OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 La nébuleuse suisse des copinages public-privé http://owni.fr/2012/11/29/la-nebuleuse-suisse-des-copinages-public-prive/ http://owni.fr/2012/11/29/la-nebuleuse-suisse-des-copinages-public-prive/#comments Thu, 29 Nov 2012 11:20:36 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=126801 Le Matin a traqué les liens entre public et privé dans l'attribution des marchés publics pour les résumer en une magnifique carte où se mêlent argent, influence et conflits d'intérêts, en s'appuyant sur le registre des appels d'offre de la confédération helvétique. ]]>

À plat sur un poster, les réseaux entre administration et entreprises bénéficiant de la commande publique suisse forment une galaxie. Littéralement. Fruit de l’enquête des journalistes du quotidien Le Matin et des talents de visualisation de l’agence Pegasus Data, cette superbe datavisualisation a été publiée dimanche 25 novembre dans les éditions francophone et germanophone du quotidien. Elle est, de plus, accompagnée sur Internet d’un très intéressant déroulé de la démarche ayant permis la réalisation de ce graph.

La cartographie intégrale des 1750 mandats délivrés par la confédération suisse pour des marchés publics. En bleu, les administrations, en grisé, les entreprises, et sur les lignes qui les relient, des points noirs, fonctionnaires en lien avec le privé ou inversement (cliquez pour la version haute définition).

À la source de ce schéma d’influences, les 1 745 mandats fédéraux attribuées à des entreprises par la confédération helvétique réunis sur la plate-forme Simap (qui ne contient malheureusement pas les nombreuses attributions “de gré à gré”) que les journalistes du Matin ont regroupé sur les années 2009 à 2012 afin d’en extraire une liste des cadres des entreprises visées et des responsables des administrations successives. À partir de là (aidé par les données du societe.com suisse, InfoCube.ch), les journalistes ont pu cartographier les liens unissant tel ou tel membre de l’administration, où, selon Le Matin, des conseillers fédéraux très pointus revendent régulièrement leur service une fois passés dans le privé via des boîtes de conseils créées à cet effet.

Injectés dans le logiciel opensource de cartographie Gephi, les données du registre des marchés publics raffinées révèlent les connexions croisées entre public et privé autour de contrats publics chiffrés en millions de francs suisses.

Injectées dans le logiciel de cartographie Gephi, les contacts se sont mués en arc et les masses de francs suisses des contrats publics en volume des bulles que formaient administrations et entreprises. Entre un commanditaire public et un délégataire se glisse parfois un point noir : il s’agit des personnes ayant eu un lien avec l’administration et l’entreprise, autrement dit, d’un copinage. Marius Redli (le point numéro 2 sur le schéma) a ainsi récupéré par le biais d’une entreprise de consulting montée de toute pièce 150 000 francs suisses (124 500 €) de contrat avec la base informatique de l’armée le lendemain de son départ en retraite de l’Office fédérale de l’informatique et des télécommunications. Un mandat bientôt doublé en montant, peut-être du fait du poste de colonel actif du même Redli au sein de l’administration militaire. Et il ne s’agit là que de contrats passés par des commandes publiques : l’Administration fédérale des contributions s’est ainsi vue décapitée suite à la découverte de 55 contrats passés de gré-à-gré dans le cadre de commandes en service informatique pour un total de 150 millions de francs suisses (124,5 millions d’euros).

Une règle existe pourtant depuis 2009 pour interdire contractuellement à un spécialiste de l’administration de se recaser dans une entreprise liée à son employeur public pendant deux ans. Mais, constatent nos confrères du Matin, elle n’a jamais été appliquée et épargne nombre des étoiles filantes de cette nébuleuse de copinage.

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Corruption italienne à la carte http://owni.fr/2012/10/23/la-corruption-italienne-a-la-carte/ http://owni.fr/2012/10/23/la-corruption-italienne-a-la-carte/#comments Tue, 23 Oct 2012 13:45:44 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=123843 Il Sole 24 Ore sur la corruption sur fond de récente interpellation du Président de la Lombardie, en Italie, qui met en lumière l'augmentation des scandales politico-financiers suite à la décentralisation. Le Nord n'a plus à jalouser le Sud dans les affaires de corruption.]]>

Veille data

La rupture historique entre Italie du Nord et du Sud semble se résorber sur un point : en matière de corruption, la plaine du Pô rivalise désormais avec la pointe de la botte.

Dans une carte aussi élégante qu’informative, le quotidien économique italien Il Sole 24 Ore a répertorié, par région, les mises en accusations et condamnations ayant frappé élus et agents des conseils : 7% des 1 300 conseillers et administrateurs sont actuellement en examen ou ont été jugés coupables de faits de corruption et autres délits politico-financiers.

La géographie des scandales politiques (cliquez pour visualiser le grand format).

Depuis la décentralisation qui a élargi en 2001 les prérogatives de ces instances, les scandales se sont multipliés, doux mélange de manipulation électorale et de détournement d’influence. Le dernier en date (et non des moins spectaculaires) a vu le président du conseil de Lombardie (région de Milan), Domenico Zambetti, embarqué et mis en détention pour des liens avec le crime organisé calabrais, la ‘Ndrangheta. L’élu est suspecté d’avoir “acheté” sa victoire aux élections régionales de 2010 par une livraison de 4 000 voix acquises par la mafia, à raison de 50 € le bulletin. En plus du président de la région, une vingtaine de personnes ont été visées par l’opération de police. De quoi élever ce scandale au rang de plus grosse affaire politico-financière des régions italiennes depuis le Laziogate [it] en 2007.

Dans l'ombre de la réputation mafieuse du Mezziogiorno, les riches régions du Nord s'avèrent tout aussi concernées par les scandales politiques que le Latium, la Campanie ou les Pouilles.

Cette actualité met en lumière un fait que la carte d’Il Sole érige en évidence : contrairement à l’imagerie populaire bâtie sur l’affaire Falcone, la corruption et les scandales politiques ne sont pas le monopole du Mezziogiorno. Classés en jaune pour les mises en examens et rouges pour les condamnations, les élus (“consiglieri”, en clair) et administrateurs (“assessori”, en foncé) concernés par de telles affaires sont certes plus nombreux en Sicile (20 administrateurs mis en examen et 6 condamnés). Mais, au second rang, la Calabre (terre de la N’Drangheta précédemment citée) ne surpasse en scandales que d’une courte tête la très riche province de Milan, la Lombardie. Elément notable : la Sicile ne compte que des élus dans les personnels régionaux visés par des procédures là où les régions du Nord voient leurs administrateurs appelés en plus grand nombre au tribunal.

La majorité des affaires visant les personnels des régions portent sur la corruption et les délits associés (extorsion, détournement et abus de pouvoir), suivis du financement illégal. Les cas liant élus ou administrateurs à la mafia, la prostitution ou les attributions de marchés publics ou de permis de construire n’arrivent qu’en queue de peloton. Sur les vingt régions italiennes, seules quatre sont actuellement, d’après les information d’Il Sole, vierge de toute procédure judiciaire.


