pinter décrit la relation psychologique entre trois personnages classiques : le mari, la femme, l’amant. Le chef d’oeuvre commence par la fin de l’histoire — elle lui avoue que son époux est au courant de leur relation depuis deux ans — et termine par son origine : l’immoral et répréhensible baiser. Le génie de Pinter est de susciter la tension créée par cette trahison à rebours qui met l’amant dans la situation désepérée du mari en provoquant son hystérie sourde — et un sentiment particulièrement équivoque de bien-être chez le lecteur.

Poke

Ce qui vient de se passer avec la tragédie drôlatique du vrai-faux dysfonctionnement non avéré de Facebook n’est pas une histoire comme les autres. Le processus narratif n’est pas linéaire comme l’appréhension publique et populaire d’un accident industriel ou d’une catastrophe naturelle. Les événements semblent pourtant s’enchaîner dans le même tempo : il se passe quelque chose, la foule s’en empare, l’hystérie prend le dessus, la raison intervient, le questionnement surgit ; il s’est passé quelque chose.

Sauf que la manière dont l’information a rebondi hier ne ressemble en rien à cette manière dosée de furie et de consternation qui jalonne les accidents industriels et les catastrophes naturelles. La palette des sentiments de cette soudaine synesthésie facebookienne a débordé ad absurdum jusqu’au perron des ministères, dont on imagine les plus jeunes membres, le doigt moite, vérifier leur propre timeline tandis qu’ils méditaient sur le genre de communiqué qu’ils pourraient fournir (jusqu’au bout de la nuit) à une presse déjà ras-la-gueule et suffisament étourdie sur le sujet.

Dans un entretien avec Bernard Pivot en 1976, l’ancien publicitaire et romancier René-Victor Pilhes prévoyait :

Le retour à la bestialité est possible dans une société comme la nôtre. En raison de la désorganisation des mentalités, des crises d’hystéries généralisées, tout cela aggravé par les crises économiques.

Parmi les plus vitupérants, les plus exaltés des journalistes sur ce sujet (devenu) excessivement mainstream, d’aucuns ont claqué la langue avec la délectation de ceux qui pourchassent sans répit les conspirationnistes du 11-septembre. Si la comparaison peut paraître excessive, elle ne l’est pas : lorsque Facebook a balancé son laïus illico — repris la bouche en coeur par les purs players de la Vallée — démentant le moindre problème sur Ses éminents serveurs, la corporation s’est scindée au même pas. La famille des “mouais j’ai pourtant moi-même constaté le problème” et celle des “ah on vous l’avait bien dit et d’ailleurs avez-vous des preuves de ce que vous avancez” ont planté le campement. Et s’observent en chiens de faïence depuis.

Hate

Cette exacerbation minitieuse des petites rancoeurs connectées ressemble à s’y méprendre à la continuation d’un vieux flaming démarré la veille sur un mur Facebook. Ou une conversation privée. Bref, on se sait plus. Mais c’est public, et c’est en famille.

Tout le monde sait que Facebook est une passoire en nacre, un anus chaste ouvert sur le monde. Que ses paramètres de confidentialité comportent 1 000 mots de plus que la Constitution française. Que des arnaques pour des iPhone 5 à 69 euros y pullulent. Que les données personnelles qu’on y “efface” restent stockées au fond du Nouveau-Mexique ou ailleurs.

Que toutes les filles ne comprennent pas le truc pour mettre les photos en maillot de bain accessibles uniquement aux très bons amis. On sait que ça va exploser et qu’on va tous le quitter un jour. Que l’histoire va s’arrêter. Que le grand secret de la réussite d’un post-ado génial un peu connard devenu milliardaire sera forcément dévoilé aux yeux rouverts de l’humanité tétanisée par son affection pour une plate-forme qui lui permet d’avoir une vie sociale avec des gens qui n’existent plus vraiment.

Hier la boîte de Pandore a failli s’ouvrir sur une histoire qu’on connaît déjà tous. Nous avons failli être cet amant qui apprend par sa maîtresse que son mari est au courant depuis bien longtemps. Nous avons flirté avec l’hystérie, et avec un infini bien-être. Même joueur, rejoue encore.


Photo CC The Labyrinth of memory [by-nc] Mister Kha

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Le jour où Facebook m’a rendue zinzin http://owni.fr/2012/09/25/le-jour-ou-facebook-ma-rendue-zinzin/ http://owni.fr/2012/09/25/le-jour-ou-facebook-ma-rendue-zinzin/#comments Tue, 25 Sep 2012 15:21:23 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=120871

Mini-pizzas, vin rouge et Fifa (un beau Chelsea-Bayern de Munich). On était tranquilles quand tout s’est emballé. Le bug Facebook a pris le contrôle de nos esprits. Et accessoirement, m’a fait perdre la partie.

Pourtant, c’est pas comme si on était pas au courant. Plus tôt dans la journée, tout l’Internet français avait été alerté. Pour ma part, c’est vers 16 heures que j’apprends que Facebook aurait rendu publics par erreur des messages privés envoyés aux alentours de 2009. Affiché des conversations sur la timeline qui nous sert depuis fin 2011 de profil.

Immédiatement, je me rue sur le mien afin de vérifier la fameuse “rumeur” (à prononcer l’air grave avec un tremblement dans la voix). Là, je tombe sur une boîte louche, au début des contenus publiés chaque année depuis mon inscription sur le réseau social. Intitulée, par exemple “Friends 2009″ :

x friends posted on Andrea’s timeline.
[NDLR : oui, je ne sais pour quelle raison, mon profil est toujours en anglais. Ce qui donne en bon français : "x amis ont posté sur le journal d'Andréa"]

Et qui figure juste à côté d’une boîte similaire, consacrée aux messages d’anniversaire de la même année.

Dans cette boîte, j’aperçois des messages de ma sœur, de mon père (“j’ai envoyé un mail, tu l’as vu?!”), d’amis qui me demandent les plans pour le Nouvel an, de commentaires du petit ami de l’époque. Mais rien de croustillant. Enfin, de ce que j’ai pu apercevoir. Paniquée à l’idée que quoi que ce soit d’intime puisse tomber entre les mains d’amis stalkers, je décide de tout cacher (“Hide”) et de vite aller lorgner sur les comptes des copains. Sans prendre de captures d’écran du mien. Erreur fatale.