Photo par Chris Beckett [CC-byncnd]

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Les hackers débrident la Chine http://owni.fr/2012/05/08/les-hackers-debrident-la-chine/ http://owni.fr/2012/05/08/les-hackers-debrident-la-chine/#comments Tue, 08 May 2012 07:39:23 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=108086

Dans l’imaginaire, le hacker chinois est un vilain pirate, parfois à la solde du gouvernement. Si ces black hats sont effectivement une réalité, une communauté de “gentils” hackers prend son essor en parallèle. Jusqu’à présent fournisseur en leds et autres circuits imprimés des hackerspaces du monde entier, les Chinois mettent à leur tour la main dans le hack. Illustration de cet envol, deux grands événements dédiés aux bidouilleurs créatifs de tous poils, hackers et makers, sont organisés ce printemps. Maker Faire, un concept de foire populaire né aux États-Unis et depuis décliné avec succès sur d’autres continents, s’est tenu pour la première fois en Chine en avril : Shenzhen, une ville au sud du pays jouxtant Hong Kong en pleine explosion économique, a accueilli des adeptes du DIY (do it yourself, fais-le toi-même). Et Maker Carnival a clos ses festivités samedi à Beijing, la capitale du pays, sur le même principe : des exposants, des ateliers, des rencontres.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Que mille hackerspaces fleurissent

L’Afrique, berceau de la bidouille

L’Afrique, berceau de la bidouille

Traversée par la tradition de la bidouille, l'Afrique manquait jusqu'ici de lieux où développer cet esprit. Mais le ...

À l’origine du mouvement, on trouve des Chinois qui ont eu l’occasion de s’expatrier ou de beaucoup voyager. Ricky Ng-Adam, qui a co-fondé le premier hackerspace chinois en 2010 à Shanghai, avec sa femme Min Lin Hsieh et David Li  XinCheJian, est même né au Canada.

Ensuite, des autochtones pur jus ont fini par grossir les rangs. Et ils prennent à leur tour l’initiative : le dernier-né, Onion Capsule hackerspace, à Hangzhou, a été lancé par quelqu’un qui n’a jamais quitté la Chine, tout comme ses membres.

Si on y vient pour le plaisir gratuit de bidouiller, cette montée en puissance est aussi favorisé par le contexte d’effervescence économique, comme l’explique Ricky Ng-Adam :

La  Chine est un endroit très propice, d’abord, parce que la technologie joue un rôle primordial au développement économique et avec beaucoup moins de controverse. Ensuite, dans un pays où le guanxi (relations interpersonnelles) jouent un rôle primordial, il est parfois difficile pour les Chinois qui sont à l’extérieur des organisations reconnues et légales, assez limitées, de créer ce genre de connexion. Un hackerspace permet aux plus jeunes de se rencontrer et de bâtir un réseau qui leur est propre à travers des projets collaboratifs plutôt que des repas bien arrosés et enfumés.
Certains participants chinois font effectivement pression pour transformer l’espace en incubateur ou espace purement commercial qui ont de la difficulté à percevoir les avantages non-monétaires de participer dans un tel espace. Souvent, la question clé de leur part concerne nos “profits”.

Et d’illustrer son propos avec son propre exemple puisqu’il démarre une entreprise avec un partenaire rencontré dans son hackerspace, un ingénieur électronique chinois. Leur idée ?
Viser les hackers avec un produit de niche, un super Arduino. De même, Eric Pan, un des organisateurs de Maker Faire Shenzen, a créé Seeed Technology, une société spécialisée dans le hardware open source, et co-fondé Chaihuo makerspace.

Satisfaire le marché intérieur

Mitch Altman, arpenteur inlassable des hackerspaces du monde entier, a pu mesurer cette effervescence lors de sa tournée des popotes. Six espaces visités, dont un à l’université de pétrochimie de Beijing. Il fait partie du programme Toyhouse, dont l’objet est d’implanter des hackerspaces dans les écoles et les universités dans toute la Chine pour favoriser l’apprentissage à travers un environnement créatif, pratique et ludique. Une initiative d’un professeur que Mitch résume ainsi :

Aider à faire évoluer la culture chinoise pour que le pays puisse connaître un futur économique.

Eric Pan et Mitch Altman à Shenzhen en avril 2012 (cc) Maltman

Mitch Altman y voit un des chemins pour faciliter une émancipation économique inéluctable. Les Chinois vont devoir innover autrement, car les équilibres économiques changent. Après avoir pendant des années conçu et fabriqué des objets destinés à être exporté dans les pays occidentaux, il va s’agir de se tourner maintenant vers leur marché intérieur en expansion, à la faveur de l’émergence d’une classe moyenne.

La Chine a une longue tradition confucianiste, où les gens ont une position et un rôle dans la société fixée à leur naissance. L’épanouissement personnel passe après. Les gens du coup sont encouragés à acquérir un statut plus élevé et à faire de l’argent, comme substitut à l’épanouissement. La possibilité d’être créatif est réduite grandement, alors que l’économie mondialisée d’aujourd’hui a besoin de gens créatifs au sens large.

Il y a un milliard de gens ici. Si un certain pourcentage explore et fait ce qu’il aime, ils trouveront des biens et des services pour la culture chinoise et monter une économie locale dont le pays a besoin. Et les hackerspaces peuvent jouer un rôle, en tant que communauté d’entraide où les gens font ce qui leur plait, que cela rapporte ou non de l’argent.

Eric Pan n’a d’ailleurs pas choisi au hasard de monter Maker Faire à Shenzen. Son but était de casser du stéréotype, expliquait-il. Si Shenzen est effectivement la ville où Foxconn, le très controversé sous-traitant d’Apple, elle n’a pas à rougir :

Shenzen est la ville la plus avancée en matière de technologie et de science en Chine, le meilleur endroit pour les start-ups. Il y a deux universités et chaque université, y compris celle de Beijing, a une antenne ici.

In fine, ce développement des hackerspaces est un vecteur de démocratisation, comme le souligne Ricky Ng-Adam :

Ils permettent de tisser des liens entre des groupes de différentes disciplines, classes sociales et âges sur une base égalitaire et axé sur la technologie. Nous pouvons servir d’inspiration pour la création d’une société ouverte et innovatrice.

Récupération gouvernementale

Facilitateur d’innovation et ferment démocratique : autant de raisons pour que le puissant État chinois suive de près le mouvement. Outre Toyhouse, la province de Shanghai a ainsi annoncé cet automne qu’elle allait soutenir un plan de développement de cent hackerspaces. Ce projet qui doit démarrer en mai prévoit de fournir le matériel aux hackerspaces remplissant certaines conditions : 100 m2 de surface et ouvert au moins deux cents jours par an.

Par définition, l’éthique hacker, où la notion de liberté et de détournement sont fondamentaux, semble difficilement compatible avec des fonds venus du gouvernement, a fortiori d’un État peu réputé pour son penchant pour les libertés fondamentales. Ricky Ng-Adam est dubitatif :

Il est intéressant de constater que la proposition originale se concentre uniquement sur les outils et l’espace physique sans considération pour la communauté – l’aspect qui devrait pourtant primer. Mais si les hackerspaces du gouvernement deviennent réalité un jour et qu’il y a effectivement clivage, il y aura probablement aussi création de règles dédiés à exclure des hackerspaces comme XinCheJian.
Comme tout les aspects de la société, nous sommes à la merci du gouvernement central qui pourra choisir soit d’appuyer à grande échelle une communauté avec un impact positif ou de l’interdire carrément s’ils le perçoivent comme un danger à leur pouvoir.

De fait, le gouvernement chinois a une attitude ambivalente envers les organismes à but non lucratif émanant de la société civile, dont il a à la fois besoin mais qui constituent un terreau contestataire. Des inquiétudes se sont élevées à propos des moyens de pression exercés par l’État pour leur nuire, en particulier financiers. Pour se prémunir, XinCheJian est enregistré comme entreprise. À moins que cette annonce grandiose ne serve surtout les poches des proches du pouvoir, dans un pays où la corruption est galopante.

Des craintes que ne partage pas (officiellement) Hao Zhang, un des organisateurs de Maker Carnival, et un des membres fondateurs Makerspace Beijing. Il est résolument optimiste :

Je ne vois pas d’inconvénient à cela. Si les universités, les entreprises et même des gens peuvent commencer un hackerspace, pourquoi pas le gouvernement ? C’est même mieux si le gouvernement soutient car cela bénéficiera à plus de gens et que le développement sera plus rapide. J’espère que tout le monde pourra faire ce qu’il veut dans le futur, sans faire de mal à d’autres.

C’est la raison principale pour laquelle que j’ai commencé le hack :

la liberté.


Illustrations par le Maker Carnival 2012 et editing par Ophelia Noor pour Owni /-) Photo d’Eric Pan et Mitch Altman via la galerie Flickr de Mitch Altman (CC-bysa)

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Les Data en forme http://owni.fr/2011/12/05/corruption-data-finlande-tunisie-population-musique/ http://owni.fr/2011/12/05/corruption-data-finlande-tunisie-population-musique/#comments Mon, 05 Dec 2011 07:32:58 +0000 Paule d'Atha http://owni.fr/?p=89090 C’est à ce moment précis que vous pouvez monter le son et mettre en pause quelques minutes éblouissantes de votre vie.

Stephen Malinowski a pratiqué le piano durant deux décennies avant d’entamer une carrière de programmeur. À la croisée de ces chemins est née la machine à animer la musique, concept phénoménal de visualisation réalisé grâce à un simple petit logiciel de sa fabrication. Nous vous proposons ci-dessous un peu d’émerveillement grâce à la célébrissime Nocturne opus 9 n°2 en mi bémol majeur de Frédéric Chopin, qu’il composa lorsqu’il avait tout juste vingt ans. Et nous vous encourageons vivement à partir à la découverte de l’univers géométrique de Malinowski : vous rêverez alors de ronds, de carrés, de losanges et de couleurs arc-en-ciel.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

“Cette époque est désaxée”

Vous connaissez sans aucun doute l’ONG Transparency International, qui lutte contre la corruption dans le monde en enquêtant sur le terrain et en remontant les informations à la population et au plus haut niveau des États. Chaque année, cette organisation publie son indice des perceptions de la corruption, et 2011 est l’occasion de mettre en forme toutes ces données [zip] (récoltées via 17 sources auprès de 13 institutions) à l’aide d’une élégante dataviz. Sans surprise, la Norvège, la Suède, la Finlande et le Danemark – accompagnés de la Nouvelle-Zélande et de… Singapour – sont les pays dont les pouvoirs publics sont les moins corrompus du monde. Nous vous laissons découvrir quels sont les 12 Etats à l’autre bout de cet index.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

“The Proxy Platform” (qu’on traduira un monde de mandataires) est une pièce fascinante du Projet de Couverture de la Corruption et du Crime Organisé (OCCRP), réseau de journalistes d’investigation d’Europe de l’est et d’Asie centrale. Cette cartographie de haut-vol met en lumière l’énorme travail de recherche qu’il a été nécessaire de déployer pour comprendre les mécanismes les plus insidieux de la corruption, des falsifications d’identités – souvent aux dépens des citoyens incriminés -, des politiciens véreux, des crapules de tous bords et des banquiers fantômes. Le principe de la cartographie est simple et efficace : un “proxy” (mandataire), une entreprise-fantôme, une banque – une bulle contextuelle qui apparaît, une histoire-enquête à lire. Et une passionnante et inédite grille de lecture de ces réseaux d’influence.

Plus humoristique, mais pas moins sérieux, l’initiative du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) en faveur du renouveau en Tunisie : La bourse de la corruption est une plate-forme de crowdsourcing et de visualisation en direct d’un cours fictif des différents actes de corruption possibles dans un pays en transition démocratique. On y vérifiera donc si l’achat d’un match de foot vaut toujours plus que le passage en douce d’un container à la douane, ou si l’obtention “amicale” d’un permis de conduire équivaut toujours plus ou moins à vingt fois le pot-de-vin nécessaire pour l’annulation d’une amende au feu rouge. Nos lecteurs tunisiens sont invités à participer à l’enrichissement de cette application citoyenne. Et ceci n’est pas une tentative de corruption.

“Être ou ne pas être”

Eloignons-nous de la corruption pour deux petites datavisualisations politiques franchouillardes que nous avons aimé cette semaine.

La première nous a été soufflée par Anthony Veyssière (merci à lui) et concerne l’élection présidentielle française – posant la question que nous nous posons tous : qui tweete le mieux ?
ReTwhit2012 est ainsi une web-application qui “récupère les tweets de personnalités politiques françaises via l’API de Twitter et les classe en fonction de leur nombre de retweets et de la date”, soumise au concours #Googleviz que nous avions récemment évoqué dans un autre épisode des Data en forme. Nous souhaitons donc bonne chance (s’il en est) à Anthony pour ce sympathique projet.

Autre habitué de la bidouille, le journaliste de données du Monde.fr Alexandre Léchenet, qui a fait un passage chez OWNI , est le co-auteur de la récente cartographie des batailles de Paris auxquelles nous risquons fort d’assister lors des prochaines législatives au printemps. Une carte Google, un peu de découpage, du contexte, et voici la capitale cisaillée et expliquée avec limpidité.

“Qui meurt paie ses dettes”

Nous vous avons précédemment guidé vers le travail de Jenn Finnas pour sa carte Occupy Wall Street. Nous nous tournons aujourd’hui vers une autre partie de son corpus : Qui sont les plus riches Finlandais ? Grâce à une représentation très épurée, Finnas met en lumière un certain de nombre de vérités dévoilées tous les mois de novembre en Finlande par les services des impôts (vous savez, ceux qui ne sont pas corrompus). Par exemple : ce ne sont pas ceux qui travaillent le plus qui gagnent le plus. Et autres joyeusetés du même goût. Pour la partie technique, le (data-) journaliste, habitué de D3.js – dont on vous a déjà causé plusieurs fois – et de Protovis, s’est emparé cette fois-ci de Raphael.js.

Il ne vous a pas échappé que nous avions récemment passé le cap officiel des 7 milliards d’êtres humains sur Terre. Cet événement donne lieu à une avalanche d’inspirations graphiques – plus ou moins heureuses, dont nous avons fait le tri ici ou . Cette semaine, nous vous avons sélectionné une infographie originale nommée Seven Billion. Rassurez-vous, si l’originalité n’est pas dans le titre, elle est bel et bien dans la réalisation : son allure “sci-fi” offre un confort de lecture pas si fréquent, et le choix des données utilisées et comparées est d’une grande pertinence. Saviez-vous, par exemple, qu’il y avait sur notre planète 350 millions de tonnes d’êtres humains – soit 8,5 fois moins que la masse totale de fourmis ? Saviez-vous que nous, sept milliards que nous sommes, comptons pour 0,00018% de la biomasse terrestre mais que nous utilisons 20% des ressources du sol sur lequel nous vivons ? Savez-vous à quoi ressemble l’être humain type ? Vous le découvrirez grâce à cette élégante visualisation.