Capture or it didn’t happen

Pourtant j’ai hésité. Sur Internet, tout le monde le sait : la capture d’écran est reine. Parce que si le fail (de la faute d’orthographe à l’insulte regrettable, en passant par le DM rendu public) peut vite être publié, sa disparition est tout aussi rapide. Dans ces cas là, seule la capture fait foi. Et on ne s’est pas privé de me le rappeler. Faisant basculer ma soirée dans un véritable cauchemar.

Car ce qui était une bonne occasion de rire et, avouons-le, d’aller fureter dans les comptes des uns et des autres, a tourné à l’affaire d’État. Vers 20 heures, Facebook déclare :

Nos ingénieurs ont étudié ces cas et constaté que ces messages étaient en réalité d’anciens messages postés sur les murs qui ont toujours été visibles sur les profils des utilisateurs. Facebook affirme qu’il n’y a aucune atteinte à la vie privée des utilisateurs.

Deux camps se sont alors faits face. La team #bug, persuadée d’avoir vu des messages trop prosaïques, trop évocateurs ou trop répréhensibles pour avoir été volontairement ouverts au grand public ; et la team #hallu, voyant dans cette agitation la manifestation d’une hallucination collective.

Là, les messages pleuvent. Facebook, évidemment : captures, commentaires. “Si ça n’est pas un bug, alors j’étais vraiment très con de publier ce genre de choses sur le wall”. Twitter aussi. Le doute s’installe. ”C’est pas possible de pouvoir penser ça !” On s’écharpe, on essaie de prouver que ce qu’on a vu, ou non, est la preuve d’une ou l’autre théorie.

Équivalent Petit-gris du point Godwin, la théorie du complot rapplique vite. Jusqu’à en venir aux SMS :

Prouve moi que le 11 septembre n’est pas arrivé !

Pour se chambrer d’abord, plus sérieusement ensuite. Dans mon coin, je tape des pieds : je tiens à prouver ce qui me semble être vrai. Avec la même obsession que le camp d’en face.

Je consulte l’”activity log” de mon compte (sur votre profil, en haut à droite), supposée archiver tous mes faits et gestes depuis mon inscription. Je télécharge, grande première, l’intégralité de mon profil en .zip. Et me retrouve très vite dans l’impasse : la seule façon de prouver avec certitude que des messages privés se sont retrouvés à l’air libre, sur mon profil, est d’en retrouver la trace dans une autre boîte aux lettres que celle proposée par Facebook. Il est en effet possible de recevoir une notification à chaque nouvel envoi de message privé… Encore faut-il retrouver celles qui datent de 2009. Et à cette date, mon adresse actuelle n’existait pas. Il faut s’en retourner vers les limbes. Hotmail. Pire : wanadoo.

Et surtout, retrouver les mots de passe qui pourraient à eux seuls tout résoudre. Deux, trois, quatre tentatives : sans succès. Il est minuit, je n’en peux plus : il est temps de cliquer sur le fameux ”j’ai oublié mon mot de passe”. ”Quel est le nom de mon premier animal de compagnie ?” Fuck. Je les ai pourtant tous aimés, impossible de s’en souvenir avec certitude. Finalement, “Melchior” l’emporte (oui, Melchior). Enfin, je vais savoir si oui ou non Facebook déploie une communication éhontée dans toute cette histoire. Ou pas. Après toutes ces épreuves, je découvre que MSN a supprimé tous mes mails. Sans préavis. Rien, nada, dans cette boîte souffle un vent glacial. Et ce n’est pas mieux sur wanadoo, qui demande que l’utilisateur principal de la ligne change lui même mon mot de passe d’utilisateur secondaire. A l’époque, mon père certainement. Qui depuis longtemps a fermé son abonnement. Désespoir.

Moi, cette nuit, vers 1h30 du matin

Je vois des messages qui sont morts

Oui, Facebook m’a rendue zinzin. Jusqu’à venir me hanter la nuit et à en faire des cauchemars :

Toi aussi tu vois les messages qui viennent de la porte ?

L’intérêt de cette histoire réside précisément dans ce drôle d’intérêt qu’elle a su susciter.

Partout, l’affaire du bug a provoqué une déferlante de réactions et d’interrogations, médiatiques ou non, sur son éventuelle véracité et les preuves qui seraient susceptibles de l’appuyer. Jusqu’au coeur du gouvernement, en poussant les services presse d’Arnaud Montebourg (ministre du redressement productif) et Fleur Pellerin (économie numérique) à envoyer un communiqué à 2 heures du matin ! Les deux ministres exigeant ”des explications claires et transparentes” du site américain, convoqué illico devant la Cnil.

Du côté de chez Owni, notre Jean-Marc Manach national est harcelé de questions de confrères et les articles que nous avons déjà publiés sur Facebook sont pris d’assaut, faisant exploser notre courbe d’audience.

L’affaire du bug Facebook a généré une attente indéniable. Un suspense, dont l’intimité serait l’actrice principale.

Il faut dire que le site croise nos moments de vie brandis et ceux qu’il vaut mieux taire. Quelque part entre l’interaction publique et l’illusion du privé : car quoiqu’il arrive, ces données que l’on souhaite secrètes, ne le restent qu’à condition du bon vouloir du site. Réalité à laquelle les plus de 900 millions d’utilisateurs se sont déjà confrontés : Facebook est réputé pour avoir trop souvent fait joujou avec la confidentialité des profils. Le voilà à tout jamais frappé du sceau de la culpabilité.