Pour terminer cet 11e épisode des Data en forme, nous vous proposons une nouvelle “histoire par les cartes” (Map Stories) racontée par l’ESRI : Our Global Footprint place savamment les débiteurs et les créditeurs de l’empreinte carbone mondiale. Ces spécialistes examinent la biocapacité disponible (c’est-à-dire la capacité de la nature à produire des biens utiles et à absorber nos déchets tels que les émissions de dioxide de carbone) et la mette en balance avec notre empreinte écologique.


Retrouvez les précédents épisodes des Data en forme !
Les illustrations sont des captures d’écran des sites mentionnés ; les intertitres sont de William Shakespeare.


Auto-promo : 22Mars, la société éditrice d’OWNI, a développé et dévoilé cette semaine une application d’Open Data “Où habitez-vous vraiment ?” avec Orange Labs en partenariat avec la Fing et EverydataLab. Allez faire le test !

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Ben Ali en Seine http://owni.fr/2011/06/20/ben-ali-en-seine/ http://owni.fr/2011/06/20/ben-ali-en-seine/#comments Mon, 20 Jun 2011 13:16:27 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=70881 La Section antiterroriste de la Brigade criminelle de Paris enquête sur une ténébreuse affaire de pressions contre un avocat, et de menaces de mort, susceptible d’avoir été coordonnée depuis l’immeuble du 36 rue Botzaris. C’est-à-dire le bâtiment parisien considéré comme le quartier général français des activités criminelles du RCD, le parti de l’ex dictateur Ben Ali, objet de tant de rebondissements diplomatico-policiers ces derniers jours.

Ces découvertes judiciaires permettent peu à peu d’envisager l’importance des réseaux occultes de Ben Ali à Paris, lesquels ne semblent pas avoir disparu avec la fin de la dictature. Les investigations qui remontent jusqu’à la rue Botzaris interviennent dans le cadre d’une information judiciaire ouverte le 21 octobre 2010 par la juge Michèle Ganascia. Celle-ci s’intéresse à un homme de 32 ans soupçonné d’être à l’origine de menaces de mort contre l’avocat Thibault de Montbrial.

Le dossier judiciaire, révélé par OWNI, a déjà permis d’établir des relations entre ces menaces de mort et les intérêts d’un influent négociant tunisien défendu par Me de Montbrial. Il s’agit de Ghazi Mellouli, qui travaillait autrefois aux côtés d’Habib Ben Ali, alias Moncef, frère aîné du président Ben Ali.

Organigrammes et réseaux parisiens

Après quelques années d’une coopération étroite à l’intérieur du sérail tunisien, Ghazi Mellouli était tombé en disgrâce et avait perdu du jour au lendemain plusieurs activités commerciales, au profit de rivaux, les Trabelsi. Du nom de la dernière épouse de Ben Ali, qui avait réparti les principaux schémas de corruption étatique entre ses frères, en prenant soin d’évincer les autres courtisans.

Déterminé à faire valoir ses droits, Ghazi Mellouli a demandé à Thibault de Montbrial de le défendre contre les Trabelsi. Et à écouter le récit de cet homme d’affaires tunisien, sa détermination à retrouver ses biens lui aurait déjà valu une tentative d’assassinat au couteau, perpétrée le 18 novembre 2009 – un épisode confirmé par une enquête du Monde.

Lors d’entretiens avec OWNI, au mois d’avril dernier, Ghazi Mellouli avait estimé que les menaces de mort adressées à l’avocat Thibault de Montbrial étaient le prolongement “évident” des attaques qu’il avait déjà subies. Et selon lui, ces dernières étaient toutes coordonnées par un réseau tunisien, mi-mafia mi-service secret, émanant directement du RCD (le parti de Ben Ali) et dont la rue Botzaris contrôlait les faits et gestes sur le territoire français.

Dans le courant du mois d’avril, un proche de Ghazi Mellouli aurait apporté plusieurs organigrammes aux policiers décrivant les activités de ce réseau et le rôle joué par une association installée au 36 rue Botzaris. Il y a deux semaines, le parquet de Paris nous a indiqué que l’affaire était suivie par la Section antiterroriste de la Brigade criminelle de Paris.

Retrouvez notre dossier sur les réseaux du RCD et Botzaris 36:

Bataille pour les archives parisiennes de Ben Ali

Botzaris, territoire annexé par l’ambassade


Crédits photo: Illustration CC Elsa Secco pour OWNI, stewartmorris

Image de Une CC Elsa Secco pour OWNI

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La transparence, une ressource inexploitée… http://owni.fr/2011/06/01/industries-extractives-transparence-regulation-financiere-petrole-mines/ http://owni.fr/2011/06/01/industries-extractives-transparence-regulation-financiere-petrole-mines/#comments Wed, 01 Jun 2011 12:26:53 +0000 Renaud Coureau http://owni.fr/?p=65562 Michel Roy, économiste et linguiste, est directeur de la section internationale du secours catholique. Il a été membre du bureau de l’ITIE (Initiative pour la transparence dans l’industrie extractive) durant quatre ans, et coordinateur de la plate-forme internationale Publish what you pay. Il fait le point sur les différentes initiatives en faveur de la transparence financière.

Qu’est-ce que l’ITIE aujourd’hui et quels en sont les résultats?

En 2003, Tony Blair cherchait une réponse aux interpellations des ONG anglaises sur la transparence des grandes entreprises. Il a donc lancé l’ITIE (initiative pour la transparence dans l’industrie extractive, NdR), qui avait pour mission originelle d’établir une norme internationale de transparence pour les activités extractives : pétrole, diamants, minerais. Mais il s’agit d’une norme sur le mode anglo-saxon. Pas vraiment de contraintes ou de règles fermes, mais plutôt une recherche de consensus, de solutions acceptables par tous.

En 2007 a été lancé le processus de validation des pays producteurs selon les critères de l’ITIE. Les pays concernés sont ceux qui tirent plus de 25% de leurs revenus des industries extractives.

Pour être certifiés conformes à l’ITIE, les pays candidats doivent produire un rapport donnant des informations chiffrées sur ce que versent les compagnies à l’État, et sur ce que l’État reçoit. Un expert indépendant doit valider ce rapport, qui a vocation a être actualisé tous les ans. Aujourd’hui, sur 60 pays potentiellement concernés, 35 sont engagés dans le processus, dont 11 sont déjà certifiés.

Huit ans après son lancement, cette initiative n’est pas encore arrivée à maturité. Les critères restent trop souvent subjectifs. Nous souhaiterions plus d’objectivité, plus de solidité. Il faudrait également faire entrer les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine, NdR) dans le processus, ainsi que les plus gros producteurs. Le G20 incite tous ses membres à participer à l’ITIE.

Quel intérêt ont les pays producteurs à une meilleure transparence dans leurs affaires?

Beaucoup de ces pays ont de sévères problèmes de gestion des ressources. Des années de conflits, des gouvernements autocratiques… le contexte politique de certains pays a abouti à une opacité totale. Plusieurs raisons peuvent les pousser à participer au processus ITIE.