Les utilisateurs font donc de fait confiance au géant américain tout en se sachant vulnérables. Sur la brèche, à deux doigts de basculer à poil sur Internet. C’est peut-être pour cette raison que les utilisateurs sont si prompts à vouloir voir dans ce remue-ménage une erreur manifeste de la part du géant américain. Ou peut-être aussi par amour des reptiliens, illuminati, petits-gris et autres contes complotistes…


Illustration © Bojan Kontrec (Istock)

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La carte des lobbyistes du numérique http://owni.fr/2012/09/17/la-carte-des-lobbyistes-du-numerique/ http://owni.fr/2012/09/17/la-carte-des-lobbyistes-du-numerique/#comments Mon, 17 Sep 2012 14:23:24 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=119785 Owni a cartographié comment les lobbyistes du numérique ont encerclé les institutions européennes. Une mise en perspective de l'intimité géographique qui règne entre lobbyistes et fonctionnaires européens. Alors que plusieurs industriels rechignent à être transparent sur le sujet, notamment Amazon et Apple. ]]>

Le numérique représente un secteur trop stratégique pour laisser les institutions et les élus européens déterminer seuls son évolution. Désormais à Bruxelles, autour des principales instances européennes, les lobbyistes des industriels du numérique occupent une place de choix, comme le montre ci-dessus notre carte interactive de la capitale européenne.

Owni a voulu ainsi cartographier les petites relations entre lobbies et institutions européennes. Manière de mettre en évidence l’hospitalité à la belge (sur notre carte ci-dessus, cliquez sur les valises noires pour visualiser les lobbyistes du numérique à proximité des bâtiments officiels).

Transparence

Selon l’ONG Alter-EU (Alliance for Lobbying Transparency and Ethics Regulation) , Microsoft fait maintenant partie des dix entreprises qui dépensent le plus pour leurs activités de lobbying à Bruxelles, avec 4 625 000 euros. Google consacre lui à ses activités de lobbying entre 600 000 à 700 000 euros quand Facebook est petit joueur puisqu’il déclare un budget de 150 000 à 200 000 euros pour la dernière année comptable renseignée.

Ces données sont issues du Registre de transparence européen, une initiative de la Commission et du Parlement européen, qui a célébré son premier anniversaire au mois de juin dernier. Cependant, son fonctionnement repose sur la base du volontariat.

Le mystère reste donc entier pour ceux qui n’y figurent pas. Les ONG les plus impliquées dans la transparence du fonctionnement démocratique militent aussi pour lui accorder un caractère obligatoire ; il pourrait par exemple être rendu indispensable pour louer des bureaux dans Bruxelles. Le porte-parole de Corporate Europe Observatory ironise :

C’est non seulement possible mais nécessaire que le registre soit rendu obligatoire. Il faut faire monter la pression pour que les entreprises soient obligées de le faire et que le registre remplisse alors sa mission première. Amazon, Apple et Bull, n’y sont pas par exemple. Pourtant ils sont présents au Parlement. Nous, on est un peu des Watch Dogs.

Sur ce point, Amazon nous a répondu que l’entreprise ne “commentait pas ce genre d’information”, tandis qu’Apple ne nous a pas répondu du tout.

La transparence, maitre-mot de tout commissaire bruxellois qui se respecte, est avant tout celle de ce registre. Le principe est simple : sous stimulation de la Commission européenne, les industries, associations et diverses entreprises – au nombre officiel de 5200 environ – s’inscrivent pour y faire figurer certaines informations. Notamment le nombre de lobbyistes arpentant les couloirs du Parlement et le budget annuel consacré aux pérégrinations de leurs troupes.

La carotte pour faire accepter aux industriels de figurer dans ce registre ? Un accès rapide au Parlement, un peu comme un billet coupe-file. Nous nous sommes entretenus avec le responsable du registre, Gérard Legris, il explique :

Il n’y a pas d’obligation juridique d’inscription au registre de transparence mais c’est quelque chose qui devient incontournable. Notamment parce que c’est une condition préalable à des facilités d’accès rapides au Parlement. Les participants sont enregistrés comme des visiteurs réguliers [un simple badge en plastique, NDLR]. Aussi parce que c’est une sorte d’abonnement. Et certaines de nos commissions refusent de faire entrer des non-accrédités.

Concrètement, les organisations qui figurent sur le registre, en plus d’avoir en main un passe coupe-file, reçoivent les feuilles de route des programmes de travail de la Commission. Joli cadeau. Insuffisant peut-être pour les entreprises et cabinets de conseils qui ne se sont pas inscrits.

Ces derniers, en conséquence, ne sont pas liés à un code de conduite et à l’engagement de fournir des informations sur leur budget de lobbying ou les activités qui les intéressent au sein du Parlement et des différentes commissions.

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Gérard Legris avance que “certains attendent peut-être de voir si c’est intéressant ou pas. L’avantage c’est qu’elles gagnent pour leur image avant tout.” Le registre implique quand même une bonne volonté – et une bonne foi – puisque le code de conduite signé en même temps que l’enregistrement dans les papiers de la Commission est à respecter à la lettre.

Celui qui le transgresse peut subir une enquête administrative pour violation du code de conduite et risque, en cas d’intention délibérée de fraude, une suspension ou une radiation du registre.

Il y a quelques années lors de la première initiative de registre de la Commission, le Conseil européen de l’industrie chimique, l’un des plus gros lobbyistes de Bruxelles, aujourd’hui 71 employés déclarés au registre commun de la Commission et du Parlement, déclarait moins de 50 000 euros de dépenses inhérentes à la présence de ses salariés en activité de lobbying lors de la première initiative de la Commission. Et le CEFIC s’est fait suspendre temporairement à titre conservatoire. Aujourd’hui, ils déclarent 6 millions d’euros de frais de lobbying.

120 cabinets

La transparence n’est donc pas l’unique fonction officielle du registre puisqu’il s’agit surtout de délivrer le précieux sésame ouvrant toutes les portes ou presque du Parlement. Alter-EU a rendu public en juin dernier un rapport sur ce registre de transparence [PDF, EN], un an après son lancement. Le rapport d’analyse pointe entre autres que la liste des entreprises présentes pour exercer leur lobbying n’est surtout pas exhaustive et “au total [ils ont] identifié environ 120 cabinets qui effectuent du lobbying auprès de l’Union mais qui ne sont pas enregistrées”. Et le rapport de citer Apple, Disney, Time Warner et … Monsanto. Dans le domaine, l’ONG Corporate Europe Observatory travaille – entre autre – à mettre à jour les aberrations du registre. Martin Pigeon, porte-parole de Corporate Europe Observatory explique :

L’incitation à l’inscription sur le registre c’est un badge qui permet d’aller toquer aux portes sans avoir à se faire inviter par un eurodéputé ou par son assistant. Il y a un moment où l’invasion des lobbyistes était telle que les eurodéputés ne pouvaient pas travailler. Au restaurant du Parlement [cafétéria dans l'enceinte du Parlement, NDLR], vous pouviez avoir un lobbyiste qui vous tendait un dossier.