D’abord pour des questions d’image vis-à-vis de l’extérieur. Beaucoup veulent prouver au monde qu’ils sont bons gestionnaires. Ensuite, ces pays sont souvent très endettés, or le FMI met l’adhésion à l’ITIE comme condition pour annuler la dette d’un État. La banque mondiale fait également pression, cette fois pour lutter contre la corruption.

L’ITIE peut également aider les dirigeants de ces pays à y voir plus clair. J’ai entendu le ministre des Finances du Mali dire qu’il ne savait pas ce que l’or rapportait à son budget…

Tous les pays ne s’engagent pas avec la même force. J’ai pu l’observer au Congo Brazzaville. Le président Denis Sassou-Nguesso a envoyé une lettre à la banque mondiale en 2004, pour annoncer que son pays souhaitait entrer dans l’ITIE. Mais les premières démarches concrètes ont été effectuées en 2006… et des membres de l’organisation Publish What You Pay (PWYP) ont été incarcérés entre temps. Dans ce cas, la démarche ITIE s’est limitée à une déclaration d’intention. C’est le cas de beaucoup de pays, qui s’engagent, mais mollement.

A l’inverse, la présidente du Liberia, Ellen Johnson-Sirleaf, a utilisé l’ITIE pour réformer son administration, et mettre en place un cadre contraignant. On se libère difficilement de décennies de mauvaise gestion. Au final, elle a dépassé le cadre de l’EITI, en imposant également la transparence dans les industries forestière et agroalimentaires.

Les compagnies pétrolières sont-elles également coopératives?

En 2003, elles sentaient déjà la pression de la société civile dans certains pays, comme le Nigeria. Quand un pays entre dans le processus, cela devient contraignant pour toute les compagnies qui y travaillent.

Les majors, qui ont une image à défendre, jouent le jeu en général. Elles ont un intérêt à avancer vers plus de transparence, cela rassure les investisseurs. Mais entre ce que décide le siège et la manière dont c’est mis en œuvre par les filiales sur place, il peut y avoir un décalage. A un tel point que Total a dû consacrer du personnel dédié à la transparence dans ses filiales.

Une compagnie cherche à produire du pétrole, à créer de la richesse. Le reste, ce n’est pas prioritaire. Néanmoins, les majors pétrolières soutiennent presque toutes l’ITIE. Total et Areva ont signé en 2003, GDF Suez un peu plus tard. C’est parfois indispensable pour entretenir de bonnes relations avec les États.

Dans les pays les plus riches, sentez-vous une volonté politique d’imposer plus de transparence aux multinationales?

Les pays du Nord sont plus moteurs que ceux du Sud. La crise les a encouragé à aller vers plus de transparence. Les États sont marginalisés sur la scène internationale. L’économie financière dirige le monde à leur place. La transparence peut aider les États à récupérer des fonds. Dans tous les pays, le fisc pousse fort dans ce sens.

Par exemple, la loi Dodd-Franck, adoptée aux États-Unis, oblige les compagnies cotées à publier des informations pays par pays et projet par projet. Votée en juillet 2010, elle n’est toujours pas effective : les décrets d’application ont été reportés à décembre 2011, suite à un lobbying très fort des multinationales. Elles demandent des exemptions quasiment sur tout…

Notre objectif, c’est que cette norme devienne planétaire. On pousse l’Union Européenne à adopter les mêmes règles. Notre opportunité : la révision de la directive sur l’obligation de transparence. Dans l’idéal, la nouvelle version de cette directive se baserait sur la loi Dodd-Franck.

Mais les discours publics restent flous… Les compagnies sentent qu’elle ne pourront pas éviter de donner des informations pays par pays. Ce qui les amènera à corriger d’elles-même leurs pratiques d’évasion fiscale. Mais les données projet par projet, c’est une autre affaire. Les compagnies pétrolières sont vent debout contre ce projet. Bercy est également contre. L’argument utilisé, c’est toujours celui de la concurrence. Publier des données projet par projet, cela donnerait un avantage aux concurrents. Ce ne sont pas les Américains qui sont visés, mais les Chinois, qui ne seront pas soumis aux mêmes contraintes. C’est un argument qu’on peut comprendre, et c’est pourquoi il faut établir une norme globale.

L’un des freins les plus importants à cette logique planétaire, c’est la position des pays émergents. Aucun d’entre eux ne soutient l’ITIE. Même si leurs compagnies nationales s’engagent, comme Petrobras au Brésil ou Pemex au Mexique.

Quelle institution pourrait valider une telle norme? Le G20?

Il n’y a pas d’autorité boursière mondiale… La norme s’établira d’elle même, si les États-Unis lancent la dynamique et que l’Europe suit. Singapour a également lancé une initiative moins ambitieuse.

C’est le sens du message que nous répétons à Total depuis des années : « Anticipez, les choses vont bouger, n’attendez pas d’être contraints ».

Vous êtes donc optimiste?

Oui, je pense que la crise oblige à développer des logiques de transparence. Si les politiques espèrent reprendre la main sur le cours des choses, ils n’ont pas le choix. Les grandes décisions sont globalisées, et le resteront. Nous vivons dans un monde beaucoup plus inter-dépendant que par le passé, donc pour s’y adapter les politiques vont devoir contraindre la sphère financière.

Il faut avancer vers une régulation financière réelle, avec la fin des paradis fiscaux et des mécanismes d’opacité. Tant que tout cela ne sera pas régulé, les chefs d’état n’auront pas de réel pouvoir sur la situation économique. Ils l’ont bien compris.

Toutes les normes de transparence avancent aujourd’hui. On sent la résistance des compagnies, on sent l’impact de leur lobbying quand on parle aux politiques. Mais j’ai le sentiment que la réalité va amener les responsables publics à faire avancer les choses. Signe positif : le G20 a repris des propositions formulées au forum social de Belem, qui vont dans ce sens.


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Tunisair détournée de ses vols http://owni.fr/2011/05/18/tunisair-detournes-de-ses-vols/ http://owni.fr/2011/05/18/tunisair-detournes-de-ses-vols/#comments Wed, 18 May 2011 16:58:26 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=63359 À Tunis, les comptes de la compagnie Tunisair occupent une bonne part des travaux menés par les 25 avocats tunisiens du Comité national de lutte contre la corruption ; qui se sont réunis lundi dernier, 16 mai. En marge de la conférence de presse qu’ils ont tenue à l’hôtel Golden Tulip de Tunis, plusieurs juristes proches du comité citaient en coulisses les multiples témoignages recueillis ces dernières semaines au sujet des opérations douteuses réalisées au préjudice de Tunisair. Certains de ces témoignages visent de grandes sociétés européennes, cocontractants habituels de Tunisair, comme OWNI a pu le constater sur place.

Dans un premier temps, les membres du comité préparent des dépôts de plainte contre les sociétés et les personnalités domiciliées en Tunisie. Ainsi, selon eux, plusieurs éléments montrent que la société privée Karthago Airlines aurait adopté une stratégie de prédation ; utilisant progressivement les actifs de la compagnie nationale pour développer ses propres affaires. Déjà soupçonnée d’avoir servi de vecteur pour l’enrichissement personnel des Ben Ali, Karthago Airlines est contrôlée par Belhassen Trabelsi, Aziz Miled, et par la compagnie Nouvelair ; comme le montre ce procès-verbal de trois pages (en arabe et en français) signé par les actionnaires.