Il a donc fallu filtrer un peu tout ce petit monde pour que les eurodéputés puissent se sustenter librement et sans être harcelés par une horde de lobbyistes. Mais pour le porte-parole, à l’origine de l’ouverture du registre, il y avait bien une question d’image, non pas celle des entreprises qui signaient mais celle de Bruxelles même : ils devaient restaurer la confiance dans les institutions européennes.

Siim Kallas, le commissaire aux affaires administratives, [aujourd'hui vice-président chargé des transports, NDLR] vient d’Estonie. À l’époque, nouveau pays membre. Et il a une grande culture de la transparence administrative”, remet en perspective Martin Pigeon.

Sauf que la transparence, parce qu’elle n’est pas obligatoire, permet aussi de dire que les données manquent de fiabilité : certaines entreprises pour des dossiers précis n’iront pas négocier seule et embauchent des consultants spécialisés sur un ou deux dossiers.

Chez CEO, on les appelle parfois les “lobbyistes mercenaires” : travaillant depuis longtemps à Bruxelles, ils ont des portefeuilles de spécialités en main et proposent leurs services quand en interne on ne parvient plus à suivre. D’autres façons d’effectuer un lobbyisme plus feutré puisqu’ils ne sont que des prestataires, et que le logo de la firme pour laquelle il travaille n’est pas collé à leur nom.

Carte Sylvain Lapoix
Données Claire Berthelemy à partir du Registre de transparence.
Illustration et couverture par Cédric Audinot pour Owni /-)

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Lutte finale contre Facebook http://owni.fr/2012/08/09/lutte-finale-facebook-the-change-book/ http://owni.fr/2012/08/09/lutte-finale-facebook-the-change-book/#comments Thu, 09 Aug 2012 16:08:29 +0000 Maxime Vatteble http://owni.fr/?p=117775

S’approprier les codes pour mieux les détourner. Le site d’information en ligne Actualutte a l’habitude d’appliquer cette philosophie dans ses articles engagés en faveur des luttes, sociales ou politiques. Elle se décline désormais à l’échelle d’un tout nouveau réseau social : TheChangebook.

Lancé depuis seulement quelques jours, plus de 2000 internautes se sont déjà inscrits sur ce réseau. Un bon début lié à son nom explicite, susceptible d’attirer facilement le chaland. Mais peut-être aussi les foudres de Facebook.

Réseau indépendant

Pensé comme une plate-forme d’échanges de contenus, libérée de toute pression publicitaire et commerciale, l’information est la principale priorité de TheChangebook. Il s’agit en réalité de dénoncer le mercantilisme propre à Facebook en utilisant ses propres symboles, comme le like ou la fanpage :

TheChangebook se place en opposition à Facebook, lequel est à but lucratif, vend ses utilisateurs par l’utilisation de la publicité et cherche à monétiser toujours davantage son réseau.

TheChangebook fonctionne sans publicité. Il est financé par Actualutte qui est garant de la préservation de l’identité des membres du réseau.

TheChangebook sera progressivement géré collectivement par ses utilisateurs.

Cette gestion collective est la grande plus-value du projet, mais n’est pas encore effective. Elle pourrait être déterminée par une équipe élue ou tirée au sort, qui décidera de la mise en avant des contenus, des initiatives et des pétitions. La direction à prendre sera décidée dans les jours à venir.

Conditions générales de mystification

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Écrites en petits caractères et dans un jargon peu accessible : ce sont les magnifiques "conditions générales ...

Les administrateurs comptent d’abord se démarquer en proposant un contenu adapté au lectorat d’Actualutte : flux RSS d’information provenant de sites indépendants ou encore mise en place d’un système de dons d’objets et d’échange de services. Cette première cible, aisément mobilisable, considère déjà TheChangebook comme une arme de poids pour faire tomber le réseau aux 900 millions d’utilisateurs : certains membres parient même sur sa mort imminente.

Profil tout craché

À première vue, Thechangebook ressemble pourtant à s’y méprendre à son ennemi juré. Mêmes couleurs, même charte graphique, mêmes interfaces comme la timeline, par exemple. Dans une interview accordée à un blogueur de Mediapart, Actualutte assure la pleine indépendance de Thechangebook: le script qui le fait tourner est comparable mais son utilisation n’est pas directement rattachée à Facebook.

Capture d'écran de la page d'accueil de Thechangebook mardi 6 août

Cette similitude avec la page d’accueil de Facebook avait prêté les premiers visiteurs du site à confusion. Consultés par les administrateurs, les utilisateurs ont décidé d’abandonner cette présentation par défaut : le noir est préféré au bleu et des poissons viennent remplacer la mappemonde. Des modifications visibles depuis le mercredi 7 août.

C’est aussi à cette date qu’a été proposée une première ébauche de la future charte d’utilisation. Contacté par Owni, Raphaël Rezvanpour, directeur de la publication d’Actualutte, a partagé ce texte encore sujet à modifications. Là encore, le réseau tient à se démarquer de son illustre concurrent et condamne clairement une éventuelle dérive commerciale :

TheChangebook se veut un lieu sans publicité, respectant la vie privée. Les démarches strictement commerciales sans intention éthique ou écologique ne seront pas acceptées. Les tentatives de hameçonnage ou de courrier indésirable à vocation commerciale sont également concernées.

La sûreté des personnes est également une priorité et tout sera mis en oeuvre contre les atteintes à la sûreté des comptes, de la vie privée, des données.

TheChangebook n’est cependant pas le seul réseau à tenter d’imposer un nouveau modèle de gestion ou se déclarant anti-Facebook. En octobre 2011, Unthink proposait cette alternative à ses utilisateurs : choisir eux-mêmes le sponsor de leur page ou une navigation exempte de toute publicité pour deux dollars par mois. Le réseau ne semble plus fonctionner aujourd’hui.

Diaspora, réseau social en Open Source actif depuis novembre 2010, offre à ses membres un contrôle total sur leurs données personnelles. Mais un lancement miné par de nombreuses failles combiné à la malice de Mark Zuckerberg ont vite freiné ses ambitions.


Illustration CC by-nc-sa Robert Danieluk

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Facebook invite à la délation http://owni.fr/2012/07/17/facebook-invite-a-la-delation/ http://owni.fr/2012/07/17/facebook-invite-a-la-delation/#comments Tue, 17 Jul 2012 15:14:27 +0000 Maxime Vatteble http://owni.fr/?p=116289 social reporting – "signalement social" – pour le réaliser. Lancée en 2011, l’opération consiste à faire des membres de Facebook les petits rapporteurs des violations des conditions générales d’utilisation du réseau. Depuis quelques jours, ils doivent confirmer l'identité de leurs amis utilisant un pseudonyme. Une seule exigence affichée pour cette armée mexicaine : la transparence.]]>

Se reposer sur la bonne volonté des membres pour aider Facebook à rester transparent est une chose. Forcer les utilisateurs à dénoncer leurs petits camarades en est une autre. C’est pourtant ce que propose Facebook dans l’ une des ses nouvelles fonctionnalités récemment décriées en France : quelques personnes ont été sommées de confirmer l’identité de leurs amis utilisant un pseudonyme. Des cas isolés qui illustrent tout de même le manque de discernement de l’entreprise, mettant sur le même plan les dangers d’une publication d’informations dangereuses ou de contenus contraires aux bonnes moeurs et l’utilisation de pseudonymes.

On ne badine pas avec la sécurité chez Facebook. Le réseau traque les contenus haineux, pédophiles, racistes, et plus globalement, toute utilisation frauduleuse des profils, de l’usurpation d’identité au piratage de compte. Lorsque l’entreprise a présenté l’année dernière le signalement social, comme « un outil innovant permettant aux utilisateurs de signaler un abus non seulement à Facebook mais aussi directement à leurs amis, ces derniers pouvant aider à résoudre les problèmes », elle a officialisé un nouveau rôle pour ses membres : celui de chien de garde.

L’utilisateur est alors considéré comme l’un des piliers de la sécurité et se devra d’aider les équipes dans leur recherche. Qu’il se rassure, il pourra remplir les objectifs de sa mission en toute discrétion, puisque ” la personne signalée n’est pas informée de l’identité de l’utilisateur qui a fait le rapport “. Selon un porte-parole de Facebook France, le signalement social est un outil efficace et même nécessaire, qui complète pleinement le travail de l’entreprise :

Les internautes utilisent Facebook pour rester en contact avec leurs amis et leur famille, pour savoir ce qu’il se passe dans le monde et pour partager et exprimer ce qui importe à leurs yeux. Ils tireront le meilleur du site en utilisant leur véritable identité. Cela permet un environnement plus sécurisé et digne de confiance pour tous les utilisateurs.

C’est pourquoi Facebook essaie constamment d’améliorer la sécurité de ses utilisateurs, en mettant à jour certains outils ou en développant de nouvelles fonctionnalités. Afin de lutter contre les faux comptes, Facebook a mis en place un système de signalement social qui permet entre autre aux utilisateurs de signaler les faux comptes sur Facebook.

Pour gérer ces signalements, Facebook a une équipe dédiée qui s’occupe spécifiquement des questions de fausse identité. Cette équipe lit les remarques qui lui sont envoyées, vérifie les signalements d’éventuels faux profils et agit en conséquence.

En réalité, derrières ces louables intentions se cache une réalité beaucoup plus simple : le réseau, dépassé par sa popularité, cherche à faire des économies. En 2010, alors que Facebook ne comptait “que” 500 millions de membres (plus de 900 millions aujourd’hui), les plaintes pour contenus contraires aux politiques générales d’utilisation du site étaient enregistrées par seulement deux équipes, l’une basée en Californie, l’autre en Irlande. En 2012, deux nouvelles équipes au Texas et en Inde sont venues compléter l’effectif mais elles ne semblent pas suffisantes pour assurer une modération globale.

Les consommateurs abandonnés aux FAI

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C'est aux consommateurs de garantir la neutralité du net. Pas aux institutions. Si les opérateurs limitent l'accès à ...

Done is better than perfect !

Ces méthodes sont pourtant typiques de Mark Zuckerberg qui applique une seule et même devise à l’ensemble de son travail « Done is better than perfect ». Le tâtonnement permanent du jeune milliardaire ne semble pas réjouir les utilisateurs de Facebook aux États-Unis, où les lois régulant la vie privée sont moins contraignantes que les textes européens : 25% d’entre eux avouent entrer de fausses informations sur leur profil afin de protéger leur identité contre 10% en 2010. Les dérives du social reporting n’inquiètent cependant pas encore les associations de défense des libertés numériques telle l’Electronic Frontier Foundation (EFF) car Facebook n’a pas encore officialisé cette fonctionnalité. Mais même les violations ponctuelles des libertés peuvent nuire aux utilisateurs.

Pire encore, cette obsession de la transparence pousse l’entreprise à employer des mesures radicales, peu efficaces mais permettant de mieux contrôler ses ouailles, comme la surveillance des messageries privées. La chasse aux pervers et aux profils dangereux devient une priorité qui prévaut sur le respect de la vie privée et des libertés.

Facebook va tenter de faire son mea culpa en intégrant le Global Network Initiative, un groupe de travail composé d’entreprises, d’investisseurs, d’associations de défense des libertés et de chercheurs et spécialisé dans la protection des libertés d’expression et de la vie privée dans le secteur des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication, qui compte déjà dans ses rangs Google, Microsoft et Yahoo. Mais l’on ne sait toujours pas ce que Facebook compte y trouver et encore moins quelles seront les garanties pour les utilisateurs. Une opacité qui remet en cause la bonne volonté affichée de l’entreprise qui exige encore une fois de faire ce qu’elle dit mais pas ce qu’elle fait.