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Les responsables de Karthago Airlines sont soupçonnés d’avoir profité de contrats de location des appareils de Tunisair à des prix très inférieurs à ceux du marché. Peut-être pour assurer des rotations avec l’Europe, en concurrence des propres lignes de Tunisair. Et les avocats du Comité national de lutte contre la corruption suspectent la société mère, Nouvelair, actionnaire de Karthago, d’avoir fait croître ses activités en détournant elle aussi les moyens de Tunisair.

La présence éventuelle de Nouvelair dans ces dossiers leur donnerait une portée internationale. Deuxième compagnie aérienne tunisienne, Nouvelair revendique plus d’un tiers de parts de marché depuis l’intégration des activités de Karthago, réalisé à partir d’août 2006 sur les conseils de la Compagnie Edmond de Rothschild (comme le raconte la page facebook de Karthago). D’autant que Nouvelair appartient pour sa part à une holding familiale, Tunisian Travel Service (TTS), elle-même sous la tutelle d’Aziz Miled et de ses enfants.

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Aziz Miled, proche de plusieurs industriels européens de l’énergie, de l’aéronautique et de la défense, demeure aux yeux de l’opinion française l’homme par qui le scandale est arrivé. Le 27 février dernier, Michèle Alliot-Marie avait été conduite à démissionner de son poste de ministre des Affaires Étrangères après les révélations du Canard Enchaîné au sujet des droits de construction sur des terrains, cédés aux parents de MAM par l’homme d’affaires tunisien. Qui fréquente depuis longtemps le gratin des décideurs français. Le 1er décembre 2009 par exemple, le patron de Tunisian Travel Service était reçu au siège de GDF Suez pour une réunion de travail…

Cliquer ici pour voir la vidéo.

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Les coordinateurs du comité des avocats annoncent que plusieurs plaintes devraient être déposées dans le cadre de ces diverses affaires en relation avec Tunisair, avant le mois de septembre. Contactés par OWNI, les dirigeants de Karthago Airlines et de Tunisian Travel Service n’ont pas répondu à nos sollicitations.

Photo  CC F. Pietro.

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Fortune des dictateurs: au tour de Ben Ali et Kadhafi http://owni.fr/2011/04/18/carte-biens-mal-acquis-kadhafi-ben-ali/ http://owni.fr/2011/04/18/carte-biens-mal-acquis-kadhafi-ben-ali/#comments Mon, 18 Apr 2011 15:06:52 +0000 Olivier Tesquet http://owni.fr/?p=56887 Près de 200. C’est le nombre de biens mal acquis de cinq despotes africains que nous avons identifiés et listés sur notre carte consacrée au trésor des dictateurs. L’association Sherpa, qui “protège les populations victimes de crimes économiques”, avait déjà largement documenté les avoirs dans l’Hexagone de feu Omar Bongo (président du Gabon), Denis Sassou N’guesso (président du Congo-Brazzaville) et Théodore Obiang (président de la Guinée-Equatoriale). Une bonne partie de leur patrimoine avait été consignée dans des listings, pour un montant total évalué à 35 millions d’euros, que nous avons regroupé sous trois catégories:

  • Voitures de luxe et biens de consommation
  • Hôtels particuliers et biens immobiliers
  • Comptes en banque disséminés à travers le monde

A la faveur des révolutions arabes, de nouveaux noms font leur apparition dans ce club fermé des fortunes mal acquises. Parmi eux, Zine el-Abidine Ben Ali, le président tunisien déchu, et Mouammar Kadhafi, le dictateur atrabilaire s’accrochant à sa chaire de Guide de la Révolution.

Les révolutions pourraient relancer des procédures enterrées

Aux plaintes déposées devant la justice par les ONG Sherpa et Transparence International en 2008, les gouvernements incriminés avaient riposté par la voie de recours judiciaire, avec un certain succès. En avril 2009, le Tribunal de grande instance de Paris s’était opposé à l’ouverture d’une enquête, et il avait fallu une décision de la Cour de cassation en novembre 2010 pour casser ce premier avis.

Finalement, les soulèvements populaires récents pourraient bien relancer des procédures fastidieuses. Après avoir multiplié les déplacements de l’autre côté de la Méditerranée ces dernières semaines, l’avocat William Bourdon et Sherpa espèrent beaucoup de la justice française: dans les affaires de corruption d’agents publics, définies par la convention OCDE de 1997, il n’y a pas de partie civile, et le parquet a le monopole de l’instruction. Parquet qui dépend directement du ministère de la Justice…

Le défi Kadhafi

Ainsi, le procureur de la République de Paris, Jean-Claude Marin, a été saisi pour identifier les biens des clans Ben Ali-Trabelsi et Kadhafi. Dans un courrier adressé le 7 mars 2011, Me William Bourdon et Daniel Lebègue (président de Transparence International) réclament “l’ouverture d’informations judiciaires, ce dernier cadre procédural [leur] paraissant mieux adapté à la complexité et au caractère international des infractions dénoncées.” Sherpa s’est également positionnée sur le cas du président égyptien Hosni Moubarak, même si l’essentiel de ses avoirs a été placé ailleurs en Europe, et notamment au Royaume-Uni. La City de Londres reste l’un des principaux havres de paix des chefs d’Etat kleptomanes.

Le 1er avril, c’est Michel Maes, Vice-Procureur de la République adjoint en charge des relations avec les commissaires aux comptes qui a reçu un courrier signé des deux associations. Dans celui-ci, elles demandent aux autorités françaises de s’aligner sur les décisions de gel votées en Tunisie, et réclament une vigilance particulière vis-à-vis des avoirs du colonel Kadhafi:

Il nous paraît important que vos recherches ne se limitent pas aux seules personnes physiques visées par la plainte mais soient étendues aux avoirs que pourraient détenir les fonds d’investissement libyens ainsi que la Banque Centrale de Libye sur le sol français. Dirigées par des proches du cercle Kadhafi ; ces différentes institutions sont réputées pour servir de réserve personnelle au clan.

Cliquer sur la carte pour naviguer dans l’application

D’après les estimations du Figaro, la seule Libyan Investment Authority (LIA), le premier fonds souverain libyen, gérerait 50 millions de dollars (la manne pétrolière, notamment), la moitié d’une fortune totale évaluée à 100 millions d’euros. Le défi, dans le cas du despote libyen? Remonter le fil de transactions rarement effectuées en son nom propre. “Concernant Ben Ali, on commence à avoir une idée précise de son patrimoine immobilier”, se réjouit Daniel Lebègue.

“Pour Kadhafi, c’est plus compliqué. Beaucoup d’investissements ont été faits par le biais de structures étatiques, sur lesquelles il exerce un contrôle absolu. Il a placé de l’argent dans de nombreuses places financières, aussi bien à la City de Londres que dans les pays du Golfe.”

Témoignages anonymes

Tandis que les premières informations précises affleurent, le travail de recension continue. Dans les premiers mémos de Sherpa, un large chapitre est consacré aux “sources d’information non confirmées”. On y découvre que le clan Ben Ali-Trabelsi a ses particularismes. Là où les familles Bongo et N’guesso ont acheté des appartements en leur nom, avec des oncles, des frères ou des nièces (quoi de plus logique, puisque les deux familles sont liées), les Tunisiens auraient fait beaucoup d’acquisitions par le truchement de sociétés civiles immobilières.