Photo par Camille Chenchai (CC-byncnd) via flickr

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Les rockuptibles du Bangladesh http://owni.fr/2012/07/09/les-rockuptibles-du-bangladesh/ http://owni.fr/2012/07/09/les-rockuptibles-du-bangladesh/#comments Mon, 09 Jul 2012 09:09:34 +0000 Maxime Vatteble http://owni.fr/?p=115549

Concert de The Ruby Cube à l'International (c) TomoWat via Adèle Bauville

Une petite histoire révélant les limites d’un système. Le 30 juin 2012,  Killtronik, jeune groupe parisien, a été désigné vainqueur du dernier concours InrocksLab de la saison dans la catégorie choix du public. Ce public était exclusivement composé d’internautes qui ont voté en ligne pour leur groupe favori. Ruby Cube, dauphin du concours avec 500 voix de retard, a émis des réserves à propos de la validité des votes et a demandé des explications au magazine. Adèle Bauville, manager du groupe, revient sur sa démarche :

Nous avons constaté une explosion du nombre de likes sur la page Facebook de Killtronic sur la durée du concours. Le nombre de fans est passé de 5000 à 10 000 en quelques semaines. On peut voir sur cette page publique que la majorité de ces likes proviennent de Dacca, au Bangladesh. Or, de nombreux votes ont été enregistrés entre minuit et 6h du matin.  Nous avons alors choisi de contacter la rédaction des Inrocks pour leur faire part de nos doutes.

Évolution du nombre de fans de Killtronik entre juin et juillet (capture d'écran facebook)

Le jury du concours se concerte et l’équipe décide de valider la victoire de Killtronic, en appliquant strictement le règlement. Contactée par mail, Abigail Ainouz, community manager des Inrocks, précise :

Nous sommes conscients des achats de fans Facebook de Killtronik mais nous n’avons actuellement pas de preuves quant au fait que les likes de vote de ce groupe sur notre plateforme (correspondant à un url tout à fait différent par rapport a leur page fan) soient également achetés et donc constituent une fraude. Nous ne pouvons pas disqualifier un groupe sans preuve suffisante.

La com’ de Danone et Nestlé envahit Facebook

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Naturellement, l’achat de likes Facebook ou de followers sur Twitter n’est pas un crime. Certaines entreprises, à l’instar de la Française Boostic, en ont même fait leur spécialité et proposent à n’importe quelle structure d’améliorer son influence virtuelle. Aux États-Unis, Freelancer peut offrir ce service en achetant des fans depuis l’Inde, le Bangladesh, ou le Pakistan. Le manque de transparence de ces sociétés soulève toutefois de légitimes interrogations sur les méthodes utilisées.
Si rien n’interdit aux Bangladeshis de devenir les groupies d’un artiste français émergent, l’intérêt de constituer une communauté de fans à des milliers de kilomètres pour le groupe ne semble pas relever de l’évidence.
Alfio Rizzo, manager de Killtronic, évoque une autre pratique pour assurer la promotion des indépendants sur le web :

Nous cherchons avant tout à créer un trafic et augmenter au maximum notre visibilité. Notre stratégie repose sur un mailing intensif, basé sur le réseau international de notre producteur. C’est une technique très utilisée par les majors.

Un argument peu convaincant. L’enjeu serait alors d’affirmer une transparence. L’organisation des tremplins pourrait être biaisée par l’ampleur du phénomène et remettre en cause non seulement les règles du jeu mais surtout la crédibilité des organisateurs. Cette éventualité a été prise en compte par le jury, comme le confirme Abigail Ainouz :

C’est la dernière sélection de la saison, nous allons devoir modifier des outils techniques pour la rentrée pour tracker ces liens Facebook, et pouvoir ainsi connaitre l’origine et la fréquence de leur utilisation.

Des mesures déjà appliquées officieusement : une semaine après la parution des résultats, Killtronik a décidé d’annuler sa participation et a été disqualifié, lundi 9 juillet au matin. Le jury des Inrocks a alors attribué la victoire à Ruby Cube, qui aura le droit de se produire sur la scène de la Flèche d’Or, mercredi 11 juillet.

Et si toi aussi tu habites au Bangladesh et que tu apprécies cet article, n’hésite pas à liker.


Photo de The Ruby Cube à l’International de Tomo Wat (c), avec l’aimable autorisation d’Adèle Bauville

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La taxe qui crève l’écran http://owni.fr/2012/07/05/la-gabelle-pour-aller-valser/ http://owni.fr/2012/07/05/la-gabelle-pour-aller-valser/#comments Thu, 05 Jul 2012 13:16:53 +0000 Lionel Maurel (Calimaq) http://owni.fr/?p=115462

En annonçant que la redevance TV pourrait être étendue aux ordinateurs, qui touche directement à la conception de la création en ligne et de ses modes de financements, la Ministre de la Culture Aurélie Filippetti a provoqué une levée de boucliers de la part de nombreux acteurs. Une telle proposition, même rejetée depuis, s’inscrit dans le refus exprimé par l’actuelle équipe gouvernementale de lier l’instauration de nouveaux prélèvements en faveur de la création à la consécration de nouveaux droits au profits des internautes.

Dans une chronique publiée au mois de mars dernier, pendant la campagne présidentielle, j’avais déjà dénoncé cette tentation de lever de nouvelles TAXes, sans chercher à instaurer une PAX numerica, par le biais d’une rééquilibrage du système de propriété intellectuelle en faveur des usages. Le gouvernement a annoncé depuis qu’il rejetait l’idée de l’extension de la redevance TV aux ordinateurs, mais il est probable que d’autres projets de financement plongeant leurs racines dans les mêmes conceptions verront le jour.

Hollande entreprend la culture

Hollande entreprend la culture

Le flou de l'après Hadopi, c'est du passé. Dans une tribune qui paraît dans Le Monde, le candidat socialiste ...