Et déjà, les langues se délient. C’est le second enseignement de ces documents. Trois mois seulement après le départ précipité de Ben Ali, les émoignages anonymes se multiplient, comme si des vocations de whistleblowers (lanceurs d’alerte, NDLR) étaient nées dans la transition démocratique. Coups de téléphone, riverains bavards, nombreux sont ceux qui se manifestent pour identifier les biens. Une manière comme une autre de solder un héritage plus que jamais coûteux.

Retrouvez l’intégralité des données ci-dessous (n’hésitez pas à nous fournir de nouvelles informations via le formulaire “Contribuez” de l’application):

Un immense merci à Jerôme Alexandre pour le développement et à Marion Boucharlat pour le design.


Crédits photo: Intertitres, Mykl Roventine

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#PublicidadOficial révèle la corruption du gouvernement Calderon http://owni.fr/2011/04/11/publicidadoficial-revele-la-corruption-du-gouvernement-calderon/ http://owni.fr/2011/04/11/publicidadoficial-revele-la-corruption-du-gouvernement-calderon/#comments Mon, 11 Apr 2011 08:03:24 +0000 David Sasaki http://owni.fr/?p=55923 Article publié initialement sur Owni.eu, sous le titre “#PublicidadOficial campaign exposes corruption in Calderon’s government”

[Liens en anglais, seuls les liens en espagnol ont été signalés] En avril 1982, le président de l’époque, José López Portillo ordonnait à toutes les agences gouvernementales du Mexique d’annuler leurs contrats de publicité avec Proceso Magazine. Il était de notoriété publique que López Portillo dirigeait l’un des gouvernement les plus corrompus du monde à ce moment là, mais cela le fatiguait de voir que les journalistes de Proceso le rappelaient constamment. Sans le soutien financier du gouvernement avec la publicité, Proceso a été forcé d’annuler le récent service de syndication, qui fournissait du contenu à plus de 50 journaux à travers le pays.

Le mois suivant, López Portillo répondait à un éditorial qui critiquait sa décision d’interdire la publicité gouvernementale dans Proceso et d’autre médias de l’opposition. Sa réponse est légendaire :

Je ne les paie pas pour qu’ils me frappent.

Trente ans plus tard, Proceso est pénalisé par le gouvernement, une fois encore, pour sa ligne éditoriale critique envers le gouvernement. En septembre 2007, le magazine proclamait que le Président Calderon utilisait la publicité gouvernementale comme un mécanisme de soutien aux médias qui le soutiennent, et comme moyen de punir ceux qui étaient contre lui.
En 2008, Proceso a publié un peu plus de cinq pages de publicité officielle [es], Emeequis [es] 75,5 pages et Milenio Semanal [es] 11,83 pages

La réponse légendaire de López Portillo rend transparent ce lien direct entre la publicité officielle gouvernementale et la liberté d’expression. Cette phrase est devenu un appel de ralliement pour une nouvelle campagne [es], visant à rendre plus transparente la manière dont le gouvernement dépense l’argent des contribuables en communication et publicité.

Cette campagne est le résultat de plusieurs mois d’enquête par Fundar [es] et Artículo [es]. Les deux organisations ont fait un nombre conséquent de requêtes pour accéder aux informations sur les dépenses au niveau fédéral et étatique du gouvernement concernant les relations presse et la communication.

Ils ont uploadé la totalité de la base de données sur un nouveau site public où les utilisateurs peuvent voir les dépenses de chaque agence gouvernementale de 2005 à 2010. Malheureusement, cette base de données, construite à partir de DataTables, ne permet pas aux utilisateurs de faire des comparaisons sur plusieurs années et agences différentes dans un même tableur mais on trouverait également un budget détaillé des dépenses par an et par type de média sur Google Public Data Explorer avec une timeline assez pratique. De même, un budget détaillé par an et par type de média est disponible sur Google Fusion Tables

Mais cette campagne va au-delà de la visualisation de la façon le gouvernement dépense l’argent des contribuables en publicité et en média. Elle inspire un débat majeur sur le rôle et les droits du gouvernement en terme de communication, dans une époque où la survie et l’autonomie du journalisme est plus fragile qu’elle ne l’a jamais été dans les cinquante dernières années. Afin de faire décoller la discussion, Fundar et Artículo 19 ont organisé une conférence de presse et un débat à l’université de la communication [es] de Mexico City.

Le directeur exécutif de Fundar, Miguel Pulido [es] a lancé le débat en mettant les pieds dans le plat. En se tournant d’abord vers le directeur d’Emeequis Ignacio Ramirez Renya, Pulido a posé la question suivante :

Est ce qu’un média mexicain indépendant peut survivre sans la publicité gouvernementale ?

Ramirez a évité la question, ou, pour être plus précis, il l’a changée :

La vrai question, a-t-il répondu, est de savoir si un média indépendant a le droit d’accepter de la publicité en provenance du gouvernement, et je pense que oui.

Pour poser un peu le contexte pour les lecteurs qui ne sont pas familiers avec le paysage médiatique mexicain, Emeequis est, à mon avis, le meilleur magazine de news et d’évènement du pays. Avec Gato Pardo [es], ce sont les deux plus proches des américains Atlantic Monthly ou Harpers. L’écriture est vivante, les sujets sérieux, et le design éditorial est bluffant.

Et, comme tout le monde le sait, Emeequis ne serait plus de ce monde depuis longtemps, sans l’apport financier du gouvernement à travers la publicité. Jetez un coup d’œil aux banners directory - pratiquement toutes leurs annonces online viennent d’agences gouvernementales. En d’autres termes, les contribuables subventionnent le travail journalistique d’Emeequis en finançant la publicité des agences gouvernementales comme le Conseil national de prévention de la discrimination (CONAPRED, es). Tout cela est bien. En fait, c’est l’essence de la communication de développement. Les Mexicains devraient être au fait des activités de leur agences gouvernementales et dans ce cas, soutenir le journalisme d’enquête de qualité, pour le meilleur.

Un graph de l’argent budgété et dépensé sur la publicité fédérale et les relations presse de 2055 à 2010. Les montants budgétés sont en bleu, les montants dépensés en rouge.

Ce n’est pas le type de “publicité officielle” que Fundar et Artículo 19 critiquent. Mais ils sont contre ce que Géraldine Juárez a appelé “spotisization of democracy” [es]. Ce terme signifie pour elle une réalité parallèle et bien lisse, projetée par le gouvernement et produite par des coûts élevés en RP et agences de communication.

Vous entrez dans cette réalité alternative faite de publicité pour de la bière à chaque fois que vous ouvrez un journal ou un magazine, à chaque fois que vous visitez un cinéma, à chaque fois que vous allumez votre télévision ou votre radio.

Et c’est constamment présent : le gouvernement vous dit : “Ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer, les choses vont s’arranger” , même si c’est clair que non. Le directeur exécutif de Fundar, Miguel Pulido le présente de cette manière en un tweet sarcastique :

J’ai fait un cauchemar. J’ai rêvé que nous vivions tous des vies heureuses, avec un accès à la sécurité sociale et à un vaste choix d’emplois. Je vivais dans une publicité du gouvernement.

Par exemple :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Plus les mois passent, plus les mexicains pensent que leur gouvernement a échoué dans sa guerre contre la drogue. La réponse du Président Calderon s’est traduite par toujours plus d’augmentation des dépenses de l’argent des contribuables pour financer une campagne médiatique visant à les convaincre… du contraire. Non seulement les contribuables mexicains participent au financement d’une guerre très coûteuse contre les trafiquants de drogue qui donne peu de résultats sinon des morts et des déplacements de population. Ils financent aussi cette habile campagne médiatique. Par exemple :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Enfin, il existe une autre préoccupation, particulièrement en ce moment, à un an des élections fédérales. Les politiciens en exercice utilisent la publicité gouvernementale régulièrement comme déclencheur de campagne des années avant que la saison électorale n’ait officiellement commencé. La cas le plus emblématique est celui de la campagne électorale du gouverneur de Mexico et potentiel présidentiel, Enrique Peña Nieto , dont la communication a totalement été financée par les Mexicains. Il avait engagé l’actrice Lucero Hogaza León pour jouer dans une série de spot TV qui faisait l’éloge de ses exploits. Mais pire encore, ce clip, qui fait clairement partie de la campagne présidentielle, est maquillé comme une simple pub gouvernementale censée informer les citoyens :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Cette manipulation éhontée de l’appareil de communication étatique pour les besoin personnels d’une campagne électorale a inspiré au sénateur Pablo Gómez une nouvelle loi qui interdirait l’utilisation de la com étatique pour sa propagande personnelle et politique [es]. Je dois encore revoir cette proposition en profondeur mais cela pourrait être un objectif concret de la campagne derrière lequel se rallier avant la fin de la prochaine saison électorale.

Pour l’instant, la #PublicidadOficial de la campagne demande aux Mexicains comment ils voudraient que les 18 milliards de pesos que l’administration Calderon a dépensé jusque là en communication soient utilisés :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Por la Educación [es], un groupement d’ONG et d’associations promouvant une meilleure éducation au Mexique, dit qu’elle construirait 18.834 écoles publiques :


Article publié initialement sur le blog de David Saski

Crédits photo via Flickr oso

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Un avocat parisien menacé par le clan Ben Ali http://owni.fr/2011/03/24/un-avocat-parisien-menace-par-le-clan-ben-ali-trabelsi-montbrial/ http://owni.fr/2011/03/24/un-avocat-parisien-menace-par-le-clan-ben-ali-trabelsi-montbrial/#comments Thu, 24 Mar 2011 17:50:53 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=53144 Selon des sources proches du procureur de la République de Paris, une information judiciaire est en cours au sujet de menaces de mort visant l’avocat parisien Thibault de Montbrial, en raison des dossiers tunisiens qu’il a défendus. Des rapports et des procès-verbaux de la Direction de la police judiciaire, consultés par OWNI, montrent que la Brigade criminelle enquête depuis plusieurs mois et soupçonne des proches du clan Ben Ali.

Les menaces remontent au 15 octobre 2010, quelques mois avant la chute de Ben Ali à Tunis. Prises manifestement très au sérieux par le parquet, elles ont entraîné l’ouverture d’une information judiciaire, le 21 octobre, confiée à la juge Michèle Ganascia. Une chronologie confirmée par l’avocat Pierre-Olivier Sur, chargé de représenter son collègue dans ce dossier :

C’est rarissime et c’est du sérieux. Thibault de Montbrial a fait l’objet d’une longue surveillance avant de recevoir ces menaces. Plusieurs témoins les ont détaillées. D’ailleurs, à la demande de la juge, un suspect est incarcéré depuis plusieurs mois.

Selon les procès-verbaux établis par la Brigade criminelle, ce suspect s’appelle Karim Mahjoubi. À en croire les différents témoignages recueillis, l’homme s’est posté face à l’avocat et a mimé un égorgement avec le tranchant de la main, après l’avoir attendu ostensiblement au pied de son immeuble durant plusieurs jours.

Interpellé et placé en détention provisoire, il a réfuté l’ensemble des griefs. L’enquête a cependant révélé plusieurs contradictions dans ses dépositions et a montré qu’il utilisait diverses identités, au moins six autres. Les policiers ont aussi établi qu’il profitait d’une véritable logistique lors de sa surveillance du cabinet de l’avocat parisien.

Motif des menaces ? La défense d’un homme d’affaires en disgrâce

Thibault de Montbrial (par ailleurs avocat d’un des salariés de Renault accusé à tort d’espionnage) a estimé que ces menaces pourraient être la conséquence de sa défense de l’homme d’affaire tunisien Ghazi Mellouli. Autrefois proche de la famille Trabelsi – du nom de l’épouse du dictateur – ce négociant a connu des aventures plutôt violentes après être tombé en disgrâce à la fin des années 90. Face aux enquêteurs, Me de Montbrial a livré les explications suivantes :

Mellouli reçoit des menaces de violences physiques (enlèvement et sévices) depuis septembre 2010 sur son téléphone portable, de numéros tunisiens (…) Pour bien comprendre la pression qui s’exerce autour de la personne de M. Mellouli, je vous précise que jusqu’à la fin des années 1990, il était en affaire avec l’un des membres les plus puissants de la famille Trabelsi (Moncef Trabelsi), et donc très proche du pouvoir. Ce proche associé a ensuite été retrouvé mort dans des conditions mystérieuses et de ce que j’ai compris de son histoire, Ghazi Mellouli s’est alors fait persécuter par le pouvoir tunisien, qui l’a ruiné et fait emprisonner pendant trois ans.

Pour l’avocat parisien, son client connaît intimement les dessous de la dictature tunisienne, susceptibles d’éclabousser plusieurs personnalités. Les menaces de M. Mahjoubi viseraient donc à le faire renoncer à défendre ce client.

À Paris, une structure clandestine pour les affaires du clan Ben Ali

Leïla Trabelsi Ben Ali

Lors d’un entretien, Ghazi Mellouli nous a expliqué comment l’appareil d’état tunisien avait entretenu à Paris, jusqu’en 2010, une structure chargée d’assister les affaires du clan Ben Ali en recourant à des organisations relevant du grand banditisme. À l’occasion, elles étaient aussi sollicitées pour des opérations d’intimidation.

À Tunis, plusieurs personnalités nous ont assuré que l’existence de telles pratiques était prise très au sérieux – notamment par des avocats membres du Comité de lutte contre la corruption, qui enquête sur les années de dictature. Sur place, nous avons également rencontré un entrepreneur du bâtiment à l’origine d’une des premières procédures pénales pour racket et corruption visant nommément cette même famille Trabelsi, sur la base d’une plainte déposée devant la Cour de Tunis.

Dans cette procédure, Fathi Dammak accuse Belhassen Trabelsi d’avoir tenté de le racketter puis d’avoir organisé l’enlèvement de son fils de 14 ans pour le contraindre à verser des pot-de-vin sur un marché immobilier. Les documents dont nous avons obtenu copie donnent crédit à sa version des faits. Réfugié au Canada depuis la chute de Ben Ali, Belhassen Trabelsi n’a pas indiqué s’il comptait se défendre devant les tribunaux tunisiens.

Crédit Photo FlickR CC : Abode of Chaos // Wikimedia Commons

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