En rejetant a priori des modèles comme ceux de la licence globale ou de la contribution créative sous la pression de lobbies divers et variés, le candidat Hollande a fermé la porte à ce qui aurait pu constituer une véritable piste pour créer un droit d’auteur adapté aux évolutions de l’environnement numérique. Sommes-nous prêts à payer des gabelles numériques au nom de cette idéologie ?

Taxer les écrans ?

La proposition d’Aurélie Filippetti était relativement mesurée. Elle consistait à étendre l’obligation du paiement de la redevance audiovisuelle, destinée au financement de la télévision publique, aux possesseurs d’un ordinateur (d’une tablette ? d’un smartphone ?) qui déclarent ne pas avoir de téléviseurs. Cette “taxe sur les écrans” ne se serait cependant pas cumulée avec celle déjà prélevée sur les téléviseurs et elle se serait appliquée par foyer et non par écran possédé.

Mais indépendamment de tous les problèmes techniques et juridiques mis en avant par certains observateurs, cette taxe sur les écrans soulèvent des problèmes de fond, dont on peut hélas craindre qu’ils soient représentatifs des contours de la politique numérique du nouveau gouvernement. C’est Jean-Noël Lafargue sur son site, Le dernier blog, qui a sans doute décrit le mieux où se situe le malaise :

Il faut refuser cette taxe, non pas pour les cent-vingt-cinq euros qu’elle coûtera [...], mais pour le symbole : assimiler l’ordinateur et le réseau à un téléviseur, c’est refuser de voir que les gens y trouvent d’abord ce qu’ils apportent eux-mêmes, c’est refuser le partage de contenu, c’est refuser la coopération entre internautes, c’est refuser le bouleversement hiérarchique que représente le réseau, dont les “habitants” ne sont pas les passifs récepteurs d’un contenu officiel, venu d’en haut, mais les acteurs de leur existence en ligne. Les taxes sont aussi un moyen pour refuser que certaines choses soient gratuites, et puissent donc échapper aux impératifs de rentabilité. Le péril est grand en ce moment, car les politiques ne sont plus isolés et plusieurs acteurs de l’économie “numérique”, tels que Facebook ou Apple, semblent partager le même but : verrouiller Internet.

Internet n’est pas une télé !

Une pax numerica pour la création

Une pax numerica pour la création

Chacun rivalise d'ingéniosité pour inventer une nouvelle taxe qui permettra de financer la création à l'heure d'Internet. ...

Dé-corréler la création de nouvelles sources de financements de la consécration de nouveaux droits, c’est nier que les écrans des ordinateurs et des appareils numériques ne sont pas seulement des instruments de consommation passive, mais qu’ils sont les outils permettant à des millions d’internautes citoyens de créer et de s’exprimer en ligne. Il est significatif à cet égard de noter qu’à peu près au même moment où Aurélie Filippetti faisait son annonce relative à la redevance audiovisuelle, le New York Times consacrait un long article à l’émergence des amateurs sur YouTube. YouTube est le symbole par excellence du dépassement du paradigme de la télévision, qui a donné au spectateur un moyen simple de produire lui-même son propre contenu et de toucher une audience : “Broadcast Yourself !” Et la tribune dans le même temps consacrait de son côté un article aux makers, pro-amateurs, consom’acteurs, témoignant lui aussi du brouillage sans cesse croissant des frontières en ligne.

La chair vive du web, en termes de création, n’est plus seulement le fait de professionnels, mais celui des amateurs, producteurs de ce User Generated Content qui fait la valeur des plates-formes de partage de contenus en ligne. Les derniers chiffres montrent d’ailleurs que la part des internautes qui contribuent activement à la création de contenus a significativement évolué ces dernières années, au point de faire mentir la fameuse règle des 90-9-1.

Si le sujet touche directement à la question de la place de l’amateur dans la création, on relèvera aussi qu’une des personnes ayant réagi le plus vivement à l’annonce de cette redevance sur les écrans est un auteur et éditeur professionnel, François Bon, sur son site le Tiers Livre. Profondément investi dans les pratiques de création numérique, il s’offusque  que son outil de travail puisse être ainsi assujetti à redevance :

[...] c’est grave. C’est prendre à nouveau et encore le numérique pour une espèce de poire avariée. Ils auront beau jeu, les fonctionnaires du fisc, d’aller dans chaque bureau du CNRS et secouer le veston ou la blouse de chaque chercheur pour leur faire raquer à proportion des écrans sous leurs yeux.
Bien pour la littérature, c’est pareil. Mon petit 11″ de l’écriture perso, le 13″ des tâches administratives et comptables, mail etc, lui-même relié à un 25″ pour les mises en page InDesign et le codage… c’est mon outil de création, mais c’est aussi mon outil de vie, labeur fin de mois compris.
[...] Alors rien que le fait qu’on vienne me dire ça : que j’aurai à payer pour mon outil d’écriture, parce que l’État ou je ne sais quel fonctionnaire ou politique a eu cette idée lumineuse, non. Juste non.

Gabelles et Gabelous

La licence globalement morte au PS

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La licence globale, ou vie et mort d'une idée dans le champ politique. En particulier dans le champ du PS. Autour de ...

Dans le contexte actuel de renouvellement des pratiques de création, aussi bien en ce qui concerne les amateurs que les professionnels, cette “taxe sur les écrans” apparaît complètement décalée. Si l’on devait lui trouver un nom, ce devrait être celui de “gabelle numérique”, pour le côté vexatoire et injuste qu’elle comporte.

Gabelle numérique, car la gabelle, cet ancien impôt d’Ancien Régime qui frappait les sujets à travers le sel qu’ils consommaient, avait pour corollaire les Gabelous, ces douaniers chargés de la répression de la contrebande, qui ont laissé une sinistre mémoire en raison de leur férocité.

Toute gabelle appelle mécaniquement la répression. Cette façon de concevoir le financement de la création sans consacrer de nouveaux droits appellera donc des Gabelous : la poursuite de la guerre au partage sous une forme ou une autre, voire le maintien du système Hadopi. Car à bien y réfléchir, la taxe sur les écrans et la coupure de la connexion Internet sont comme deux faces d’une même pièce ; ils procèdent d’une idéologie similaire et il ne faut pas s’étonner que les atermoiements du gouvernement sur l’avenir d’Hadopi persistent encore et toujours, malgré le lancement de la consultation sur l’acte 2 de l’exception culturelle confiée à Pierre Lescure. Le discours de politique générale du Premier ministre a encore une fois été un monument d’ambiguïté sur ces questions

Si cette redevance sur les écrans est écartée par le gouvernement, gageons cependant que d’autres gabelles numériques suivront, car toutes les nouvelles sources de financements envisagées sont peu ou prou conçues sur ce modèle : Taxe pour financer le Centre National de la Musique, Fiscalité numérique 2.0, Taxe Amazone, Taxe sur le Cloud Computing, etc. On aura compris qu’il faut trouver, vaille que vaille, de nouvelles sources de financements pour la création, mais surtout, surtout, sans jamais évoquer la question de la consécration de nouveaux droits pour l’usager, afin de ne pas écorner la sacro-sainte statue de Beaumarchais.

Peu importe que la Fondation Jean-Jaurès se déclare en faveur de la licence globale européenne et appelle le gouvernement à ne pas écarter cette piste ; peu importe que la Suisse la mette en débat à son Parlement ; peu importe que Richard Stallman, infatiguable défenseur de ces modèles alternatifs, ne viennent rappeler que des propositions concrètes existent depuis longtemps ; peu importe qu’un auteur comme Philippe Aigrain ait exploré en détail les implications du passage à la contribution créative : il semble toujours que d’autres sirènes sifflent plus fort ou savent trouver une oreille plus attentive.

Vous préférez la licence globale “privée” ?

Pendant ce temps, les gros opérateurs privés, qui vivent justement de la production et du partage des contenus par les internautes — comme Facebook, ce “roi des voleurs“ — manoeuvrent eux aussi, et il est fort possible qu’à défaut d’une licence globale consacrée par l’Etat, nous ne finissions par tomber sous le coup d’une licence globale “privée”, avec laquelle tout le monde — artistes, amateurs, public — seraient perdants.

Le risque d’une telle dérive a déjà été évoquée lorsque des opérateurs comme Apple, avec son service iTunes Match, avait proposé des offres de stockage de fichiers dans le cloud qui auraient permis aux internautes de “blanchir” leurs fichiers piratés, en échange d’un abonnement annuel. Plus récemment, un opérateur comme YouTube proposait à ses utilisateurs d’éviter le retrait des vidéos protégées qu’ils diffusent à condition d’accepter que de la publicité soit diffusée pour rémunérer les titulaires de droits.

Ce qui est intéressant avec ces systèmes, c’est que les géants du web ont bien compris que la mise en place de nouvelles formes de financements, plutôt que de constituer de pure “gabelles numériques”, devait être couplée à la consécration de nouveaux usages, ce que se refusent à faire les pouvoirs publics. Ces grands acteurs privés ont à vrai dire tout intérêt à prendre de vitesse le public à ce jeu, car ils pourraient obtenir par ce biais un renforcement de leur position dominante, qui ne présage rien de bon pour l’évolution d’Internet. Et c’est aussi ce qui rend important qu’une solution publique se mette en place.

A vrai dire, peut-être ne faudra-t-il pas trop se plaindre, si nous finissons ainsi écrasés entre des gabelles numériques publiques et des licences globales privées, sur fond de répression des usages et de course au monopole ? Car en effet, il s’est trouvé bien peu de partisans pour défendre ces modes alternatifs de financement de la création.

Zone peertageuse temporaire

Zone peertageuse temporaire

Ce mardi 1er mai, une bourse aux échanges numériques était organisée dans le cadre du Festival des ouvertures utiles. Un ...

Même du côté des défenseurs de la Culture libre, les prises de positions sur le sujet sont devenues confuses et difficilement lisibles, au point qu’un candidat à la présidentielle comme François Bayrou avait fini par rejeter la licence globale… en s’inspirant des positions du Parti Pirate français ! Du côté d’un collectif comme Libre Accès, il y a eu aussi évolution vers un rejet de la licence globale, au motif qu’il ne fallait pas chercher à compenser les pertes occasionnées par le partage des oeuvres en ligne, dans la mesure où celles-ci n’étaient pas attestées.

C’était sans doute oublier que d’autres modèles, comme celui de la contribution créative, n’entendent pas compenser les pertes des industries culturelles, mais fonder une nouvelle économie du partage, en récompensant tous ceux qui créent des contenus en ligne, y compris les amateurs. Au lieu de cette nouvelle économie du partage, nous aurons donc sans doute ces gabelles numériques, qui ne ramèneront pas la paix en ligne, alors que l’échec d’un traité comme ACTA, s’il est un signe encourageant, appelle plus que jamais à présent l’exploration de nouvelles pistes alternatives.

Nouvelle Alexandrie

Le problème, à vrai dire, n’est pas en soi la taxe sur les écrans, car on aurait pourtant pu faire bien des choses intéressantes avec un tel levier financier ! Dans le web-docu-fiction “Le jour du vote”, qui vous propose de vous placer dans la peau d’un député au moment du vote d’une nouvelle loi sur le piratage, il est ainsi imaginé qu’une nouvelle loi “Alexandrie” vienne remplacer la loi Hadopi. Le dispositif envisagé est articulé comme suit :

1) La dépénalisation du téléchargement, en reconnaissant que la musique doit être tenue pour un bien collectif, c’est-à-dire partageable par tous les utilisateurs sans limite de temps, ni de quantité;
2) la création de la Bibliothèque Numérique de France, sur laquelle tous les auteurs de musique seraient obligés de déposer leurs oeuvres, où tous les utilisateurs de l’internet pourraient les écouter gratuitement;
3) le financement de ce projet de Bibliothèque, par une taxation des fournisseurs d’accès à Internet et de tous les supports d’écoute de musique numérique (ordinateurs, téléphones, etc).

Une taxe numérique pour créer une nouvelle Alexandrie ! Voilà bien autre chose qu’une gabelle numérique et le bibliothécaire que je suis ne peut qu’applaudir !


Photo : Merci à Filo le chat des interouèbes ;)

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